Le commandement de l’armée libanaise vient d’annoncer le maintien à son poste du brigadier Wafik Chkeïr, chef de la sécurité de l’aéroport de Beyrouth. L’armée, désormais alliée au Hezbollah, affirme aussi que l’affaire du réseau téléphonique du parti chiite, installé clandestinement avec des compétences iraniennes, sera traitée « de façon à arranger la Résistance ».
Ce faisant, le général Michel Sleiman, considérant que la Syrie est le principal grand électeur au Liban, mise sur une victoire du Hezbollah, donc de la Syrie, pour être élu président. Il vient de confirmer Wafik Chkeïr à son poste de chef de sécurité de l’aéroport international de Beyrouth, poste qu’il a mis à profit pour espionner les voyageurs, notamment les officiels et les étrangers. C’est lui qui aurait informé les assassins des députés Gebran Tueni et Antoine Ghanem de leur arrivée au Liban. Tous deux avaient été pulvérisés quelques heures après l’atterrissage de leur avion. Selon des sources occidentales, Chkeïr est accusé par un Etat européen d’avoir falsifié des passeports pour lui et pour sa famille. Mais le gouvernement libanais n’avait rien pu faire pour satisfaire les demandes de cet Etat, propriétaire des faux-passeports, Chkeïr étant protégé par le Hezbollah.
Le commandement de l’armée a également annoncé que la question du réseau téléphonique du Hezbollah sera traitée sans porter atteinte à la Résistance. Pourtant, le gouvernement avait demandé la mutation de Chkeïr, et le démantèlement du réseau clandestin de téléphonie.
Aujourd’hui, il est légitime de s’interroger sur les manœuvres qui ont prévalu durant les dernières années. Parmi les questions fondamentales, il convient de rappeler que le général Sleiman n’aurait pas été nommé à son poste si l’autorité de tutelle (occupant syrien) ne lui faisait pas confiance. Le Hezbollah ne lui aurait pas non plus accordé la sienne. Sleiman est ainsi redevable au parti de Dieu et surfe sur sa puissance, obtenue au détriment de l’armée, pour parvenir à la présidence de la République. L’une des questions compromettantes concerne sans conteste le rôle joué par Michel Sleiman dans la gestion de la bataille de Nahr El-Bared, et son rôle dans la fuite de Chaker Al-Abssi et de son état-major, à la veille de l’assaut donné par l’armée contre le camp, début septembre 2007. Début août, il avait également innocenté la Syrie, en affirmant que le Fatah Al-Islam était une organisation liée à Al-Qaïda. Mais la manœuvre était flagrante. Depuis ces deux événements, Sleiman est condamné à une fuite en avant, et à se jeter littéralement dans les bras du Hezbollah et de la Syrie pour assurer sa carrière politique, après avoir bénéficié de la bienveillance syrienne dans sa carrière militaire.
Mais le plus grave est sans doute la conclusion qui peut être tirée a posteriori dans l’assassinat du général François Al-Hajj. Cinq mois après l’élimination du commandant des opérations militaires de l’armée, le 12 décembre 2007, il est en effet aisé de constater que ses assassins ont voulu éliminer l’obstacle majeur qui menaçait le Hezbollah et qui l’empêchait de réaliser son coup d’Etat. D’autant plus que François Al-Hajj était pressenti pour succéder à Michel Sleiman à la tête de l’armée. Or, son patriotisme intraitable allait l’empêcher de conclure tout compromis avec le Hezbollah. N’étant pas de la même trempe que Sleiman, Al-Hajj a purement et simplement été assassiné. Il aurait fallu cinq mois pour que cet assassinat livre ses secrets. Sans l’avoir éliminé, le Hezbollah aurait eu à affronter l’armée dans son coup d’Etat de ces derniers jours.
Les Libanais en particulier et la communauté internationale en général sont aujourd’hui prévenus : l’élection de Michel Sleiman à la présidence de la République soumettrait tout le Liban au diktat du Hezbollah et à travers lui de la Syrie et de l’Iran. Car, en opportuniste inégalé, et démuni de tout charisme, Sleiman est capable de tous les compromis, y compris de couvrir l’assassinat de son bras droit pour parvenir à ses fins.