«Le débat autour du délit d’apostasie dans l’islam contemporain», in : John J. Donohue and Christian W. Troll (Edd.), Faith, power, and violence. Muslims and Christians in a plural society, past and present, coll. «Orientalia Christiana Analecta» 258 (Rome : Pontificio Istituto Orientale, 1998), p. 115-140.
I. Le problème
A. Le problème
Rappelons d’abord la terminologie arabe. L’‟apostasie” est habituellement appellée riddah (الرِّدَّة). Cela décrit la situation de quelqu’un qui, ayant été musulman, rejette l’islam. Cette personne est alors appelée murtadd (المرتد), i. e. «apostat».
Quel est le problème ? L’opinion commune musulmane estime que l’apostat doit être tué, en vertu de ce que l’on appelle «le châtiment de l’apostasie» (ḥadd al-riddah حَدّ الرِّدَّة). Telle était la pratique habituelle ; à tel point que, parfois, pour pouvoir éliminer quelqu’un, on l’accusait d’apostasie.
Le problème a repris beaucoup de vivacité dans les dernières décennies, avec le «réveil islamique» (al-ṣaḥwah al-islāmiyyah), du fait que les islamistes ont remis en valeur cette peine, et en ont exigé l’application juridique à l’encontre de musulmans convertis au christianisme ou étant devenus, selon eux, renégats.
B. La déclaration universelle des droits de l’homme
Or, la Déclaration Universelle des droits de l’homme (de 1948), à l’article 18, déclare :
«Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction , seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites»
Notons au passage, que cet article à été ajouté sur la demande du représen-tant du Liban, lors de la discussion, et qu’il a été alors critiqué et rejeté en 1944, en particulier par la représentante de l’Égypte. /[[117]]/
On trouvera tous les documents concernant cette question rassemblés dans trois études de Sami Awad Aldeeb Abu Sahlieh , chercheur bien connu pour ses études sur le droit des minorités. Dans l’étude que je présente ici, je m’en tiendrai aux opinions des musulmans.
C. Les lois des pays musulmans
Par ailleurs, ce problème a repris de l’actualité par le fait que divers pays islamiques ont introduit le délit d’apostasie dans leur constitution, le considérant comme un crime, ce qui répugne à la conscience moderne de beaucoup de musul-mans.
1. Code pénal mauritanien
Ainsi, le Code pénal mauritanien de 1984 dit à son article 306 :
1. «Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur et aux mœurs islamiques, ou a violé les lieux sacrés, ou aidé à les violer, si cette action ne figure pas dans les crimes emportant la Ghissass [= qiṣāṣ, loi du talion] ou la Diyah [prix du sang], sera punie d’une peine correctionnelle de trois mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 50.000 à 60.000 UM.
2. «Tout musulman coupable du crime d’apostasie, soit par parole, soit par action, de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours.
«S’il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S’il se repent avant l’exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article.
3. «Toute personne coupable du crime d’apostasie (Zendagha) [= Zandaqah] sera, à moins qu’elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort.
4. «Sera punie d’une peine d’emprisonnement d’un mois à deux ans, toute persone qui sera coupable du crime d’attentat à la pudeur.
5. «Tout musulman majeur qui refuse de prier, tout en reconnaissant l’obligation de la prière, sera invité à s’en acquitter jusqu’à la limite du temps prescrit pour l’accomplissement de la prière obligatoire concernée. S’il persiste dans son refus jusqu’à la fin de ce délai, il sera puni de la peine de mort. /[[118]]/
6. «S’il ne reconnaît pas l’obligation de la prière, il sera puni de la peine de mort pour apostasie et ses biens seront confisqués au profit du Trésor public. Il ne bénéfi-ciera pas de l’office consacré par le rite musulman».
En bref, l’attentat à la pudeur ou aux «mœurs islamiques» (articles 1 et 4) n’entraîne qu’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à deux ans. En revanche, l’apostasie ou la non-application de la chariah (art. 2-3 et 5-6), entraînent la peine de mort !
2. Code pénal soudanais
De même, le code soudanais de 1991 dit à son article 126 :
1. «Commet le délit d’apostasie tout musulman qui fait de la propagande pour “sor-tir” de la nation de l’Islam (millat al-Islam), ou qui manifeste ouvertement sa propre “sortie” par un dire explicite ou par un acte ayant un sens absolument clair.
2. «Celui qui commet le délit d’apostasie est invité à se repentir pendant une période déterminée par le tribunal. S’il persiste dans son apostasie et n’a pas été ré-cemment converti à l’Islam, il sera puni de mort.
3. La sanction de l’apostasie cesse si l’apostat se rétracte avant l’exécution».
3. Code pénal du Kouwait et de l’Arabie
Le projet de réforme du Droit pénal kouwaitien prévoit la peine de mort pour l’apostat, aux articles 96 et 167-172. Récemment (au printemps 1996), le problème est venu à l’ordre du jour dans la presse arabe, du fait que quelques kouwaitiens s’étaient déclarés publiquement chrétiens.
Quant à l’Arabie Séoudite, elle a toujours considéré l’apostasie comme un délit méritant la peine de mort, du fait qu’elle considère que sa constitution n’est autre que le Coran, qu’elle interprète en un sens rigoureux conformément à la tradition wahhâbite.
4. Code pénal du Maroc et de l’Égypte
D’autres pays considèrent l’apostasie comme un délit, mais ont allégé la peine.
Ainsi, au Maroc, un Marocain n’a pas le droit d’être chrétien ; il doit nécessairement être musulman, ou éventuellement juif. La conversion au christianisme est donc exclue d’office. Quiconque encourage un musulman à se convertir, encourt de lourdes peines : /[[119]]/
«Est puni quiconque emploie des moyens de séduction dans le but d’ébranler la foi d’un musulman, ou de le convertir à une autre religion : soit en exploitant sa fai-blesse ou ses besoins, soit en utilisant à ces fins des établissements d’enseignement, de santé, des asiles ou des orphelinats.
«En cas de condamnation, la fermeture de l’établissement qui a servi à commettre le délit peut être ordonnée, soit définitivement, soit pour une durée qui ne peut excéder trois ans».
En conséquence, il est pratiquement impossible à un marocain d’obtenir le baptême, quelle que soit son désir et sa conviction : il mettrait automatiquement l’institution chrétienne en danger. Je puis témoigner personnellement du cas d’un professeur ma-rocain, qui s’est présenté à moi à Rabat en mars 1989, et qui m’a affirmé demander le baptême depuis 14 ans, sans succès. Renseignements pris, ses affirmations étaient exactes.
Pour ce qui est de l’Égypte, voici ce qu’écrit un spécialiste : «Dans des pays comme l’Égypte, l’apostat n’est pas exécuté, mais jeté en prison. En vertu des normes explicites ou implicites sur l’apostasie, certains groupes sont interdits. C’est le cas notamment des Bahaïs et des francs-maçons et groupes affiliés » . /[[120]]/
D. La réaction
En réaction à ces situations, un débat est né parmi les musulmans. La question pourrait s’exprimer ainsi : est-il légitime de considérer l’apostasie comme un délit tombant sous le coup de la loi civile ?
Déjà au début du siècle, nous trouvons quelques réactions très claires sur la question : quelquefois en faveur de la loi, et plus souvent contre.
Mais à notre époque, depuis une vingtaine d’années, les réactions musul-manes pour (et surtout contre) le fait de considérer l’apostasie comme un délit, sont nombreuses. J’ai établi une bibliographie provisoire, où j’ai relevé 21 titres ; ils viennent d’auteurs syriens, jordaniens, égyptiens, soudanais, pakistanais et iraniens, ou bien de musulmans vivant en Occident.
