Bachar el-Assad a déployé des hommes auprès des Kurdes, alors que son allié russe veut ménager la Turquie.
Alors que le vote à l’ONU d’une trêve humanitaire de trente jours en Syrie a été, hier soir, repoussé à samedi, des forces supplétives de Bachar el-Assad continuent d’arriver à Afrine, dans le nord-ouest du pays. Elles vont prêter main-forte aux combattants kurdes que la Turquie bombarde depuis un mois. Mais ce déploiement de miliciens pro-Assad, d’abord approuvé par Ankara et Moscou, suscite désormais des tensions entre Damas et son allié russe.
Jeudi, Alexandre Lavrentiev, l’émissaire de Vladimir Poutine pour la Syrie, a rencontré à Damas Bachar el-Assad pour parvenir à une position commune sur Afrine. Cette visite suivait celle, lundi en Russie, de Bouthaina Shaaban, la conseillère politique du président syrien, qui aurait exprimé « le mécontentement syrien » face au jeu russe dans le nord-ouest du pays. « Il y a quelques semaines, Moscou avait déjà demandé à Damas de suspendre ses opérations militaires contre les rebelles d’Idlib », relève un expert à Beyrouth.
Lorsque la semaine dernière, Damas et les Kurdes négociaient, sous l’égide de Moscou, l’envoi de renforts loyalistes à Afrine, Ankara n’y était pas hostile. Au contraire : dans l’esprit des autorités turques, mais aussi russes, ces miliciens chiites, venus des villes voisines de Nobl et Zahra, allaient permettre au régime syrien de reprendre le contrôle de l’enclave d’Afrine aux Kurdes, qui en avaient fait le laboratoire de leur autonomie depuis le retrait des forces syriennes en 2012, peu après le lancement de la révolte contre Assad.
Avec l’établissement d’une zone de sécurité le long de sa frontière en territoire syrien, dans laquelle la Turquie relogerait des réfugiés qu’elle abrite depuis des années, expulser les combattants kurdes de la ville d’Afrine est le second objectif de l’offensive militaire turque lancée le 20 janvier. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Lundi après-midi, alors que les premiers supplétifs pénétraient à Afrine, un communiqué syrien affirmait qu’ils étaient là, non pas pour affaiblir les Kurdes, comme Ankara et Moscou l’espéraient, mais pour lutter contre « l’agression » turque. Que s’est-il passé entre Russes-Turcs-Kurdes et Damas ? « Dans les ultimes négociations avec le gouvernement syrien, les Kurdes ont rejeté les conditions de Damas qui exigeait leur désarmement et la reprise des administrations autonomes en échange de l’envoi de renforts à Afrine, révèle un diplomate au coeur du dossier syrien. Les Kurdes n’ont accepté que le déploiement des pro-Assad sur la frontière turque pour qu’ils s’acquittent de leur rôle de défenseur du territoire. À la demande du régime mécontent, les Russes ont alors mis la pression sur les Kurdes. Mais les alliés américains de ces derniers ont conseillé aux Kurdes de ne pas accepter plus qu’une présence syrienne sur la frontière, histoire d’empêcher toute confrontation entre l’armée turque et les Kurdes. Les choses n’ont pas marché comme Damas le pensait, ajoute le diplomate, mais le régime n’avait plus le choix » que d’épauler les Kurdes, d’autant que les Turcs durcissaient leurs frappes près d’Afrine, tout en ciblant les convois de miliciens qui arrivaient dans l’enclave.
Ces derniers jours, Damas a acheminé vers Afrine une petite unité d’élite formée par le Hezbollah libanais, mais pas l’armée. Assad a-t-il, pour autant, renoncé à tordre définitivement le cou à l’autonomie des Kurdes d’Afrine ? Probablement pas. « Les résultats de la mission de Lavrentiev auprès du président syrien détermineront les actions prochaines », estime le diplomate précité. Mais les Kurdes, qui résistent face aux Turcs, paraissent déterminés. « Ils ne vont pas lâcher leurs armes en faveur du régime », assure le diplomate. Les supplétifs proAssad « n’ont aucun rôle dans la gestion civile d’Afrine », répètent les porte-parole des combattants kurdes.
“Moscou peut influencer mais pas imposer ses choix à Damas”
ROBERT FORD, EX-AMBASSADEUR AMÉRICAIN EN SYRIE
Que va-t-il se passer maintenant ? Aux yeux de nombreux observateurs, la Turquie peut difficilement cesser son offensive, avant d’avoir délogé d’Afrine le PYD – branche locale du PKK, considéré comme terroriste par Ankara – et sécurisé sa frontière grâce à l’établissement d’une zone tampon. Laquelle permettrait à Ankara de faire le lien entre un secteur à l’est sous le contrôle d’insurgés qui lui sont proches et la province d’Idlib, à l’ouest, la dernière tenue par des insurgés anti-Assad dans laquelle la Turquie vient de prendre le contrôle – en accord avec Moscou et au grand dam de Damas – de plusieurs points d’observation. Une offensive turque jusqu’à la ville d’Afrine paraît, en revanche, trop risquée pour Ankara, qui serait prêt à y voir le régime ou ses relais, parmi les insurgés syriens, remplacés ses ennemis kurdes pour le contrôle de cette ville. Une ville transformée en QG des rebelles kurdes, là où des vétérans du PKK venus de leur base irakienne de Qandil, régulièrement bombardée par Ankara, sont venus s’installer, après le départ des forces d’Assad en 2012.
Si l’issue du drame de la Ghouta paraît à terme claire – une reddition des rebelles et la reprise de la région par Assad – le sort de l’enclave d’Afrine reste en revanche incertain. Il sera l’un des principaux sujets au menu des rencontres de mars entre les ministres des Affaires étrangères russe, turc et iranien, voire du sommet d’avril entre les présidents Poutine, Erdogan et Rohani. Quoi qu’il en soit, comme le remarque dans la revue Foreign Policy Robert Ford, l’ancien ambassadeur américain à Damas, « la Russie peut influencer mais pas, au final, imposer ses choix à Damas ».
Voir dans le dictateur-en-survie un « président », un décideur de quoi que ce soit, dirigeant une « armée », c’est vouloir nous faire prendre des vessie pour des lanternes.
Tradition de maison dans les quelques médias et journalistes -tels que Malbrunot- qui « roulent » pour le dictateur tout en se parant de neutralité.