Est-ce la chaleur caniculaire qui expliquerait l’hystérie de ces dames qui ont investi le cabinet de cette jeune gynécologue-obstétricienne d’Ouzaï au moment où cette dernière recevait des enquêteurs du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL)? On dit qu’un certain nombre de ces femmes en tchador étaient en réalité des hommes, membres du parti iranien qui ont déjà fait leurs preuves sur le champ de bataille. Des femmes-hommes? La science anatomique appelle de tels cas d’ambiguïté sexuelle des pseudo-hermaphrodites masculins ou androgynes afin de les distinguer de leurs équivalents féminins, les hommes-femmes qu’on appelle gynandres.
Il semble le groupe des dames et des androgynes aurait saccagé le cabinet de la jeune praticienne, molesté l’infirmière et la secrétaire et attaqué les enquêteurs, leur subtilisant leurs téléphones portables et une mallette administrative. Dans la bousculade on ignore qui, des femmes authentiques ou des androgynes, a fait quoi. On peut supposer que les catogans et les cheveux de la secrétaire, de la traductrice et de l’infirmière ont été l’objet de l’ire hystérique des femmes-femmes alors que la prise de la mallette, des portables et autres actes techniques furent le fait des androgynes, présents le plus naturellement du monde dans ce cabinet de gynécologie-obstétrique.
Un ami, à la culture étendue, me fit remarquer que l’hystérie collective de ces dames d’Ouzaï et de leurs camarades androgynes qui les accompagnaient n’était pas sans rappeler l’affaire célèbre des possédées de Loudun. On se souviendra que toute cette chasse aux sorcières de l’époque fut machinalement orchestrée par le Cardinal de Richelieu. Ken Russel en a fait un film célèbre en 1973 avec l’exceptionnelle Vanessa Redgrave dans le rôle de Mère Jeanne des Anges, abbesse du couvent des Ursulines de Loudun où l’hystérie des possessions démoniaques fut déclenchée et coûta la vie au prêtre Urbain Grandier qu’on accusa d’être un incube, c’est-à-dire une émanation personnifiée de Satan. Le TSL ayant été diabolisé par les représentants du ciel au Liban, on peut comprendre le comportement des dames et des androgynes d’Ouzaï et on est autorisé à comparer l’hystérie de cette foule aux manifestations spectaculaires des ursulines possédées de Loudun.
Mais trêve de plaisanteries. Les analystes libanais sont incorrigibles car ils ne voient, dans tous les agissements du parti iranien Hezbollah, que des signes de la misérable politique politicienne intérieure libanaise. Il est temps de comprendre que le Liban n’est rien en lui-même, absolument rien; ni pour le Hezbollah qui a pris le pays en otage, ni pour ses mentors Iran et Syrie, ni même pour la communauté internationale qui livre un impitoyable bras de fer à l’Iran au nom d’intérêts économiques et stratégiques dont le Liban fera les frais. Nul ne se préoccupe d’émettre l’hypothèse réaliste suivante: le Hezbollah se moque royalement du TSL, des faux-témoins et autres gadgets avec lesquels il manipule l’opinion publique et entretient l’instabilité du pays. Le Hezbollah n’a que faire d’une cour de justice internationale, des conséquences de la mort de tous les Hariri du monde et des malheurs du Liban. Le Hezbollah est une pièce maîtresse dans le Grand Jeu et ce dernier est une nouvelle internationale révolutionnaire qui est portée à bout de bras par un projet impérial, celui de la nouvelle Perse khomeyniste. Le Hezbollah n’est qu’un des maillons, sans doute le plus important, d’un projet planétaire qui le dépasse largement. Ce projet, comme toutes les utopies gnostiques, se situe idéologiquement sur un registre très particulier où les présupposés de base sont :
– ce monde est mauvais, il faut le détruire
– la réalité du monde reflète la guerre permanente entre le bien et le mal
– la violence est donc naturelle et légitime afin de faire advenir un monde nouveau d’où le mal et ses représentants seraient éliminés
– la réalisation de ce projet s’appuie sur l’activisme révolutionnaire des affidés et l’intervention d’un médiateur céleste qui viendra achever la bataille et instaurer un nouvel ordre mondial
Tel était le cadre du marxisme avec sa lutte des classes, son utopie de la société sans classes et son culte de la violence révolutionnaire. Telle se révèle être la nature de la nouvelle internationale révolutionnaire que prône le régime iranien. C’est uniquement sur ce terrain que le Hezbollah se bat. Le nouvel empire souhaiterait sans doute succéder à l’ex-Empire Soviétique. L’empire perse n’a pas pour ciment une idéologie marxiste sécularisée mais religieuse, le mahdaouisme. Cette doctrine souhaite instaurer la fin de l’Histoire par le biais de la révolution (khomeyniste) et de la dictature (non celle du prolétariat mais celle du Juriste-Théologien ou Wilayat al Faqih). Ce faisant, l’agitation révolutionnaire hâtera le retour du Mahdi, assisté par Jésus de Nazareth. Ils achèveront la révolution, extermineront les représentants du mal au nom des opprimés, et unifieront toutes les religions monothéistes derrière le Mahdi. Les morts ressusciteront et le règne des justes sera enfin établi.
Le scénario est grandiose. Pourquoi ne pas en faire un film à grand spectacle?
acourban@gmail.com
* Beyrouth