Ce qui est peut-être nouveau c’est que la question est désormais débattue non seulement entre spécialistes, dans des ouvrages de fiqh, mais aussi dans les journaux. Les auteurs sont des penseurs musulmans croyants, mais non nécessai-rement juristes.
L’affaire des «Versets sataniques» de Salman Rushdi a probablement servi de détonateur, prenant tout à coup, grâce à la condamnation à mort décrétée par l’imâm Khomeiny, une dimension mondiale. D’autres ‟affaires” ont eu une répercussion plus ou moins locale, telle celle de l’avocate du Bangladesh, Taslima Nasreen. En Égypte, l’assassinat de Farag Foda en 1994, l’attaque armée contre le prix Nobel de littérature Naguib Mahfouz en 1995, et surtout la condamnation au divorce de Naṣr Ḥāmid Abū Zayd en 1995-1996, avec ce que cela suppose de justification juridique officiellement reconnue par l’État, ont bien sûr relancé la question, la mettant à la portée du grand public.
E. L’enjeu du problème
L’enjeu est en réalité très important. Derrière quelques cas individuels, c’est la question de la liberté de conscience qui est en question, comme aussi le rapport entre religion et politique en islam. Finalement, c’est la conception même de l’islam qui est en question : peut-on envisager un islam ‟laïc”, dans lequel «Église et État» seraient distincts ?
Le problème est aggravé par le fait que ce délit (ḥadd al-riddah) semble évident dans l’interprétation traditionnelle de l’islam, fondée sur la lecture du Coran et de la Sunnah (tradition authentique). Le remettre en question semble ébranler les fondements mêmes de l’islam.
Bien plus, comme ce délit est, selon les fondamentalistes, fondé sur le Co-ran même et sur le Hadîth (les paroles du Prophète), le remettre /[[121]]/ en question semble porter atteinte à la valeur absolue du Coran, conçu comme système gouvernant toute la vie du croyant, y compris dans le domaine civil. La moindre brèche risquerait, pour les fondamentalistes musulmans devenus de plus en plus influents, de faire crouler tout leur édifice. Critiquer ce ḥadd, cette décision légale, du Coran, au nom de la modernité, c’est implicitement déclarer que le Coran n’est plus valable pour les musulmans à l’époque moderne (et a fortiori pour les non-musulmans d’aujourd’hui).
II. L’apostasie dans le Coran
Ayant exposé le problème, cherchons à voir quelles en sont les sources et comment les deux camps exposent leurs points de vue. La base de l’argumentation est évidemment le Coran.
On trouve, dans le Coran, deux termes pour exprimer l’apostasie :
A. Première série de textes
D’une part, le verbe irtadda (اِرْتَدَّ), qui apparaît trois fois dans le sens qui est le nôtre (Coran 2,217, 5,54 et 47,25) ; de ce verbe dérivent : le terme technique al-Murtadd (مُرْتَدّ), qui désigne l’Apostat ; et l’abstrait Riddah (رِدَّة), qui désigne l’apostasie ; cependant, ces deux termes ne se rencontrent pas dans le Coran.
1. Premier texte : Coran 2,217 (البقرة)
وَمَنْ يَرْتَدِدْ مِنْكُمْ عَنْ دِينِهِ،
فَيَمُتْ وَهُوَ كَافِرٌ،
فَأُولَئِكَ حَبِطَتْ أَعْمَالُهُمْ فِي الدُّنْيَا وَالآخِرَةِ،
وَأُولَئِكَ أَصْحَابُ النَّارِ، هُمْ فِيهَا خَالِدُونَ.
Ceux qui, parmi vous, s’écartent de leur religion
et qui meurent incrédules :
voilà ceux dont les actions seront vaines
en ce monde et dans la vie future ;
voilà ceux qui seront les hôtes du Feu ;
ils y demeureront immortels.
2. Deuxième texte : Coran 5,54(المائدة)
مَنْ يَرْتَدَّ مِنْكُمْ عَنْ دِينِهِ،
فَسَوْفَ يَأْتِي اللهُ بِقَوْمٍ يُحِبُّهُمْ ويُحِبُّونَهُ، /[[122]]/
أَذِلَّةٍ عَلَى الْمُؤْمِنِينَ، أَعِزَّةٍ عَلَى الْكَافِرِينَ،
يُجَاهِدُونَ فِي سَبِيلِ اللهِ،
وَلاَ يَخَافُونَ لَوْمَةَ لاَئِمٍ.
ذَلِكَ فَضْلُ اللهِ، يُؤْتِيهِ مَنْ يَشَاءُ.
وَاللهُ وَاسِعٌ عَلِيمٌ.
Ô vous qui croyez !
Quiconque d’entre vous rejette sa religion…
Dieu fera bientôt venir des hommes ;
il les aimera, et eux aussi l’aimeront.
Ils seront humbles à l’égard des croyants ;
fiers à l’égard des incrédules.
Ils combattront dans le chemin de Dieu ;
ils ne craindront pas le blâme de celui qui blâme.
Ceci est une grâce de Dieu :
il la donne à qui il veut.
Dieu est présent partout et il sait.
3. Troisième texte : Coran 47,25 (محمَّد)
إنَّ الَّذِينَ ارْتَدُّوا عَلَى أَدْباَرِهِمْ،
مِنْ بَعْدِ مَا تَبَيَّنَ لَهُمُ الْهُدَى،
الشَّيْطَانُ سَوَّلَ لَهُمْ، وَأَمْلَى لَهُمْ.
Ceux qui sont revenus sur leurs pas
après que la Direction s’est clairement manifestée à eux
ont été abusés par le Démon,
qui leur a donné quelque répit.
B. Deuxième série de textes
On trouve, d’autre part, onze fois dans le Coran (2,108-109, 2,161, 3,90-91, 3,177, 4,137, 4,167, 5,73, 9,66, 9,74, 16,106 et 24,55), une circon-locution : al-Kufr ba‘d al-islām ou ba‘d al-īmān, etc. (الكفر بعد الإسلام) «l’incrédulité après avoir été musulman ou croyant». Les voici, dans l’original arabe et la traduction de Denise Masson :
1. Premier texte Coran 2,108-109 (البقرة)
وَمَنْ يَتَبَدَّلِ الْكُفْرَ بِالإيمَانِ،
فَقَدْ ضَلَّ سَوَاءَ السَّبِيلِ. /[[123]]/
وَدَّ كَثِيرٌ مِنْ أَهْلِ الْكِتَابِ
لَوْ يَرُدُّونَكُمْ مِنْ بَعْدِ إيمَانِكُمْ كُفَّارًا،
حَسَدًا مِنْ عِنْدِ أَنْفُسِهِمْ،
مِنْ بَعْدِ مَا تَبَيَّنَ لَهُمُ الْحَقُّ.
فَاعْفُوا وَاصْفَحُوا، حَتَّى يَأْتِيَ اللهُ بِأَمْرِهِ.
إنَّ اللهَ عَلَى كُلِّ شَيْءٍ قَدِيرٌ.
Voulez-vous interroger votre Prophète,
comme autrefois, on a interrogé Moïse ?
Quiconque échange la foi contre l’incroyance
s’écarte de la voie droite.
Poussés par la jalousie
un grand nombre des gens du Livre voudraient,
– bien que la vérité se soit manifestée à eux –
vous faire revenir à l’incrédulité
après que vous avez eu la foi.
Pardonnez et oubliez
jusqu’à ce que Dieu vienne avec son Jugement.
Dieu est puissant sur toute chose.
