« Un seul espoir pour les vaincus, n’espérer aucun salut » – Virgile, Enéide : 2,354.
« Ce qui a été c’est ce qui sera. Ce qui est advenu c’est ce qui adviendra. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil » (Eccl 1 ) écrit Qohelet, dit l’Ecclésiaste, dans le livre de la Bible qui porte son nom. Ce vénérable verset résume la dernière allocution de Sa Clémence Sayyed Hassan Nasrallah : Rien de nouveau sous le soleil.
Comme à son habitude, mais sur un ton professoral plus avenant, Sa Clémence a parlé comme patron du Liban, non en vertu d’un processus démocratique mais par la seule force des armes dirigées contre la population libanaise afin de s’assurer de sa docilité.
En matière de démocratie, il est clair que Sa Clémence ne la comprend pas selon le schéma : un homme une voix, mais selon un rapport de forces entre des groupes belligérants dotés d’une identité collective qui prime sur l’identité citoyenne individuelle. On nous a avertis qu’un tel compromis tribal, surnommé démocratie consensuelle, sera la règle tant que le « confessionnalisme politique » n’est pas aboli. La majorité des citoyens voient dans l’expression même de l’abolition du confessionalisme politique un autre masque du chiisme politique, successeur moderne du défunt maronitisme, et qui cherche à établir son hégémonie par la force des armes sur l’ensemble du pays. Sa Clémence refuse toute forme de décentralisation du pouvoir au nom de l’unité globale du pays. En soi, une telle attitude est louable mais on demande à Sa Clémence de commencer par ramener les zones sécuritaires qu’il contrôle, dans le giron de l’Etat avant de refuser aux autres le droit élémentaire de ne pas accepter l’hégémonie d’une secte politico-religieuse.
En matière de défense du pays, Sa Clémence nous a clairement dit que ceci était du seul ressort de ce qu’il appelle la « résistance ». En d’autres termes, il nous propose l’humiliante formule suivante : « Ne vous préoccupez pas de la défense du territoire, c’est notre affaire. Vaquez à vos occupations quotidiennes, mais ne vous occupez pas de vie politique ou de stratégie militaire ». Une telle disposition d’esprit est conforme à la conception du droit public islamique qui réserve aux vrais et fidèles croyants du dar el islam l’obligation de l’impôt du sang. Les autres résidents de dar el islam en sont exemptés en contrepartie du paiement de l’impôt de capitation ( al jizya ). Telle est la philosophie de la condition de dhimmi. Ainsi, dans la province libanaise du néo-empire perse chiito-islamiste, seule une aristocratie militaire portera les armes. Le reste de la population, sans distinction d’appartenance religieuse, devient de ce fait une masse de dhimmis d’un genre nouveau.
Quant à la notion de « vicariat du juriste-théologien » ou wilayat al faqih, Sa Clémence a usé de l’argument de propagande qui cherche à assimiler l’allégeance au pontife de Qom-la-Sainte comme étant symétrique de l’allégeance des chrétiens catholiques au pontife romain. On se demande si demain Sa Sainteté Benoît XVI va envoyer aux libanais qui sont sous sa juridiction canonique un arsenal de fusées, de missiles, de bombes, d’engins de mort de toutes sortes en vue de répandre la vraie foi ou de défendre les Lieux Saints ou d’éradiquer la corruption, de rendre justice aux opprimés et d’étendre le pouvoir universel de l’évêque de Rome à défaut d’étendre l’hégémonie politico-militaire de l’Etat du Vatican, poussière résiduelle des anciens Etats de l’Eglise.
Un vote démocratique refusant sa stratégie ne peut ébranler Sa Clémence. En bon idéologue révolutionnaire, il part du principe que l’ordre établi actuel doit être détruit car sans valeur. Ceci est conforme à la stratégie de tous les mouvements qu’Eric Voegelin qualifie de « gnostiques ». Ils se proposent tous de réécrire l’histoire en réinterprétant politiquement la religion traditionnelle, ou l’idéologie, dont ils sont issus.
Ce type de pensée économise à chacun d’avoir à réfléchir car il connaît avant et mieux que quiconque ce qui est bien pour lui. Une telle vision régressive suppose la croyance à l’incapacité des humains à assumer individuellement et politiquement leur existence. Elle les voit comme des assistés profanes ayant besoin d’une poignée de guides capables d’organiser pour eux une société conforme à des rêves métaphysiques, ceci impliquant en retour d’être docile et obéissant.
Il n’y a rien de nouveau sous le soleil : Bienvenue dans la province libanaise du néo-empire perse qui se lève en ce XXI°s, version iranienne des totalitarismes du XX s: Stalinisme, Hitlérisme et Maoïsme.
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