Par Julien Licourt
Une vingtaine de personnes ont occupé mardi le ministère de l’Environnement à Beyrouth, au Liban, afin de réclamer le départ du ministre. Depuis plusieurs semaines, les Libanais manifestent pour dénoncer l’impuissance du pouvoir en place à régler la crise des ordures et plus largement contre un système politique qu’ils estiment à bout de souffle. Ce week-end à Beyrouth, des dizaines de milliers de Libanais ont manifesté. C’est la première fois depuis 10 ans et les grandes manifestations qui avaient suivi la mort de Rafic Hariri que les Libanais descendaient dans la rue indépendamment des partis politiques.
Mardi, certains semblaient vouloir passer à la vitesse supérieure, en investissant le huitième étage du ministère de l’Environnement, avant d’être évacués manu militari par la police. Chantant l’hymne national et brandissant le drapeau du pays, ils exigaient le départ du ministre Mohammed Machnouk, situé à quelques mètres, dans son bureau. Si la situation était calme en milieu d’après-midi, les force de police leur ont toutefois laissé une trentaine de minutes pour partir. Au cours de la journée, les forces anti-émeutes ont été déployées en bas de l’immeuble.
Ultimatum
Cette escalade intervenait quelques heures avant l’expiration de l’ultimatum fixé à la fin de la grande manifestation de samedi, lors de laquelle plusieurs dizaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues. Les leaders du mouvement réclamaient alors le départ du ministre de l’Environnement, le transfert de la gestion des déchets ainsi que le jugement des responsables des violences commises lors de la manifestation du week-end du 22 et 23 août, dont le ministre de l’Intérieur, Nohad Machnouk. Plus largement, ils réclament une transition vers un État laïc et de nouvelles élections.
À l’origine de cette protestation, on retrouve la crise des ordures: depuis la fermeture de la grande décharge accueillant les déchets de la capitale et des communes avoisinantes, les détritus s’accumulent dans les rues de Beyrouth. Avec la chaleur, l’odeur par endroits est insupportable et les problèmes d’hygiène évidents. La colère a commencé sur les réseaux sociaux avant de s’étendre dans la rue avec un mouvement baptisé «Vous puez». Une référence autant aux ordures qu’aux hommes politiques.
Car, au-delà des ordures, la contestation s’érige contre un système sclérosé, incapable d’assurer une fourniture d’électricité continue pendant une journée ou de mettre fin aux nombreuses coupures d’eau qui subissent les habitants. Les manifestants protestent contre le système confessionnel qui régit le pays depuis la fin du mandat français, en 1943. Ce dernier réserve la présidence de la République à un chrétien maronite, le poste de premier ministre à un musulman sunnite, celui de président de l’Assemblée à un musulman chiite. Les sièges de cette dernière sont répartis entre musulmans et chrétiens. Ce système est actuellement bloqué: les députés n’arrivent pas à élire un président depuis mai 2014. Les parlementaires eux-mêmes ont prolongé deux fois leur propre mandat depuis leur élection en 2009.
«Escalade»
Depuis dimanche, le pouvoir n’a pas répondu aux demandes des manifestants. Tout juste le ministre de l’Environnement a accepté de se retirer de la commission s’occupant de la gestion des déchets. Il a été remplacé par le ministre de l’Agriculture. Un geste que les membres du collectif «Vous puez» trouvaient insuffisant. Dimanche soir, ils prévenaient qu’en l’absence de réponse des pouvoirs politiques leur mouvement irait «vers l’escalade». Nous y sommes.