2. Deuxième texte : Coran 2,161 (البقرة)
إنَّ الَّذِينَ كَفَرُوا، وَمَاتُوا وَهُمْ كُفَّارٌ،
أُولاَئِكَ عَلَيْهِمْ لَعْنَةُ اللهِ والْمَلاَئِكَةِ وَالنَّاسِ أَجْمَعِينَ.
Quant aux incrédules qui meurent dans leur incrédulité,
voilà ceux sur lesquels tombe la malédiction
de Dieu, des anges et de tous les hommes.
3. Troisième texte : Coran 3,90-91 (آل عمران)
إنَّ الَّذِينَ كَفَرُوا بَعْدَ إيمَانِهِمْ،
ثُمَّ ازْدَادُوا كُفْرًا،
لَنْ تُقْبَلَ تَوْبَتُهُمْ.
وَأُولَئِكَ هُمُ الضَّالُّونَ.
إنَّ الَّذِينَ كَفَرُوا،
وَمَاتُوا وَهُمْ كُفَّارٌ، /[[124]]/
فَلَنْ يُقْبَلَ مِنْ أَحَدِهِمْ مِلْءُ الأَرْضِ ذَهَبًا،
وَلَوِ افْتَدَى بِهِ.
أُولاَئِكَ لَهُمْ عَذَابٌ أَلِيمٌ،
وَمَا لَهُمْ مِنْ نَاصِرِينَ.
Quant à ceux qui auront été incrédules,
après avoir été croyants,
et qui, ensuite, se sont entêtés dans leur incrédulité :
leur repentir ne sera pas accepté :
voilà ceux qui sont égarés.
Oui, si les incrédules, morts dans leur incrédulité,
donnaient tout l’or de la terre pour se racheter,
cela ne serait accepté d’aucun d’entre eux.
Un châtiment douloureux leur est réservé
et ils ne trouveront pas d’auxiliaires.
4. Quatrième texte : Coran 3,177 (آل عمران)
إنَّ الَّذِينَ اشْتَرَوُا الْكُفْرَ بِالإيمَانِ،
لَنْ يَضُرُّوا اللهَ شَيْئًا،
وَلَهُمْ عَذَابٌ أَلِيمٌ.
Ceux qui ont troqué la foi contre l’incrédulité
ne nuisent vraiment en rien à Dieu.
Un châtiment douloureux leur est réservé.
5. Cinquième texte : Coran 4,137 (النِّساء)
إنَّ الَّذِينَ آمَنُوا، ثُمَّ كَفَرُوا،
ثُمَّ آمَنُوا، ثُمَّ كَفَرُوا،
ثُمَّ ازْدَادُوا كُفْرًا،
لَمْ يَكُنِ اللهُ لِيَغْفِرَ لَهُمْ،
وَلاَ لِيَهْدِيَهُمْ سَبِيلاً.
Ceux qui avaient cru
et qui sont ensuite devenus incrédules,
puis, de nouveau, croyants, puis incrédules,
et qui n’ont fait que s’entêter dans leur incrédulité :
Dieu ne leur pardonnera pas ;
il ne les dirigera pas sur une voie droite. /[[125]]/
6. Sixième texte : Coran 4,167 (النِّساء)
إنَّ الَّذِينَ كَفَرُوا
وَصَدُّوا عَنْ سَبِيلِ اللهِ،
قَدْ ضَلُّوا ضَلاَلاً بَعِيدًا.
Ceux qui ont été incrédules
et qui ont écarté les hommes du chemin de Dieu.
se trouvent dans un profond égarement.
7. Septième texte : Coran 5,73 (المائدة)
لَقَدْ كَفَرَ الَّذِينَ قَالُوَا: «إنَّ اللهَ ثَالِثُ ثَلاَثَةٍ»؛
وَمَا مِنْ إلاَهٍ إلاَّ إلَهٌ وَاحِدٌ.
وَإنْ لَمْ يَنْتَهُوا عَمَّا يَقُولُونَ،
لَيَمَسَّنَّ الَّذِينَ كَفَرُوا مِنْهُمْ عَذَابٌ أَلِيمٌ.
Oui ceux qui disent :
«Dieu est, en vérité, le troisième de trois»
sont impies.
Il n’y a de Dieu qu’un Dieu unique.
S’ils ne renoncent pas à ce qu’ils disent,
un terrible châtiment atteindra
ceux d’entre eux qui sont incrédules.
8. Huitième texte : Coran 9,66 (التَّوبة)
لاَ تَعْتَذِرُوا قَدْ كَفَرْتُمْ بَعْدَ إيمَانِكُمْ
إنْ نَعْفُ عنْ طَائِفَةٍ مِنْكُمْ،
نُعَذِّبْ طَائِفَةً بَأَنَّهُمْ كَانُوا مُجْرِمِينَ.
Ne vous excusez pas :
«vous êtes devenus incrédules après avoir été croyants».
Si nous pardonnons à une partie des vôtres,
nous châtierons certains d’entre eux
parce qu’ils ont été coupables.
9. Neuvième texte : Coran 9,74 (التَّوبة)
يَحْلِفُونَ بِاللهِ مَا قَالُوا،
وَلَقَدْ قَالُوا كَلِمَةَ الْكُفْرِ. /126/
وَكَفَرُوا بَعْدَ إسْلاَمِهِمْ،
وَهَمُّوا بِمَا لَمْ يَنَالُوا.
وَمَا نَقَمُوا، إلاَّ أَنْ أَغْنَاهُمُ اللهُ وَرَسُولُهُ مِنْ فَضْلِهِ.
فَإنْ يَتُوبُوا، يَكُ خَيْرًا لَهُمْ؛
وَإنْ يَتَوَلَّوْا، يُعَذِّبُهُمُ اللهُ
عَذَابًا أَلِيمًا فِي الدُّنْيَا وَالأَخِرَةِ.
وَمَا لَهُمْ فِي الأَرْضِ مِنْ وَلِيٍّ وَلاَ نَصِيرٍ.
Ils ont professé l’incrédulité,
puis ils ont juré, par Dieu
qu’ils n’avaient pas prononcé de telles paroles.
Ils furent incrédules après avoir été soumis.
Ils aspiraient à ce qu’ils n’ont pas obtenu
et ils n’ont trouvé à la place que la faveur
que Dieu et son Prophète ont bien voulu leur accorder.
S’ils se repentaient, ce serait meilleur peur eux ;
mais s’ils se détournent,
Dieu les châtiera d’un châtiment douloureux
en ce monde et dans l’autre
et ils ne trouveront, sur la terre, ni ami, ni défenseur.
10. Dixième texte : Coran 16,106 (النَّحل)
C’est la seule sourate mekkoise.
مَنْ كَفَرَ بِاللهِ مِنْ بَعْدِ إيمَانِهِ،
إلاَّ مَنْ أُكْرِهَ، وَقَلْبُهُ مُطْمَئِنٌّ بِالإيمَانِ،
وَلَكِنْ مَنْ شَرَحَ بِالْكُفْرِ صَدْرًا،
فَعَلَيْهِمْ غَضَبٌ مِنَ اللهِ،
وَلَهُمْ عَذَابٌ عَظِيمٌ.
Celui qui renie Dieu après avoir cru,
– non pas celui qui subit une contrainte
et dont le cœur reste paisible dans la foi –
celui qui, délibérément,
ouvre son cœur à l’incrédulité :
la colère de Dieu est sur lui
et un terrible châtiment l’atteindra. /[[127]]/
11. Onzième texte : Coran 24,55 (النُّور)
وَيَعْبُدُونُ مِنْ دُونِ اللهِ
مَا لاَ يَنْفَعُهُمْ وَلاَ يَضُرُّهُمْ،
وَكَانَ الْكَافِرُ عَلَى رَبِّهِ ظَهِيرًا.
