Il fait partie de ces « gens de chicane » qui prolifèrent inévitablement dans les recoins des grandes machines bureaucratiques et qui, à force de s’y incruster, finissent par en devenir la figure emblématique. Le secrétaire général de la ligue arabe cristallise à lui tout seul la somme des frustrations arabes et leur exutoire.
C’est tout un art de faire du surplace et tout le talent d’Amr Moussa c’est d’arriver toujours avant qu’il ne soit parti. Jamais vous ne le verrez rechigner devant une corvée ni s’offusquer face à une humiliation. Au contraire, on le voit souvent se jeter à corps perdu toujours disposé à avaler stoïquement les couleuvres qu’on ne manquera pas de lui servir sur son passage. C’est son métier, mais aussi sa passion.
Et pourtant, on le voit toujours se démener comme un diable. Il voit tout le monde et discute avec tout le monde. S’arrêterait-t-il une seconde pour s’interroger sur l’inanité de ses missions ? Jamais. Il fonce sur des chemins qu’il a lui-même balisés guilleret et inconsistant à la fois qu’on sentirait ses passages comme un soupir !
Pour perdurer à son poste, Amr Moussa s’est forgé une conduite de ne jamais contrarier ses interlocuteurs. C’est la raison pour laquelle ses entretiens sont invariablement « francs et positifs ». Pour lui, tout le monde est toujours beau et tout le monde est toujours gentil. Dans le théâtre d’ombres où il évolue, les méchants n’existent pas et n’existeront probablement jamais. Ainsi, il peut continuer à cultiver son abyssale futilité sans jamais frustrer personne.
Le préposé aux missions inutiles ainsi que ses commanditaires savaient parfaitement que la promesse faite par la Syrie de « faciliter » l’élection présidentielle n’était qu’un leurre. Force est de constater que la Syrie a réussi une nouvelle fois à déjouer les manœuvres de ses adversaires. Au lieu de s’opposer bêtement à leurs injonctions, elle a embrassé sans vergogne et même surenchéri sur leurs désirs œcuméniques. La ficelle était grosse, mais le tour de passe-passe a parfaitement bien fonctionné et il ne restait plus à ces adversaires qu’à se lamenter de leur propre niaiserie.
Amr Moussa et, derrière lui, tous les Arabes réunis ne pouvaient pas ignorer non plus que l’objectif ultime de la dictature syrienne est d’effacer l’humiliation de son retrait précipité du Liban, d’obtenir l’absolution de ses crimes passés et à venir et d’obliger ses adversaires à admettre définitivement que Liban a été et restera pour toujours une partie intégrante du glacis syrien.
Le chemin est encore long, mais elle ne perd rien à attendre. Le temps joue en sa faveur et rien n’est venu à ce jour contredire son pari. Son objectif sur le court terme est de renvoyer le tribunal international aux calendes grecques. Elle sait qu’elle peut y parvenir puisqu’elle a déjà entendu quelques balbutiements en ce sens de la part des Français.
Le tire-au-flanc Amr Moussa peut donc reprendre ses pérégrinations quand il le voudra et autant qu’il le voudra. Elles ne serviront qu’à remuer du vent. Les Libanais, quant à eux, ils peuvent griffer le ciel et pisser dans les étoiles, leur sort n’en sera pas changé pour autant.
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