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Monsieur le Président,
Alors que la France s’apprête à accueillir la « Conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban » à Paris, je vous adresse cet appel urgent. Il est impératif que cette rencontre ne se solde pas par un retour au statu quo, qui a plongé le Liban dans des décennies d’instabilité, de divisions, d’inaction et de délitement progressif de l’État.
Durant les quarante dernières années, le Liban a perdu sa souveraineté, devenant un simulacre d’État, où les décisions stratégiques et existentielles ont été dictées au-delà de nos frontières — d’abord par Yasser Arafat, ensuite par les Assad en Syrie, et plus récemment par les mollahs en Iran. Ces choix, faits dans l’intérêt de puissances étrangères, n’ont jamais pris en compte le bien-être du peuple libanais. Aux yeux de la communauté internationale, cet État marionnette apparaissait comme un interlocuteur légitime, alors qu’il n’avait en réalité aucun pouvoir réel.
Depuis quatre décennies, l’État libanais et une grande partie de son peuple ont été réduits au rôle d’otages, voire de boucliers humains. Il est temps de mettre fin à cette situation pour garantir la paix dans la région et au sein du Liban.
Monsieur le Président, la tragédie que traverse le Liban constitue une occasion unique de changer le cours de notre histoire et de rompre définitivement avec la mainmise qui a dominé jusqu’au 6 octobre 2023, lorsque le Hezbollah imposait encore sa loi par la force et la terreur.
Aujourd’hui, le Liban est à la croisée des chemins : la guerre entre le Hezbollah et Israël, exacerbée par les crises régionales en Israël/Palestine et en Syrie, menace gravement sa stabilité. Seules des mesures courageuses et décisives permettront d’y instaurer une paix durable.
Je vous invite donc, à l’occasion de la « Conférence pour le Liban » qui se tiendra à Paris, à examiner les propositions suivantes, essentielles pour ouvrir la voie à une sortie de crise définitive, dans le cadre des efforts de la France et de la communauté internationale :
– Exiger le désarmement du Hezbollah et de toutes les factions armées – palestiniennes et autres – encore actives au Liban, conformément à la résolution 1559 de l’ONU et à l’accord de Taëf de 1989, en remettant à l’État libanais toutes les armes illégales et miliciennes.
– Imposer une dissociation claire entre le Liban et toutes les situations régionales (Gaza, Iraq, Yemen et Iran) en mettant un terme au soutien militaire du Hezbollah, principalement en provenance d’Iran.
– Renforcer l’autorité et les capacités de l’État, de l’armée libanaise, ainsi que celles des institutions judiciaires et des forces de sécurité.
– Exiger la fin à toutes les activités militaires et sécuritaires du Hezbollah, tant régionales qu’internationales, notamment au Yémen, en Syrie, en Israël/Palestine, en Irak mais aussi dans les pays du Golfe.
– Faciliter la conclusion des accords avec les trois parties clés du conflit au Liban pour mettre fin à toute ingérence régionale au Liban, écarter tout prétexte de guerre future et établir une paix définitive et durable :
. Avec Israël, la France et ses alliés doivent exiger le retrait total d’Israël du territoire libanais et son engagement à respecter la souveraineté du Liban, conformément à l’accord d’Armistice de 1949 qui doit demeurer le cadre juridique pertinent dans l’attente d’un processus vers une paix juste, équitable et durable.
. Avec l’Iran, la France et ses alliés doivent exiger le respect de la souveraineté libanaise et refuser toute négociation au sujet du Liban avec l’Iran ou tout autre état tiers. L’Iran doit aussi cesser son ingérence dans les affaires intérieures libanaises, notamment à travers des groupes armés, comme le Hezbollah
. Avec la Syrie, la France et ses alliés doivent exiger la délimitation de toutes les frontières entre le Liban et la Syrie et de mettre fin au litige concernant les Fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba, qui a été utilisés comme prétexte au maintien des armes du Hezbollah, depuis le retrait israélien du sud du Liban en 2000.
Monsieur le Président, le Liban doit enfin être en mesure d’élire un président qui incarne cette nouvelle ère de liberté, de souveraineté, d’indépendance, de réformes et de modernisation, capable de défendre les intérêts exclusifs du pays.
La mission d’un nouveau président de la République, soutenu par la communauté internationale, sera de reconstruire un état libanais souverain, et de remplacer la mainmise politique et sécuritaire du Hezbollah sur le pays. L’État devra être le seul détenteur des pouvoirs régaliens et du monopole de la force armée. Le nouveau président devra également engager un dialogue sans conditions préalables, abordant avec honnêteté et courage toutes les questions en suspens depuis des décennies.
Il est crucial d’entamer les préparatifs, dès à présent, d’un plan de sauvetage global et régional, soutenu par la communauté internationale et les pays arabes, semblable au « Plan Marshall » pour le Liban. Ce plan devrait inclure une feuille de route pour le retour des réfugiés et des déplacés, la reconstruction de toutes les régions détruites, le développement et la modernisation du pays, afin d’éviter à tout prix un retour à la situation d’avant le 6 octobre 2023, qui mènerait, sans aucun doute, à un retour de la violence.
Nous refusons de reproduire les erreurs du passé. C’est pourquoi nous aspirons à une véritable égalité, un équilibre durable et une coopération authentique entre toutes les communautés libanaises, afin qu’elles puissent vivre ensemble, de façon définitive, dans la paix, la liberté et l’harmonie. Cela ne sera possible que lorsque l’État libanais retrouvera sa pleine souveraineté et redeviendra l’unique détenteur de la violence légitime.
Monsieur le Président, le Liban compte sur votre leadership, un leadership concret et non de façade, pour garantir que cette conférence ne soit pas une simple répétition des erreurs du passé.
Il est plus que temps d’imaginer un nouvel avenir pour un Liban réconcilié, un chemin qui mènera à une paix durable et juste et une prospérité partagée.
Par Nadim Bachir Gemayel.
Député (Beyrouth)