Le site Internet d’information en ligne http://all4syria.info fournit, dans un article paru le 27 septembre, des informations aussi inédites que précises sur ce qu’il appelle « les nouveaux chabbiha de la Syrie de Bachar Al Assad ». Les détails qu’il mentionne ne contredisent pas, sur le fond, ce qui avait naguère été rapporté ici. Ils confirment au contraire que les créatures, que l’on peine à qualifier d’humaines, utilisées pour terroriser la population syrienne en se livrant aux comportements les plus abjectes, sont bien recrutées et organisées par des membres de la famille Al Assad et certains de leurs associés, pour servir leurs intérêts immédiats qui n’ont rien à voir avec la défense de l’Etat et la protection des citoyens.
Leurs chefs actuels sont deux proches du général Hafez Makhlouf, cousin maternel de Bachar Al Assad et frère cadet de l’homme d’affaires Rami Makhlouf, dont le recyclage dans l’action caritative n’a pas duré longtemps puisqu’il s’est récemment porté acquéreur d’une tour à Doubaï pour un montant de plusieurs centaines de millions de dollars… une manière comme une autre, mais finalement guère plus sûre qu’une autre, d’échapper aux sanctions de la communauté internationale. Les deux comparses répondent aux noms de Gandhi Asaad et de Moujahed Ismaïl.
Le second, de loin le plus redoutable, est le fils d’un officier supérieur, le général Fouad Majed Ismaïl, décédé il y a deux ans. En récompense des bons et loyaux services fournis par lui à la tête de sa brigade mécanisée, lors de la glorieuse « reconquête de Hama », en 1982, Hafez Al Assad avait accéléré ses promotions. L’éducation de son fils n’a pas été son plus grand succès. Ami d’un certain ‘Asem Al Assad, fils du général Ghassan Al Assad, un cousin du défunt « président éternel » qui avait succédé à son frère Adnan Al Assad à la tête des « Brigades de Combat », une unité créée pour contrecarrer les ambitions de pouvoir de Rifaat Al Assad, frère cadet de Hafez Al Assad et patron des « Brigades de Défense » – j’espère que vous suivez toujours… -, il s’est fait une réputation en s’adonnant avec lui au trafic de voitures de luxe. Ils les louaient au Liban. Ils les faisaient entrer en Syrie en empruntant la « route militaire », une voie parallèle à la route internationale qui a permis, durant tout le temps de la présence syrienne au Liban, d’échapper aux formalités et aux contrôles habituels… et de se livrer en toute impunité à toutes sortes de trafic, y compris au transfert dans les prisons syriennes des Libanais enlevés à Beyrouth ou ailleurs pour leur hostilité à la Syrie. Puis, de manière toute aussi illégale, ils exportaient et revendaient ces voitures en Irak.
Contraint de changer de business en 2005, suite à l’évacuation des troupes syriennes du pays du cèdre, Moujahed Ismaïl s’est recyclé dans les enlèvements crapuleux. Ses cibles privilégiées sont devenus les hommes d’affaires qu’il rackettait ou faisait chanter. Ainsi, en 2006, il a couvert l’enlèvement, par le jeune Ayham Samsam, d’un commerçant très connu sur la place de Damas. Bien que proche du chef de l’Etat, Bachar Al Assad, ce commerçant n’a rien pu faire contre son ravisseur, une fois sa rançon versée et sa liberté retrouvée, par peur de son protecteur, le général Hafez Makhlouf.
Pour sa part, Moujahed Ismaïl s’est illustré dans l’enlèvement de l’homme d’affaires Ahmed Hadaya, représentant en Syrie des lames de rasoir Gillette, des rasoirs Brown, des stylos Parker, des pneus Pirelli, etc. En dépit du poids de la famille Hadaya dans la vie commerciale en Syrie, où ses cousins, les frères Wasim et Maher Hadaya, fils du fondateur du groupe Nadhir Hadaya, sont les importateurs des marques japonaises Suzuki et Isuzu, des produits de la marque Xerox, des matériels ménagers Electrolux… entre autres activités, il n’a été libéré qu’après le versement d’une rançon d’un million de dollars. Ce n’est qu’au terme de toute une série d’autres actes aussi graves que Moujahed Ismaïl a finalement été arrêté. Mais, sur intervention de Hafez Makhlouf, il a été remis en liberté six mois plus tard.