Ils adorent en dehors de Dieu
ce qui ne peut, ni leur être utile, ni leur nuire.
L’incrédule est l’auxiliaire
des ennemis de son Seigneur.
C. Châtiment prévu par ces textes
La première question importante est de savoir quel châtiment prévoit le Coran pour ce méfait. Or on constate que, sur les 14 citations signalées, 13 donnent comme punition de l’apostat : ‘aḏāb al-yawm al-aḫīr (عذاب اليوم الأخير) =
«un châtiment très douloureux en l’autre monde». Un seul verset, dans la sourate de la Tawbah (chapitre 9 verset 74), donne comme châtiment : ‘aḏāb alīm fī l-dunyā wa-l-āḫirah (عذابًا أليمًا في الدُّنيا والآخرة) = «un châtiment douloureux en ce monde et en l’autre».
Mais en général, tous les commentateurs, admettent que ceci ne correspond pas à ce que les juristes appellent les châtiments (ḥudūd, pluriel de ḥadd), parce que c’est trop vague. Quand on pense que pour le délit du vol ou le délit de l’adultère (zinā زنى), la punition est indiquée avec précision dans le Coran, on s’étonne que pour un délit aussi grave, et un châtiment aussi radical, qui consisterait à tuer l’apostat, il y ait tout juste une allusion et qu’elle soit si vague : «un châtiment douloureux en ce monde et en l’autre».
Ainsi donc, même les islamistes, s’accordent en général pour dire que le Coran n’est pas explicite sur la question du châtiment de l’apostat. Je me contente de citer ici l’opinion de l’un des plus représentatifs parmi eux, Muḥammad Salīm al-‘Awwā. Il écrit :
وعلى الرَّغم من ذلك، فإنَّ الآياتِ الكريمةَ الَّتي قدَّمنا نُصوصَها لا تُشيرُ، من قريبٍ أَو من بعيدٍ، إلى أَنَّ ثَمَّةَ عقوبةً دنيويَّةً، يأْمر بها القرآنُ، لِتُوقَعَ على المُرتدِّ عن الإسلام. وإنَّما يتواتر في تلك الآيات التهديدُ المستمرُّ بعذابٍ شديدٍ في الآخرة. ويُستثنى من ذلك ما أشارت إليه آيةُ سورة التَّوبة (الآية رقم 74)، والَّتي (sic) يتضمَّن نصُّها الوعيدَ بعذابٍ أَليمٍ في الدُّنيا والآخرة. /[[128]]/
وعلى الرَّغم من ذلك، فإنَّ هذه الآيةَ لا تُفيدنا في تحديد عقوبة الرِّدَّة. لأَنَّها إنَّما تتحدَّثُ عن كفر المنافقين بعد إسلامهم. ومِنَ المعلوم أنَّ المنافقين لا عقوبةَ دنيويَّة محدَّدةُ لهم، لأَنَّهم لا يُظهرون الكفرَ، وإنَّما هم /17/ يَنْفُونه ويُظهرون الإسلام. والأَحكامُ القضائيَّةُ، في النِّظام الإسلامي، إنَّما تُبنَى على الظَّاهر من الأَعمال أَو الأَقوال، لا على الباطن الَّذي انطَوَتْ عليه القلوبُ أَو أَسَرَّتْهُ الضَّمائرُ.
«Malgré cela, les saints versets dont nous avons exposé les textes ne font pas allu-sion, ni de près ni de loin, à un châtiment en ce monde que le Coran ordonnerait, en sorte qu’il faille l’appliquer à celui qui aurait apostasié l’islam. Mais dans ces ver-sets revient constamment la menace d’une torture dans l’au-delà. À l’exception du verset 74 de la sourate du Repentir, dont le texte contient la menace d’une torture douloureuse en ce monde et dans l’au-delà.
«Et cependant, ce verset ne nous est d’aucune utilité pour préciser le châtiment de l’apostasie, car il parle du reniement (kufr) des hypocrites après qu’ils aient adopté l’islam. Or on sait qu’il n’y a pas de châtiment en ce monde prévu pour les hypo-crites, puisqu’ils ne manifestent pas leur kufr, mais qu’ils le nient et manifestent l’islam. Or les décisions judiciaires, dans le système musulman, ne s’appliquent qu’à ce qui apparaît des actes et des paroles, non à l’intérieur que cachent les cœurs et que cèlent les consciences.
Concluant cette section, l’auteur écrit :
خلصنا، فيما تقدَّمَ، إلى أَنَّ القرآنَ الكريم لم يُحَدِّدْ للرِّدَّة عقوبةً دُنيويَّة، وإنَّما تَوَعَّدَتِ الآياتُ الَّتي فيها ذكْرُ الرِّدَّة بعقوبةٍ أُخرويَّة للمرتدِّ.
«De ce qui précède nous concluons que le saint Coran n’a pas précisé un châtiment en ce monde pour l’apostasie ; mais les versets qui font mention de l’apostasie por-tent une menace d’un châtiment de l’apostat en l’autre monde».
III. Point de vue
des musulmans libéraux
Les musulmans libéraux ont publié, ces dernières années, un certain nom-bre de petits livres, condamnant l’intervention judiciaire à l’encontre de l’apostat. Je signale, à titre d’exemple, le livre du cheikh égyptien Aḥmad Ṣubḥī Manṣūr, intitulé حدّ الرِّدَة ;et le livre du syrien Adlabī, intitulé قتل المرتدّ. Ce dernier, publié en 1991, a été réédité en 1993. Ils sont tous deux contre toute peine appliquée à l’apostat ; mais il y a beaucoup d’autres articles et opinions allant dans ce sens.
Voici, en synthèse, leur argumentation. /[[129]]/
A. Le Coran est pour la liberté religieuse
Tous partent du Coran pour affirmer que la tendance générale du Coran est favorable à la liberté religieuse. Cette remarque est très intéressante pour tout dialogue avec l’islam : elle suggère que ce verset a plus de force que d’autres qui s’appliquent à des situations particulières. Il est considéré comme un critère général, un principe.
Ils citent, tout d’abord, le fait que le Coran critique toute contrainte reli-gieuse, par exemple, celle qui a été exercée contre les prophètes Noé, Abraham, etc. Puis il y a toujours trois versets qui sont essentiels et reviennent dans toutes les discussions entre chrétiens et musulmans, mais aussi entre musulmans et non musulmans.
Les trois passages sont :
1. Tout d’abord, le fameux verset 256 de la sourate de la Vache : لاَ إكْرَاهَ فِي الدِّينِ قَدْ تَبَيَّنَ الرُّشْدُ مِنَ الْغِيِّ = «pas de contrainte en religion, la voie droite se distingue de l’erreur». Tous ces auteurs soulignent la deuxième partie du verset, qui sous-entend, selon eux, que la voie droite est tellement évidente qu’elle se manifeste d’elle-même, si bien qu’on peut la distinguer de l’erreur. C’est pour cela qu’il n’y a pas besoin de contrainte. Car chacun voit très bien ce qu’il doit faire.
2. Il y aussi le verset 29 de la sourate de la Caverne : وَقُلِ الْحَقُّ مِنْ رَبِّكُمْ، فَمَنْ شَاءَ فَلْيُؤْمِنْ، وَمَنْ شَاءَ فَلْيَكْفُرْ = «Dis : la vérité émane de ton Seigneur. Que celui qui le veut, qu’il croit ; que celui qui le veut, qu’il soit incré-dule». À noter le dernier verbe, formé sur la racine كفر ; autrement dit : «qu’il soit kāfir».
