Il est de plus en plus urgent d’élire un président de la République au Liban, convient un diplomate arabe basé à Paris, et c’est consciente de l’urgence que la France a tenté de négocier avec un certain nombre de puissances régionales concernées par cette échéance, le tout étant de mettre un terme à la déchéance institutionnelle qui touche le pays.
Pour Paris, la fin de la vacance présidentielle signifierait au moins une relative redynamisation des institutions et une certaine garantie de sécurisation de la scène interne face aux défis auxquels le Liban se trouve actuellement confronté, en assurant une couverture légitime aux forces armées et de sécurité dans leur lutte contre le terrorisme et l’extrémisme.
Sur le plan diplomatique, c’est sur une impression mitigée que le directeur du département Moyen-Orient et Afrique du Nord du Quai d’Orsay, Jérôme Bonnafont, est rentré de son déplacement en Arabie durant lequel il a tenté d’assouplir la position de Riyad à l’égard du Liban après la décision du royaume de geler la donation destinée à l’armée libanaise et la classification par le Conseil de coopération du Golfe du Hezbollah comme « groupe terroriste ». Le moins qu’on puisse dire c’est que l’émissaire français n’a pas décelé de signes encourageants en provenance de Riyad, car si les Saoudiens sont toujours attachés à la stabilité du Liban, ils estiment désormais que pour être aidé, il doit d’abord « commencer par s’aider lui-même ».
Or sur le plan interne et alors que s’ouvre demain la 16e séance de dialogue à Aïn el-Tiné – qui portera essentiellement, de source informée, sur la crise des déchets – le dossier de la présidentielle semble plus au point mort que jamais à l’aune du boycottage par le camp du 8 Mars – bloc Hezbollah et bloc du Changement et de la Réforme – de la 36e séance électorale parlementaire censée déboucher sur l’élection d’un président. Les chances de voir accéder tant Michel Aoun – appuyé par le Hezbollah et dont la candidature a été validée par le chef du parti des Forces libanaises, Samir Geagea – que Sleiman Frangié – dont la candidature est appuyée par l’ancien Premier ministre Saad Hariri – semblent donc plus que jamais compromises, même si en réalité ils représentent deux piliers du 8 Mars. Un troisième candidat en lice, Henri Hélou, est appuyé par le chef du PSP, Walid Joumblatt. Mais de manière générale, aucun des quatre candidats validés par ce qui est connu comme étant la « liste » de Bkerké n’a désormais de réelle chance de parvenir à Baabda.
De source diplomatique, quelques noms de candidats dits « consensuels » sont en train d’être examinés dans certaines capitales, même si ces mêmes diplomates reconnaissent que la partie qui est à l’origine du blocage présidentiel est bel et bien le Hezbollah car ce dernier n’a pour le moment pas très envie de voir ses activités limitées et cernées par la présence d’un locataire à Baabda. Et, d’autre part, le cessez-le-feu en Syrie a placé le parti dans une position inconfortable qui lui impose à présent de négocier le retour de ses combattants sur le territoire libanais en utilisant la crise politique actuelle pour améliorer les conditions de ce retour. De source informée, on parle désormais du « deal » que serait susceptible de conclure le Hezbollah avec le courant du Futur en prévision de l’étape à venir. Un accord qui pourrait englober l’identité du président de la République, celle du Premier ministre et la place ainsi que le rôle du parti dans l’étape à venir. De telle manière que la nouvelle administration ne puisse pas être en mesure de demander des comptes au Hezbollah ou de tenter de lui arracher ses armes. Le parti cherche également à pousser en vue de l’élaboration d’une nouvelle stratégie de défense nationale – qui engloberait bien entendu la trilogie résistance, peuple et armée – tout en continuant à se soumettre au principe de neutralité et simultanément, à l’essence de la déclaration de Baabda. L’essentiel pour le Hezbollah étant de garantir que sa liberté de mouvement ne sera pas entravée lors de l’étape à venir ni qu’une quelconque partie vienne lui demander des comptes.
Il en va de même pour l’Iran qui continue de percevoir le dossier libanais comme une carte dont il pourrait user lors de négociations régionales globales et qui n’envisage nullement de faire pression sur le Hezbollah pour faciliter le déroulement de l’échéance électorale.
Alors est-il réellement temps de mettre un terme à la vacance présidentielle ? Rien n’est moins sûr car, de source diplomatique occidentale, la responsabilité du vide incombe en premier lieu aux responsables libanais qui rechignent jusqu’à présent à assumer leur rôle en élisant un président. Preuve en est le boycottage qui perdure même au terme de 36 séances électorales et en dépit des appels aux niveaux interne notamment de la part de Bkerké, et externe, d’élire un président au plus vite. La source précitée précise également que les principales capitales occidentales sont en ce moment prises par d’autres dossiers bien plus brûlants que celui du Liban et que celui-ci ne représente plus une priorité à leurs yeux.