Les raisons de la volte-face du Hezbollah

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LA SITUATION

En dépit des difficultés, le climat général reste à l’optimisme, sur le plan de la formation prochaine d’un nouveau gouvernement. Mais les visiteurs de Mousseitbé rapportent que ce qui dérange le plus le Premier ministre désigné Tammam Salam, c’est l’absence totale de confiance entre les deux camps rivaux qui dure depuis neuf mois et qui rend les négociations encore plus difficiles. C’est pourquoi Tammam Salam s’est fixé un nouveau délai avant la formation du nouveau gouvernement pour donner un peu plus de temps à une entente entre les différentes parties. D’autant que les échos en provenance des réunions qui se déroulent à Clemenceau (domicile de Walid Joumblatt) et à Aïn el-Tiné (lieu de résidence de Nabih Berry) sont positifs. C’est en tout cas ce qui est parvenu aux oreilles de Tammam Salam au sujet de la dernière rencontre entre Berry et le chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, qui a été qualifiée, par les deux parties, d’utile.

Tammam Salam et le président Michel Sleiman sont donc d’accord pour donner un peu plus de temps aux négociations, sinon la formule dite du fait accompli est prête et il sera toujours temps de la ressortir. Même si tous les deux encouragent les parties concernées à faire des concessions pour le bien de la patrie.

Certaines sources du 8 Mars bien informées précisent à cet égard que c’est le Hezbollah qui a fait le premier pas en renonçant à exiger un gouvernement basé sur la formule « 9, 9, 6 » en soulignant toutefois le fait qu’il s’agit d’une offre à durée limitée que l’autre camp doit saisir et faire à son tour les concessions nécessaires. En même temps, le secrétaire général du Hezbollah avait haussé le ton, sommant les différentes parties « de ne pas commettre d’impairs avec le Hezb », ajoutant que le Hezbollah n’acceptera pas un gouvernement qui ne reconnaîtra pas dans sa déclaration ministérielle la formule « armée-peuple-résistance », point à la ligne ! Mais même avec la tenue de ces propos, le Hezbollah a confié les négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement au président de la Chambre Nabih Berry en lui donnant quasiment carte blanche. C’est donc ce qui a permis ce nouveau vent d’optimisme.

Des sources du 14 Mars se demandent toutefois quelle est la raison du revirement du Hezbollah ou de son double langage ? D’un côté, il hausse le ton et, de l’autre, il demande à Nabih Berry de négocier avec le 14 Mars. Certains faucons du 14 Mars se demandent s’il ne s’agit pas, de la part du Hezbollah, d’une partie de bluff pour pousser ses adversaires à abandonner les conditions qu’ils avaient posées à la formation du gouvernement après l’assassinat de Mohammad Chatah? D’autant que le Hezbollah a déclaré à plusieurs reprises que son projet a réussi et que l’autre camp devrait reconnaître sa défaite.

Un responsable au sein du gouvernement démissionnaire avance cinq arguments qui expliquent selon lui la volte-face du Hezbollah. D’abord, le Hezbollah était convaincu que le président Sleiman et le Premier ministre Salam étaient déterminés à former un gouvernement neutre et ils s’étaient promis d’annoncer sa naissance dès le retour du chef de l’État de ses vacances de fin d’année. Ce sentiment a été conforté après la dernière visite du chef du bloc de la Résistance Mohammad Raad à Baabda et son entretien « franc » avec Sleiman. Ensuite, le Hezbollah est assez inquiet de l’ouverture du procès des assassins de Rafic Hariri le 16 janvier à La Haye. Il préfère donc que l’ouverture du procès se fasse alors qu’il est membre d’un gouvernement capable de lui assurer une certaine couverture.

Troisièmement, le Hezbollah est de plus en plus inquiet de l’extension du feu syrien au Liban, notamment après la multiplication des attentats à la voiture piégée et les menaces de Daech de se venger de ce parti au Liban. Ces menaces se sont accompagnées d’informations faisant état de l’existence de 7 voitures piégées circulant en liberté au Liban. Ces informations ont d’ailleurs poussé certaines ambassades occidentales à demander à leurs ressortissants d’éviter les centres commerciaux et les hôtels de luxe alors qu’une agence d’information iranienne a prédit deux semaines très difficiles pour le Liban.

Quatrièmement, le Hezbollah a perçu des signaux positifs venus de l’extérieur sur le plan régional qui font croire que le Liban ne devrait pas rester en dehors du climat de compromis général. Dans ce contexte, il faudrait donc permettre à la scène libanaise de ne pas glisser vers la déstabilisation et donc tenter de trouver un accord pour un gouvernement politique rassembleur qui permettrait au Liban d’attendre dans un minimum de calme les effets des accords régionaux et internationaux qui devraient prendre deux ans pour se préciser.

Dans ce contexte, un diplomate chevronné révèle qu’un accord russo-saoudien a été conclu pour préserver la stabilité au Liban. La France et l’Iran y auraient aussi donné leur accord, et c’est pourquoi les alliés de Moscou au Liban et en Syrie ont reçu un message assez ferme les poussant à renoncer à leurs conditions et à faciliter la formation d’un gouvernement politique.

Reste à savoir maintenant dans quelle mesure les faucons du 14 Mars sont prêts à participer à un gouvernement avec des représentants du Hezbollah après avoir exigé qu’il reconnaisse la déclaration de Baabda et qu’il retire ses troupes de Syrie.

L’Orient Le Jour

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