3. Le troisième texte, toujours cité dans ce contexte, est les versets 99-100 de la sourate Younes : ولَوْ شَاءَ رَبُّكَ لآمَنَ مَنْ فِي الأَرْضِ كُلُّهُمْ جَمِيعًا. أَفَأَنْتَ تُكْرِهُ النَّاسَ حَتَّى يَكُونُوا مُؤْمِنِينَ ؟ ومَا كَانَ لِنَفْسٍ أَنْ تُؤْمِنَ إلاَّ بِإذْنِ اللهِ، ويَجْعَلُ الرِّجْسَ عَلَى الَّذِينَ لاَ يَعْقِلُونَ = «Si ton Seigneur l’avait voulu, tous les habitants de la terre auraient cru. Est-ce à toi (Mohammad), de contraindre les hommes à être croyants ? Il n’appartient à personne de croire sans la per-mission de Dieu».
B. Le verset «Pas de contrainte…» a-t-il été aboli par le Coran ?
Les deux dernières sourates citées sont mekkoises (سورة مكِّيَّة), donc de la première étape, avant l’hégire. En revanche, le premier texte cité, le plus fameux (لاَ إكْرَاهَ فِي الدِّينِ قَدْ تَبَيَّنَ الرُّشْدُ مِنَ الْغِيِّ), est du début de la période médinoise, donc après l’hégire, en l’occurrence vers l’an 623. /[[130]]/
1. Ce détail n’est pas sans importance. En effet, la tradition musulmane a développé la théorie de l’abrogeant et de l’abrogé (al-nāsiḫ wa-l-mansūḫ), selon laquelle certains versets révélés plus tard auraient abrogé des versets révélés antérieurement.
La question est de savoir si par hasard ces trois versets auraient été abrogés par l’un des 14 versets qui parlent de l’apostat, et en particulier celui plus spécifique (9,74) qui parle de l’apostat comme devant être puni dans l’au-delà et même en ce monde.
2. Cette opinion a été parfois soutenue par de grands juristes, notamment par le ḥanbalite Ibn Ḥazm de Cordoue (994-1063) .
Plus près de nous, l’ancien šayḫ al-Azhar, Muḥammad Šalabī, commentant l’opinion d’Ibn Ḥazm dans une note à l’édition, écrit : «Nous n’obligeons pas l’apostat à revenir à l’islam, afin de ne pas être en contra-diction avec la parole de Dieu ‟Point de contrainte en matière de religion”. Mais nous lui laissons l’occasion d’y revenir, volontairement et sans contrainte. S’il ne revient pas, il doit être tué. Car il est instrument de sédition (fitnah) et parce qu’il ouvre la porte aux kāfir pour attaquer l’islam et semer le doute parmi les musulmans. L’apostat est donc en guerre déclarée contre l’islam, même s’il ne lève pas l’épée en face des musulmans» .
وقد قال أستاذُنا، الشيخُ محمد الشَّلَبيّ، في تعليقاته على الطبعة الأولى:
«إننا لا نُكرِهُ المُرتَدَّ على الرجوع إلى الإسلام، حتَّى لا يتعارضَ مع قوله تعالى: “لا إكراهَ في الدين”. وإنّما نترُكُ له فرصةَ الرجوع باختياره، دونَ إكراهٍ. فإن لم يرجع، يُقتَلْ، لأنّه أداةُ فتنة، وفَتْحُ بابٍ للكافرين للطَّعْن في الإسلام، وتشكيكٌ للمسلمين. فالمُرتدُّ حربٌ على الإسلام، وإنْ لم يرفعِ السيفَ في وجه المسلمين».
Il veut dire par là que le «verset de la non-contrainte» n’est pas aboli ; mais que l’apostat doit quand même être tué, au nom d’un autre passage coranique souvent cité, celui de la sédition (fitnah), qu’on appelle aujourd’hui couramment, dans les milieux islamiques, «le verset du sabre» (āyat al-sayf) qui, prétendent-ils, aurait abrogé cent versets. Voici ce passage :
وَاقْتُلُوهُمْ حَيْثُ ثَقِفْتُمُوهُمْ،
وَأَخْرِجُوهُمْ مِنْ حَيْثُ أَخْرَجُوكُمْ. /[[131]]/
وَالْفِتْنَةُ أَشَدُّ مِنَ الْقَتْلِ.
وَلاَ تُقَاتِلُوهُمْ عِنْدَ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ،
حَتَّى يُقَاتِلُوكُمْ فِيهِ.
فَإنْ قَاتَلُوكُمْ، فَاقْتُلُوهُمْ،
كَذَلِكَ جَزَاءُ الْكَافِرِينَ.
فَإنِ انْتَهَوْا، فَإنَّ الله غَفُورٌ رَحِيمٌ.
وَقَاتِلُوهُمْ، حَتَّى لاَ تَكُونَ فِتْنَةٌ،
وَيَكُونَ الدِّينُ للهِ.
فَإنِ انْتَهَوْا، فَلاَ عُدْوَانَ إلاَّ عَلَى الظَّالِمِينَ.
Tuez-les partout où vous les rencontrerez ;
chassez-les des lieux d’où ils vous auront chassés.
La sédition (fitnah) est pire que le meurtre.
Ne les combattez pas auprès de la Mosquée sacrée,
à moins qu’ils ne luttent contre vous en ce lieu même.
S’ils vous combattent, tuez-les :
telle est la rétribution des incrédules (kâfir).
S’ils s’arrêtent, sachez alors que Dieu
est celui qui pardonne, il est miséricordieux.
Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sédition (fitnah)
et que le culte de Dieu soit rétabli.
3. On sait que l’un des plus prolixes auteurs musulmans, le fameux imâm égyption Ǧalāl al-Dīn al-Suyūṭī (m. 911/1505), affirmait qu’il n’y avait que 21 versets coraniques qui avaient été abrogés, et que le nôtre n’en faisait pas partie.
4. Bref, sauf exception, les commentateurs, même islamistes, s’accordent à dire que ces trois versets n’ont pas été abrogés.
C’est ce qui fait dire aux musulmans libéraux que la ligne maîtresse du Co-ran invite à la liberté de conscience. Si le Coran parle parfois de l’apostat (المُرْتَدّ), sans d’ailleurs utiliser ce terme mais seulement le verbe correspondant, cela ne peut pas s’opposer à la ligne générale, mais doit être compris dans ce cadre général, qui est celui de la tolérance. /132/ On voit par-là l’importance de l’interprétation coranique (ta’wīl), qui sera le point de divergence fondamental entre les islamistes et par exemple Naṣr Ḥāmid Abū Zayd.
IV. Deux hadiths sur l’apostat
Mais alors, sur quoi se base la pratique traditionnelle islamique, si le Coran ne profère aucun châtiment précis à l’encontre de l’apostat ? Elle se fonde en fait sur le ḥadīṯ, et tout particulièrement sur deux d’entre eux, en tout et pour tout, inlassablement répétés par les islamistes.
À ce point, la meilleure étude est, à mon avis, celle du cheikh Aḥmad Ṣubḥī Manṣūr. Il y fait une analyse historique et juridique de ces deux ḥadīṯ-s celui, fameux, de Awzā‘ī (on prononce généralement Ūzā’ī), et le ḥadīṯ de ‘Ikrimah. Ils appartiennent, tous les deux, à la catégorie des ḥadīṯ al-āḥād (آحاد), comme disent les traditonnistes (محدِّثين), c’est-à-dire qu’ils sont rapportés à partir d’une seule personne.
D’une manière générale, les oulémas considèrent que le ḥadīṯ al-āḥād n’est pas acceptable pour définir les peines et châtiments corporels (les ḥudūd). Cela écarte donc en principe ces deux logia. Cependant, l’islamiste égyptien bien connu, Yūsuf al-Qarḍāwī fait une défense de principe de ce type de «traditions» transmises par un seul témoin, en disant qu’elles sont aussi valables.
