Ali Larijani, 50 ans, président du Parlement iranien. Chef des gardiens de la révolution dans les années 1980, il a été de 2005 à 2007 le principal interlocuteur des Occidentaux dans le dossier du nucléaire iranien. Issu du camp ultraconservateur, ce proche du guide suprême, Ali Khamenei, se pose en rival de Mahmoud Ahmadinejad pour l’élection présidentielle de 2009.
Après plusieurs semaines de tergiversations dans le milieu politico-médiatique, les députés de la majorité conservatrice du Parlement [le huitième depuis la fondation de la République islamique, en 1979]ont choisi Ali Larijani comme candidat à la présidence du nouveau Majlis [c’est le nom du Parlement – les législatives ont eu lieu les 14 mars et 21 avril]. Les partis conservateurs étant majoritaires à l’Assemblée, l’ancien responsable du dossier nucléaire a été élu sans difficulté, le 27 mai.
Mais pourquoi ce choix de Larijani est-il une bonne nouvelle ? Les députés, qui constituent un concentré du peuple, ont eu le sentiment que celui-ci attendait un changement dans la situation actuelle du pays. En désignant un homme politique tel qu’Ali Larijani, ils satisfont donc sa volonté. Ce choix est un message pour le Parlement sortant, qui avait tendance à suivre inconditionnellement les propositions du gouvernement [de Mahmoud Ahmadinejad], sauf dans les derniers mois.
Bien entendu, le but de Larijani et de la majorité des députés du Majlis n’est pas la confrontation avec le gouvernement. Si Larijani n’approuvait pas le gouvernement, il n’aurait pas accepté [en 2005]le poste de secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale [qui détermine la politique de sécurité et de défense]. De plus, le guide suprême Ali Khamenei n’apprécie pas une atmosphère de confrontation et il est naturel que Larijani, un proche du guide, souscrive à ce point de vue. Cependant, on ne peut pas nier qu’il ait quelques divergences de vues avec le gouvernement actuel [il avait subitement quitté son poste de négociateur en octobre 2007, en raison de désaccords avec le président sur la politique nucléaire]. L’une des missions essentielles du Parlement est d’œuvrer au prestige extérieur de l’Iran, un rôle qui a été quelque peu négligé ces derniers temps.
Lorsque Akhbar Hachemi Rafsandjani était président du Parlement [1980-1988], celui-ci avait une place plus importante dans la vie politique du pays. Même des sujets importants, comme le destin des otages américains [retenus à l’ambassade des Etats-Unis du 4 novembre 1979 au 20 janvier 1981], ont été discutés là-bas.
Etant donné la réputation internationale qu’Ali Larijani a acquise, il a la volonté et le pouvoir d’accroître le prestige du Parlement iranien. Lors de son expérience au Conseil suprême de la sécurité nationale, le prestige de ce conseil a globalement augmenté, et l’on peut s’attendre à ce que la même chose se produise au Parlement.
L’expérience de Larijani au Conseil suprême de la sécurité nationale est un savoir-faire reconnu et bien considéré non seulement à l’intérieur mais aussi à l’extérieur, et particulièrement en Europe et aux Etats-Unis. Les Occidentaux comprennent le langage de Larijani [au contraire de celui d’Ahmadinejad]. Autant le président de la République est une figure connue parmi les peuples musulmans et les masses pauvres, autant Larijani est une personnalité bien établie dans le domaine de la diplomatie et des discussions politiques, surtout en Europe. Une partie du déficit de la diplomatie iranienne sera compensée, surtout à un moment sensible pour le dossier du nucléaire, car les Européens souhaitent nous soumettre une nouvelle proposition [pour obtenir la suspension de l’enrichissement d’uranium en Iran]. La présence de Larijani aux côtés du président de la République peut être très profitable. Même si les Européens ne voient pas en Larijani un critique d’Ahmadinejad, ils voient la différence entre leurs deux systèmes de pensée. Il faut néanmoins savoir que ces deux personnes appartiennent au même front, celui des ultraconservateurs. Les deux hommes n’ont pas de bonnes relations avec le courant des réformateurs, qui a la faveur des Européens.
Les deux hommes ont aussi l’avantage de se compléter parfaitement : l’un est partisan de davantage de discussions [Larijani] et l’autre [Ahmadinejad] insiste sur la fermeté. Les Européens seront maintenant face à un duo qui aura une oreille pour écouter, au lieu d’être uniquement face à une personne qui n’est même pas prête à entendre le son de leurs voix.
Tabnak
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