Par Renaud Girard
INTERVIEW – Celui qui fut le tout-puissant directeur de la Sûreté générale libanaise lance une mise en garde à l’Occident.
De 1998 à 2005, dernières années de l’hégémonie syrienne au Liban, le général Jamil Sayyed fut le tout-puissant directeur de la Sûreté générale libanaise. Très proche encore d’Assad, il a reçu Le Figaro dans son appartement de la banlieue sud de Beyrouth, en permanence protégé par des soldats de la Sûreté générale.
LE FIGARO.- Le régime syrien est-il aux abois?
Général Jamil SAYYED.- Contrairement à ce que dit la propagande diffusée par les télévisions satellitaires du Golfe et par les médias occidentaux, la Syrie a un État et cet État est fort. Cela fait dix-huit mois qu’on nous prédit le renversement imminent du gouvernement de Bachar el-Assad, et il est toujours en place! Vous connaissez beaucoup d’États qui, placés dans la même situation, auraient si bien résisté? La Syrie est confrontée à une guerre médiatique planétaire sans précédent, à l’hostilité de tous ses voisins, à l’ingérence des pays arabes du Golfe, qui consacrent des ressources financières illimitées à aider les rebelles en les armant. L’État syrien n’a jamais cherché à plaire, il n’a jamais voulu se plier aux diktats des Américains dans la région, que ce soit sur la question palestinienne, que ce soit sur le soutien aux mouvements de résistance Hezbollah et Hamas, que ce soit sur l’invasion de l’Irak, que ce soit sur sa relation étroite avec l’Iran. C’est un empêcheur de tourner en rond. L’Amérique, suivie par la France et l’Angleterre, qui sont devenues volontairement ses vassaux au Moyen-Orient, a donc entrepris de détruire l’État syrien. Elle le fait grâce à la collaboration des pétromonarchies, qui doivent tout à Washington. Malheureusement pour elle, la Russie, avec Poutine, a repris du poil de la bête et n’est plus prête à laisser tomber ses alliés historiques.
Comment pouvez-vous reprocher aux Américains de soutenir l’avènement de la démocratie au Proche-Orient?
Assez d’hypocrisie! Le régime syrien était loin d’être parfait ; mais à comparer avec les autres régimes arabes toujours appuyés par l’Occident, il reste de loin le meilleur. Au moins, c’est un État laïque, où régnaient la liberté religieuse, la liberté de la femme, ainsi qu’une vie sociale intercommunautaire ouverte et pacifique. Rien à comparer avec ce qui se passe dans d’autres pays arabes grands alliés des États-Unis, où par exemple il est interdit de dire la messe et où les femmes n’ont pas le droit de conduire ou de voyager toutes seules! À Bahreïn, que s’est-il passé? La majorité chiite a manifesté pacifiquement pour demander l’établissement d’une monarchie parlementaire, c’est-à-dire l’élection par le peuple du premier ministre. Les pays du Golfe y ont envoyé leurs chars et les Américains n’ont rien trouvé à y redire. La Syrie n’était pas parfaite, mais aucun État n’est parfait au Moyen-Orient! Regardez le Liban. Certes, ce n’est pas une dictature. C’est une démocratie, mais elle est dominée par de petites dictatures communautaires, qui volent l’État quand elles s’entendent entre elles et qui le détruisent quand elles se disputent.
La réalité, c’est que le retrait américain peu glorieux d’Irak est une défaite occidentale sans précédent. Pour compenser cette défaite, qui a paniqué leurs alliés régionaux, pour regagner de l’influence dans la région, les Américains cherchent maintenant à rallumer le vieil affrontement sunnites-chiites.
Que vous inspire la déferlante «Frères musulmans», dans le monde arabe?
En dépit de maintes déclarations apaisantes, cette vague met grandement en danger les communautés chrétiennes d’Orient, lesquelles existaient bien avant le début de l’islam. Contre ce froid, les chrétiens disposaient d’un manteau, d’une veste et d’un pull. Ils ont perdu leur manteau en Irak, leur veste en Égypte, et maintenant on voudrait qu’ils perdent leur pull en Syrie et qu’ils se retrouvent en sous-vêtements au Liban!
Micro-cervelle et macro-panse
Plutôt que de pérorer « Syrie », Printemps arabe et autres lumières stratégiques, cet escroc devrait être traîné en justice pour répondre de son enrichissement criminel illicite durant l’occupation assado-intégriste chiite khomeyniste du Liban. M. Sayyed est notoirement acusé d’avoir amassé des milliards de dollars, de posséder plusieurs palaces et un Business des plus florissants sur le territoire de l’ « ennemi » US.
Si l’écroulement de ce qu’il appelle « la Syrie » devait être catastrophique, il le serait dans son slip et pour ses bourses. Pas au delà.