Sur quoi se fondent ceux qui soutiennent que ces deux ḥadīṯ-s doivent être éliminés de la discussion ? Je me contenterai de résumer ici l’argumentation de quelques auteurs, particulièrement celle du cheikh Aḥmad Ṣubḥī Manṣūr.
A. Le hadith de Awzā‘ī
En ce qui concerne le premier ḥadīṯ, celui de Awzā‘ī, voici son argumentation .
1. Personnalité d’al-Awzā‘ī et texte du hadith
Awzā‘ī est né à Baalbeck en 88 de l’hégire = A.D. 707. Il était très habile, et a réussi à s’introduire à la cour de Damas (située non loin de sa ville natale). Petit à petit, il est devenu le faqīh des Umayyades. Aḥmad /133/ Ṣubḥī Manṣūr montre qu’il a fabriqué maint ḥadīṯ pour faire plaisir à qui détenait le pouvoir, par opportunisme.
Puis, quand en 750 a eu lieu le renversement de pouvoir, et que les Abbas-sides entrèrent à Damas, éliminant et tuant tous les dirigeants umayyades et tous ceux qui étaient à la cour, notre Awzā‘ī réussit, comme par hasard, à s’en tirer : il est le seul qui sort indemne de cette révolution. Nous possédons le récit de sa rencontre avec le général ‘Abdallāh Ibn ‘Alī, l’oncle du calife ‘abbāside al-Saffāḥ, rapporté par l’historien Ibn Kaṯīr : sa personnalité opportuniste y transparaît. Or, c’est dans ce contexte qu’il cite le fameux ḥadīṯ qui lui est attribué : al-nafs bi-l-nafs, qui remonterait au Prophète. En voici le texte :
لاَ يَحِلُّ دَمُ امْرِئٍ مُسْلِمٍ إلاَّ بِإحْدَى ثَلاَثٍ: النَّفْسُ بِالنَّفْسِ، وَالثَّيِّبُ الزَّانِي، وَالتَّارِكُ لِدِينِهِ الْمُفَارِقُ لِلْجَمَاعَةِ.
«Le sang d’une personne musulmane n’est licite
que dans l’un des trois cas suivants :
la vie en échange de la vie,
la personne mariée qui commet l’adultère,
celui qui abandonne sa religion et se sépare de sa communauté»
D’après lui, Muḥammad aurait donc affirmé que le musulman peut être tué seulement dans un de ces trois cas :
le premier cas, résulte de l’application de la loi du talion : œil pour œil, vie pour vie ;
le deuxième, l’adultère, est en contradiction flagrante avec le texte du Coran de la sourate de la Lumière , qui prévoit explicitement une peine de cent coups de fouet pour l’adultère, et jamais la peine de mort :
الزَّانِيَةُ وَالزَّانِي، فَاجْلِدُوا كُلَّ وَاحِدٍ مِنْهُمَا مِائَةَ جَلْدَةٍ
le troisième cas correspond plus ou moins à l’apostat.
2. Ce hadith n’est pas fiable
L’analyse que fait Aḥmad Ṣubḥī Manṣūr est rigoureuse et suggestive.
Il montre tout d’abord que la personnalité d’al-Awzā‘ī n’est pas fiable, parce que c’est un politicien opportuniste. Ce ḥadīṯ a permis précisément aux ‘abbāsides de supprimer plusieurs de leurs opposants politiques.
Ensuite, pour ce qui est de la forme, ce ḥadīṯ se présente sans aucune chaîne de transmission (aucun isnād), ce qui est totalement insolite dans /p. [[134]]/ la science des traditions. Et ce d’autant plus que, dans le même récit d’Ibn Kaṯīr, Awzā‘ī mentionne le ḥadīṯ «les actions valent par leurs intentions» (innamā al-a’mālu bi-l-niyyāti), mais en l’accompagnant cette fois d’une longue chaîne de transmission.
Enfin, analysant le contenu même du ḥadīṯ, il montre en détail qu’il est en contradiction avec le Coran.
On notera que le célèbre traditionniste Muslim Ibn al-Ḥaǧǧāǧ (m. 261/875) a intégré ce ḥadīṯ dans son grand recueil intitulé al-Ṣaḥīḥ. Mais, ayant noté l’absence de chaîne de transmission, il en a rajouté une, hypothétique, visiblement inventée et qui ne correspond pas aux chaînes connues.
J’ajouterai une observation. Dans le gros recueil de plus de 800 pages d’al-Awzā‘ī, récemment publié à Beyrouth, on cherchera en vain ce ḥadīṯ. Il ne se trouve nulle part. En revanche, on en trouve un traitant de la riddah, donné ici encore sans la moindre chaîne de transmission, d’après ce qu’en a rapporté Abū ‘Īsā, qui n’est autre que le traditionniste Abū ‘Īsā Muḥammad Ibn ‘Īsā al-Tirmiḏī (209-279/824-892) ; curieusement, il ne concerne que la femme. C’est le N° 1354, dont voici le texte :
قال أبو عيسى: قال الأَوْزاعى: «في المرأة، إذا ارتدَّتْ عن الإسلام، تُقْتَلْ».
Abū ‘Īsā [al-Tirmiḏī] a dit : Al-Awzā‘ī a dit : «Au sujet de la femme, si elle s’écarte de l’Islam, elle doit être tuée».
B. Le hadith de ‘Ikrimah
L’autre ḥadīṯ, celui de ‘Ikrimah, dit : Man baddala dīnahu fa-qtulūhu = «qui change de religion, tuez-le».
De nouveau, ce ḥadīṯ se présente comme faible, pour trois motifs :
la personnalité de ‘Ikrimah (mort en 723), jette la suspicion sur ce qu’il rapporte. Il était l’esclave de ‘Abdallāh Ibn ‘Abbās, le cousin de Mahomet, et fut affranchi après la mort de son maître par ses enfants. Sa réputation vient du fait qu’il se mit à transmettre des ‟traditions” attribuées à Ibn ‘Abbās, qui jouissait d’une grande autorité. Mais, d’une part, il appartient au groupe politique des Ḫawāriǧ, et cela rendit suspect bien des traditions ; d’autre part, il est connu des savants du ḥadīṯ pour ses mensonges et son peu de crédibilité. /[[135]]/
– la chaîne de transmission qu’il fournit est, au dire des spécialistes du ḥadīṯ, très faible : selon sa coutume, il fait remonter son logion à Ibn ‘Abbās, auquel il attribue des centaines de traditions.
– Enfin le contenu même est aussi en non conformité tant avec la Sunnah qu’avec le Coran.
On voit donc que les deux traditions sur lesquelles s’appuient les islamistes pour justifier la condamnation à mort de l’apostat sont toutes deux plus que douteuses.
V. L’argument historique
Si, ni le Coran ni la Sunnah du Prophète n’autorisent l’interprétation des islamistes, sur quoi se fondent-ils donc ? Ils avancent deux arguments : le premier, juridique, basé sur des fatwā-s de fuqahā’ ; le second historique, à savoir les évènements connus dans l’histoire musulmane sous le nom de «guerres d’apostasie».
Je n’aborderai pas la question juridique : elle demanderait une étude sépa-rée. Je me contenterai de dire un mot de l’aspect historique.
A. Attitude de Muḥammad lui-même
Les musulmans libéraux soulignent le fait que le Prophète de l’islam n’a jamais tué quelqu’un au nom du «crime d’apostasie». On dira peut-être que l’argument ne vaut pas, parce que l’occasion ne s’était pas présentée. Or précisément l’occasion s’est présentée deux fois, où ses fidèles voulaient tuer un renégat, mais que Muḥammad est intervenu pour les en empêcher.