Lorsque l’agitation a débuté en Syrie, au printemps 2011, c’est vers ce jeune homme sans foi ni loi qui lui était redevable que le général Makhlouf, homme fort de la Sécurité d’Etat (RG), s’est spontanément tourné pour mettre sur pied les groupes de chabbiha dont il avait besoin pour dissuader les contestataires de poursuivre leur mouvement. Il n’y avait pas pire que lui, plus brutal que lui, plus irrespectueux avec tout le monde, plus porté aux injures et aux coups. Soupe au lait, il en était même venu, au cours d’une dispute avec son ami ‘Asem Al Assad, à faire usage contre lui de son arme. A la demande de son protecteur, il a donc recruté dans les villages de la montagne les trafiquants, les voleurs, les bandits et les criminels qui s’y terraient pour échapper à la justice. Leurs salaires ont été assurés par la famille Makhlouf et par Dhou al Himmeh Chalich. Moins connu, hors de Syrie, que le reste de la famille, Dhou al Himmeh Chalich a longtemps dirigé la garde rapprochée de son cousin Hafez Al Assad (la mère de l’ancien chef de l’Etat répondait au nom de Na’iseh Chalich), avant d’assurer celle de Bachar Al Assad. Il s’est enrichi dans une multitude de trafics, dans les commerces illicites avec l’Irak comme dans le détournement de gasoil au moyen de branchements artisanalement et secrètement effectués sur certains oléoducs gouvernementaux.
Ce sont les hommes de Moujahed Ismaïl qui se sont illustrés dans la tuerie intervenue dans et autour de la Mosquée al Rifa’i, à Damas, durant la nuit du destin, à la fin du mois d’août dernier. Ni l’homme d’affaires Mohammed Hamcho, un proche de Maher Al Assad, appelé au secours par le cheykh Ousama Al Rifa’i, ni même le chef de la branche intérieure de la Sécurité d’Etat, Tawfiq Younes, ne sont parvenus à faire entendre raison à celui qui a alors affirmé que, « puisqu’il protégeait pour eux le pays, c’était lui qui donnait les ordres »… Ce sont ses hommes aussi qui avaient demandé au député Mohammed Habach qui l’avait autorisé à organiser, à l’Hôtel Sémiramis de Damas, au début du mois de juillet, une conférence destinée à réunir opposants et partisans du régime et à tenter de nouer un dialogue pour parvenir à sortir de la crise. Ayant appris que l’initiative avait reçu l’aval du vice-président Farouq Al Chareh, ils l’avaient abondamment insulté.
Les voisins de Moujahed Ismaïl, dans la rue du British Council, dans le quartier de Chaalan à Damas, connaissent bien ce personnage à l’allure caractéristique, épais et colérique, capable dans une crise d’hystérie de casser tout ce et tous ceux qui passent à sa portée. Ils l’évitent soigneusement, tout comme les propriétaires des restaurants dans lesquels il a ses habitudes.
Moujahed Ismaïl a de qui tenir. C’est un neveu de Tareq Ismaïl, consul à l’ambassade de Syrie en Egypte, dont le responsable, l’ambassadeur Yousef Al Ahmed, époux de Raou’a Al Assad, une cousine du chef de l’Etat, se comporte également comme un chabbiha. Ancien ministre des Transports, il avait eu maille à partir, avec l’héritier présomptif de l’époque, Basel Al Assad, en raison des procédures assez particulières qui présidaient à la sélection par ses soins des hôtesses de la compagnie nationale de transport aérien. Un autre de ses oncles, Ziyad Ismaïl, est secrétaire général des Douanes au poste frontière avec le Liban de Jdaydet Yabous, une situation stratégique qui procure une quantité appréciable d’avantages en tous genres. La mère de Tareq et Ziyad est elle-même issue de la famille Al Assad.
Signe de l’imbrication existant entre les membres de ce groupe et certaines hautes personnalités du régime, on notera que Ayham Samsam et son frère Yazan habitent dans le même immeuble que Ya’rob Ghazi Kanaan, fils de l’ancien proconsul syrien au Liban puis ministre de l’Intérieur Ghazi Kanaan, « suicidé » dans des circonstances obscures dans son bureau à l’automne 2005. Il possède le site Internet http://www.tajerna.com/, créé avec le soutien de Haydara Sleiman, un fils de l’ancien directeur de la branche intérieure de la Sécurité d’Etat, Bahjet Sleiman. Bien qu’âgé de 35 ans à peine, il s’est offert une Porsche Panamera qui coute au bas mot une centaine de milliers d’Euros.
http://syrie.blog.lemonde.fr/
Les nouveaux chabbiha de la Syrie de Bachar Al Assad
Un sacré grouillis d’immondices! Et dire qu’en terre arabe, une telle vermine « possède » un pays, humains compris! Sans oublier ses amitiés outre-frontières, en France compris : De Guéant (discret sur le sujet ces derniers temps) à Loncle & Marini (sénateurs), en passant par certains « journalistes ».