Le coup de semonce lancé par les évêques maronites en réaction à une série de fautes graves commises par le Gouvernement a eu un effet dévastateur sur la coalition du 14 mars. Empêtrée dans un sauve-qui-peut maladroit et ridicule, celle-ci n’a même pas eu le temps de voir venir l’estocade foudroyante que lui préparait dans la foulée l’évêque Béchara El-Raï.
Si le communiqué des évêques est venu « légitimement » critiquer une série de mesures irresponsables prises par le Gouvernement, le tir de barrage de l’évêque de Jbeil en ce moment inopportun est pour le moins douteux !
En accusant le Gouvernement de vouloir « islamiser » le Liban, Béchara El-Raï est allé nettement au-delà des inquiétudes récurrentes de l’Eglise maronite sur la « marginalisation » rampante des Chrétiens et sur l’érosion de leur représentativité. Pire, cet anathème lancé contre le Gouvernement se trompe de timing, se trompe de bataille et se trompe d’ennemi !
Les effets de ce coup de tonnerre n’ont pas tardé. Frétillant de plaisir et plus belliqueux que jamais, Michel Aoun s’est précipité à Bkerké pour élargir encore davantage la brèche entrouverte par Béchara Al-Raï. Le Général buvait du petit-lait ! l’antienne de l’islamisation ressortie en ce moment crucial est une aubaine tellement inespérée qu’il aurait été débile de ne pas en profiter.
Il est inconcevable que Béchara El-Raï ait pu proférer ses accusations sans la caution tacite du Patriarche. Dans son homélie dominicale, Nasrallah Sfeir a bien essayé de rectifier le tir en dénonçant « l’exploitation à des fins politiques » des craintes de l’Eglise, mais aucune mention n’a été faite des déclarations de l’évêque.
Après une longue période marquée par un soutien net aux thèses du camp « souverainiste », le Patriarche laissait entrevoir depuis peu quelques signes de fléchissement. Serait-il aujourd’hui sur le point de virer sa cuti et de céder aux intimidations répétées de Michel Aoun ? Serait-il devenu à ce point aveugle pour ne plus distinguer le véritable enjeu ?
Faire diversion à un moment où le Liban est en train de jouer sa survie face au travail de sape systématique de la Syrie, de l’Iran et de leurs alliés locaux est un coup de poignard planté dans le dos de la communauté maronite elle-même avant qu’il ne soit un cadeau offert gratuitement aux ennemis du Liban.
Les prélats maronites se trompent de bataille, ils se trompent d’ennemi et ils risquent par leur soudaine cécité de porter un coup fatal à leur lutte séculaire pour l’indépendance du Liban.
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