Par ailleurs, ce n’est pas un argument «a silentio». On sait, en effet, par les biographies officielles (les siyar) combien il a entrepris de guerres (dix-neuf selon la Sīrat Ibn Hišām), n’hésitant pas à tuer ses ennemis, ou simplement les opposants à sa mission pour des motifs politiques. Si donc il a refusé de tuer, à deux reprises, un renégat, c’est parce qu’il ne considérait pas l’apostasie comme étant un motif entraînant un châtiment en ce monde.
Tel est l’argument des musulmans non-islamistes.
B. Le cas des «guerres contre les apostats»
L’argument historique le plus souvent invoqué par les islamistes est celui des fameuses «guerres de l’apostasie» (Ḥurūb al-Riddah), menées par Abū Bakr, le premier calife. À la mort de Mahomet en l’an 10/632, Abū Bakr lui succéda, et mourut peu après en l’an 13/634. /[[136]]/
Or cet argument est basé sur une immense équivoque. En effet, ces guerres ont été appelées «guerres de l’apostasie», ou plutôt littéralement «guerres du retour», en un sens tout à fait différent de ce qu’on veut y mettre. Les faits sont connus : À la mort de Mahomet, un très grand nombre de tribus arabes, qui s’étaient soumises à l’empire qurayšite de Médine fondé par Mahomet, et qui lui payaient un lourd tribut en signe d’allégeance, en profitèrent pour ne plus payer d’argent et prendre leur liberté.
Abū Bakr mena une guerre féroce contre eux, pour les faire rentrer dans le giron de l’islam. Cette attitude a été fortement critiquée par beaucoup, notamment par les premiers Compagnons du Prophète (les Ṣaḥābah). Cependant, quand le calife réussit à ramener la majorité d’entre ces tribus dans le sein de l’empire qurayšite, tout le monde en fin de compte s’en félicita.
Pour les contemporains d’Abū Bakr, comme pour les historiens musul-mans, ces guerres étaient évidemment des guerres à but économique et politique, où la religion n’y entrait pratiquement pour rien. Abū Bakr a combattu les tribus une à une, pour les faire rentrer dans le giron de l’Islam, afin de pouvoir remplir les caisses du jeune état musulman.
C. L’attitude du deuxième calife
Son successeur, ‘Umar Ibn al-Ḫaṭṭāb (m. 23/644), qui fut le premier à por-ter le titre de «Commandeur des Croyants» (amīr al-mu’minīn), n’a pas poursuivi ces guerres d’apostasie.
Le motif en est clair : ayant conquis les anciens territoires de l’empire byzantin et de l’empire sassanide, il n’avait que faire des maigres deniers que le retour de quelque Arabe rebelle aurait pu lui rapporter. Désormais, l’empire musulman était riche et puissant, les ḥurūb al-riddah furent donc interrompus. Bien plus, l’histoire raconte que ce calife a lui-même protégé un apostat qu’on voulait tuer.
Ceci montre à l’évidence que ces ḥurūb al-riddah n’avaient rien à voir avec le problème de l’‟apostasie”, mais avec celui du ‟retour” (riddah) des tribus arabes à l’empire de Qurayš. /[[137]]/
Conclusion
Cette brève étude montre que le délit d’apostasie, puni par la peine de mort de l’apostat, qui semble fondé sur une longue tradition en Islam, n’a en réalité pas de fondement islamiquement acceptable. Ni le texte du Coran ne l’autorise, ni la Sunnah du Prophète, ni les ḥadīṯ ne le justifient. Même l’histoire ancienne n’autorise pas une telle interprétation.
D’où vient donc cet usage unanimement répandu dans le monde islami-que ?
C’est une invention de fuqahā’, les juristes musulmans, clament les musulmans libéraux, et encore a-t-elle été inventée pour des motifs politiques. Mais alors, disent-ils, si ce délit est un problème politique, il doit être traité politiquement. Si l’apostasie représente un risque pour la nation, et si l’apostat est jugé comme un danger pour l’état, comme une fitnah, une rébellion, alors c’est un problème politique à étudier en tant quel tel, mais non pas un problème religieux qui doit être réglé par l’autorité musulmane.
Il est évident que, derrière tout cela, ce qui est en jeu, c’est la question de la liberté religieuse. Et cela va bien au-delà des quelques rares cas de musulmans se faisant chrétiens ou critiquant l’islam. De plus, légaliser ce délit, c’est ouvrir la porte et donner prétexte à toutes sortes de répressions exercées par les groupes islamistes contre tous ceux qui ne pensent pas comme eux, c’est en définitif donner carte blanche au terrorisme religieux.
Voilà, brièvement esquissé, quelques points soulevés par le débat actuel sur la Riddah, débat qui ne semble pas devoir s’arrêter de sitôt. Il me semble important pour les pays occidentaux, qui se sont souvent fait les porte-parole de la défense des droits de l’homme, de soutenir l’effort de ces intellectuels musulmans qui luttent pour concilier «foi musulmane» et «droits de l’homme», qui luttent pour un islam à visage humain.
Bibliographie sur l’apostasie (riddah)
A. Auteurs musulmans
1 Muhammad Munīr Adlibī, Qatl al-Murtadd, al-ǧarīmah allatī ḥarramahā al-Islām [= Tuer l’apostat, un crime interdit par l’islam] (Damas : Dār al-Ahālī li-l-Našr wa-l-Tawzï‘, 1991, 1993). [Syrien].
2 Aḥmad Subḥī Manṣūr (a1-šayḫ), Ḥadd al-Riddah. Dirāsah usūliyyah tārīḫiyyah [= Le châtiment de l’apostat. Étude fondamentaliste historique] (Cairo : Ṭībah li-l-Dirāsāt wa-l-Našr, 1993, 108 pages, ISBN 977-5461-05-7). [Égyptien]. /138/
3 Muhammad Ali, The Religion of Islam (Lahore 1935, 1971), p. 486-493 ; 2ème édition (Cairo 1967), p. 591 ss. [L’auteur, Pakistanais, appartient au groupe de la Aḥmadiyyah de tendance sunnite].
4 Muḥammad Salim al-‘Awwā, Ǧarā’im al-Ḥudūd wa-‘uqūbatuhā (Ru’yāh ǧadīdah li-l-Riddah), in : Minbar al-Šarq (Novembre 1995), p. 15-29. [Égyptien d’origine syrienne].
محمَّد سليم العوَّا، جرائم الحدود وعقوبتها (رؤية جديدة للرِّدَّة)، في: منبر الشَّرق (نوفمبر 1993)، ص 15-
29.
5. Mahmoud Ayoub, Religious freedom and the law of apostasy in Islam, in : Islamochristiana 20 (1994) 75-91.
6. Ǧamāl al-Banna, Ḥurriyyat al-i‘tiqād fī l-Islām [= La liberté de croyance en islam] (Beyrouth & Damas 1977 21981), p. 66-71. Texte repris (et développé?), sous le même titre, avec le sous-titre : «Al-Mawqif min al-Murtadd», in : Minbar al-Šarq (Novembre 1995) 30-38. [Égyptien].
7. Adel el-Baradie, Gottes-recht and Menschen-Recht.
Grundlagenprobleme der islamischen Strafrechtslehre (Baden-Baden : Nomos, 1983). [Égyptien?].
Ennayfar : Voir an-Nayfar.
8 Ǧabr Maḥmūd al-Fuḍaylāt, Aḥkām al-Riddah wa-l-murtaddīn (‘Ammān 1987) [Jordanien].
