Les Comités Locaux de Coordination, qui jouent un rôle essentiel dans l’animation et l’orientation du mouvement populaire en cours en Syrie, ont rendu publique, au dernier jour du mois de Ramadan, une « Déclaration du Peuple Syrien » (texte en arabe à cette adresse). Elle met en garde contre les appels aux armes ou à une intervention étrangère lancés au cours des jours écoulés par certains Syriens, las de subir sans répliquer la répression sauvage qui constitue la réponse privilégiée du régime à leurs demandes de liberté et de dignité, et désespérant de voir les Etats démocratiques convaincre le régime de Bachar Al Assad de se soumettre à la volonté populaire.
On trouvera ci-dessous une traduction de ce texte, qui témoigne de la conscience et de la maturité des animateurs de la révolution pacifique en Syrie, qui savent pertinemment que, en prenant les armes, les protestataires tomberont dans le piège que le régime leur tend et vers lequel il les pousse par ses agissements depuis des mois. Ils mettent tous et chacun devant ses responsabilités. Ceux qui souhaitent, comme eux, épargner au peuple syrien un surcroit d’épreuves, de morts, de blessés et de disparus, doivent y répondre et se mobiliser.
Liberté, dignité, citoyenneté / Comités Locaux de Coordination
De manière aussi soudaine qu’inattendue, des Syriens de l’intérieur et de l’étranger ont lancé un appel à prendre les armes, ou à réclamer une intervention militaire internationale en Syrie. Cet appel intervient 5 mois et demi après que le régime syrien s’est lancé dans la répression systématique de son peuple, en l’emprisonnant et le torturant par dizaines de milliers, et en le tuant. Alors que le régime a indiqué qu’il poursuivrait sa stratégie brutale, la majorité des Syriens se sentent vulnérables dans leur propre pays du fait des crimes que le pouvoir continue de perpétrer.
Nous comprenons les motivations de tels appels à prendre les armes et des demandes d’intervention militaire. Mais nous rejetons de toute notre force ces positions que nous trouvons politiquement, nationalement et moralement inacceptables. La militarisation de la révolution réduira le soutien et la participation dont elle bénéficie de la part du peuple. Qui plus est, la militarisation aggravera davantage la catastrophe humanitaire en cours en Syrie.
La militarisation est d’autant moins souhaitable qu’elle mènera la révolution sur un terrain où le régime dispose d’un avantage indéniable, et elle aura pour conséquence de porter atteinte à la supériorité morale qui a caractérisé la révolution depuis ses débuts.
Nos frères Palestiniens peuvent en témoigner. S’ils ont bénéficié du soutien de l’intégralité de la population palestinienne et de la sympathie du monde, durant la première Intifada, la militarisation de la seconde Intifada a considérablement réduit ce capital. Il est par ailleurs intéressant et important de souligner que le régime syrien et l’ennemi israélien usent de mesures identiques pour faire face aux soulèvements qui les concernent.
L’objectif de la révolution syrienne n’est pas limité à la chute du régime. La révolution œuvre également pour l’instauration d’un système démocratique, capable de préserver la liberté et la dignité des Syriens. Plus encore, la révolution se veut garante de l’indépendance et de l’unité de la Syrie, de son peuple, de sa société.
La chute du régime, on le sait, est le but initial de la révolution. Mais elle ne constitue absolument pas une fin en soi. L’objectif final du mouvement est la libération de la Syrie et du peuple syrien. Or, la manière dont le régime tombera fournira des indications importantes et montrera de quoi la Syrie de demain sera faite. Si nous conservons le caractère pacifique de nos manifestations qui rassemblent villes, villages, hommes, femmes et enfants, un avenir démocratique pour la Syrie sera aisément envisageable. Si une confrontation armée ou une intervention militaire internationale s’engagent, il sera plus compliqué voire impossible de mettre en place les bases légitimes d’une Syrie fière d’elle-même.
Nous appelons donc notre peuple à faire preuve de patience et à poursuivre la révolution nationale aujourd’hui à l’œuvre. Nous pourrons alors tenir le régime en place pour responsable de la situation actuelle dans le pays, du sang versé par les martyrs civils et militaires, et des risques qui menacent la Syrie de demain.
Jusqu’à la victoire de notre Révolution et à la gloire de nos martyrs.
Les Comités Locaux de Coordination de Syrie
29/08/2011
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