9 Ǧād al-Ḥaqq ‘Alī Ǧād al-Haqq, Man yartaddu ‘an al-Islām ḫāriǧ ‘an al-niẓām al-‘āmm li-l-dawlah, in : Al-Aḫbār, n° 13457 (Vendredi 23 juin 1995), p. 5. [Égyptien, šayḫ al-Azhar, décédé le 15 mars 1996].
10 Ḫalīl ‘Abd al-Karim, Al-Islām bayna l-dawlah al-dīniyyah wa-l-dawlah al-madaniyyah (Le Caire : Sina, 1995), ch. 7 : Al-Riddah wa-l-siyāsah (= p. 147-164).
11 Ibrāhīm ‘Īsā, An-Nabī (ṣallā Allāh ‘alayh wa-sallam) lam yaqtul mur-taddan, wa-‘Umar Ibn al-Ḫaṭṭāb awqafa ḥadd al-riddah, wa-‘Uṯmān Ibn ‘Affān aǧāra murtaddan fī baytih [= Le Prophète (sur lui soit la prière et la paix de Dieu) n’a pas tué d’apostat, et ‘Umar Ibn al-Ḥattāb a interrompu le châtiment l’apostasie et ‘Uṯmān Ibn ‘Affān a accueilli un apostat dans sa maison], in :
Rose al-Youssef, 29 novembre 1993, p. 24-27. [Égyptien].
12 Majid Khadduri, War and Peace in the Law of Islam (London 1941 ; Balti-more : The John Hopkins Press, 21955), surtout p. 175-201. [Syrien, émigré aux USA].
13 Abū al-A‘lā Mawdūdī, Murtadd Ki Sazā Islāmī Qānūn Meñ [= Le châ-timent de l’apostat dans le droit musulman] (Lahore : Islamic Publications, 1963). [Pakistanais]. /139/
14 Abdullahi A. an-Na‘īm, The Islamic Law of Apostasy and its Modern Ap-plicability. A Case from the Sudan, in : Religion 16 (1986) 197-224.
[Soudanais, disciple de Maḥmūd Ṭāhā l’assassiné, émigré aux USA].
15 Ḥmīdah an-Nayfar, Min al-Riddah ilā l-īmān ilā wa‘y al-tanāqud, in : Islamochristiana 13 (1987) 1-12 (de la partie arabe). Traduction française par Sa‘d Ghrab : Ḥmīda Ennayfar, «De la Ridda (apostasie) à la foi ou de la conscience du paradoxe», in : Conscience et Liberté, n° 35 (1988) ; repris dans : Se comprendre, n° 88/05 mai 1988), 9 pages. [Tunisien].
16 Ḥmīda Ennayfar, in : Foi et justice. Un défi pour le christianisme et pour l’islam (Paris : Centurion, 1993), p. 104-113 (livre collectif du GRIC = Groupe de Recherches islamo-chrétien), p. 104-113. [Tunisien].
17 Yūsuf al-Qaraḍāwī, ‘Uqūbat al-Riddah wa-muwāǧahat al-murtaddīn, in : Minbar al-Šarq (Novembre 1995), p. 5-14. [Égyptien].
18 Yūsuf al-Qaraḍāwī, Bayyināt al-Ḥall al-islāmī wa-šubuhāt al-‘almāniyyūn wa-l-muta‘arribūn (Cairo : Maktabat Wahbah, 1988), 254 pages, ici p. ??
19 Āmāl al-Qarāmī, Min dawā‘ī l-irtidād ‘an al-islām ladā l-muṯaqqafīn al-mu‘āṣirīn, in : Islamochristiana, 20 (1994) arabe, p. 27-39.
20 Shaikh Abdur Rahman, Punishment of Apostasy in Islam (Lahore : Institute of Islamic Culture, 1972). [Pakistanais].
21 ‘Abd al-Ḥamīd al-Sābiḥ, Naẓariyyat al-ḥudūd fī l-islām wa-ḥikmat tašrī‘ihā, in : Buḥūṯ fiqhiyyah wa-qur’āniyyah (Cairo : Al-Hay’ah al-‘āmmah li-šu’ūn al-maṭābi‘ al-amīriyyah, 1977), p. 93-104.
22 ‘Abd al-Muta’āli al-Sa‘īdī (al-šayḫ), Al-Ḥurriyyah al-Dīniyyah fī l-Islām [= La liberté religieuse en islam] (Le Caire, Ṣ 1940 ; Beyrouth : Dar al-Fikr al-‘Arabī, 1956). [Égyptien].
23 Nu‘mān ‘Abd al-Rāziq al-Samarrā’ī, Aḥkām al-Murtadd fī l-šarī‘ah al-islāmiyyah (Riyad : Dār al-‘Ulūm, 1983) [Irakien].
24 Abdulaziz A. Sachedina, «Al-Bukhari’s Hadith on ‟Killing those who refuse to fulfill the duties enjoined by God and considering them Apostates”», in : David P. Little, John Kelsay & Abdulaziz A. Sachedina, Human Rights and the Conflict of Cultures : Western and Islamic Perspectives on Religious Liberty. Studies in Comparative Religion (Columbia, SC : University of South Carolina Press, 1988), p. 97-100. [Iranien immigré aux USA].
25 Abdulaziz A. Sachedina, Freedom of Conscience and Religion in the Qur’an, in : David P. Little, John Kelsay & Abdulaziz A. Sachedina, Human Rights and the Conflict of Cultures : Western and Islamic Perspec-tives on Religious Liberty (Columbia, SC : University of South Carolina Press, 1988), p. 53-90. [Iranien immigré aux USA].
26 Ilyās Šūfānī, Ḥurūb al-riddah (dirāsah naqdiyyah fī l-maṣādir) (Bey-routh : Dar al-Kunūz al-Adabiyyah, 1995), 224 pages. /140/
27 Bassam Tibi, «The European Tradition of Human Rights and the Culture of Islam», in : Abdullahi A. an-Na’im & Francis M. Deng (Ed.), Human Rights in Africa : Cross-Cultural Perspectives (Washington, DC : The Brookings Institution, 1990), p. 104-132. [Syrien, émigré en Allemagne].
B. Auteurs non-musulmans
1 Sami Awad Aldeeb Abu-Sahlieh, «Liberté religieuse et apostasie dans l’islam», in : Praxis juridique et religion, 3 (1986), p. 43-76. [Palestinien].
2 Sami Awad Aldeeb Abu-Sahlieh, L’impact de la religion sur l’ordre juri-dique. Non-musulmans en pays d’islam. Cas de l’Égypte, (Fribourg : Édi-tions Universitaires, 1979, XVI + 450 pages), ici p. 258-267. [Palesti-nien].
3 Sami Awad Aldeeb Abu-Sahlieh, «Le délit d’apostasie aujourd’hui et ses conséquences en droit arabe et musulman», in : Islamochristiana, 20 (1994), p. 93-116. [Palestinien].
4 David Hollenbach, «Human Rights and Religious Faith in the Middle East : Reflections of a Christian Theologian», in : Human Rights Quarterly, 4 (1982), p. 94-109.
5 Rudolph Peters & Gert J. J. de Vries, «Apostasy in Islam», in : Die Welt des Islam, 17 (1976-1977), p. 1-25.
6 James P. Piscatori, «Human Rights in Islamic Political Culture», in : Ken-neth W. Thompson (Ed.), The Moral Imperatives of Human Rights. A World Survey (Washington, DC University Press of America, 1980), p. 139-167.
7 Scheiber, «The Origins of ‘Obaydyah, the Norman Proselyte», in : Journal of Jewish Studies, 5 (1954), p. 32-37.
8 Samuel M. Zwemer, The Law o f Apostasy in Islam (London 1924 ; 2Edinburgh & New York : Marshall Brothers, sans date).