Incontestablement, l’exploit est historique ! Quarante-huit heures ont suffi à Hassan Nasrallah et à ses hordes motorisées pour « libérer » Beyrouth de la mainmise des « sionistes de l’intérieur ». À défaut de s’attaquer à Israël, il s’est offert une escapade à Beyrouth, devenue à ses yeux la capitale relais où se trament tous les complots réels ou imaginaires.
En s’abandonnant avec délectation à sa paranoïa et en lâchant la bride à la haine sectaire, notre glorieux « Résistant » a revêtu son nouvel harnais de milicien et sonné l’hallali pour s’en prendre aux habitants de Beyrouth métamorphosés, par un étrange amalgame avec l’ennemi véritable, en une cible de toutes les exactions.
Dans cette course vers l’abîme, rien n’a été épargné et surtout pas les médias qui lui faisaient la nique. Mais, si la ville a cédé, elle l’a fait presque nonchalamment, comme pour signifier à son envahisseur l’inanité de son exploit et l’aberration de sa folle équipée.
Après la victoire divine, voici le blitzkrieg diabolique ! Pendant des années, Hassan Nasrallah jurait ses grands dieux que jamais il ne tournerait ses armes « vers l’intérieur ». Aujourd’hui, il trouve le moyen de le faire en croyant pouvoir se disculper par un jeu de rhétorique dont le factice le dispute au ridicule.
« Pour défendre nos armes, nous n’hésiterons pas à utiliser les armes », affirma-t-il, amusé par son jeu de mots et sans se rendre compte que la logique circulaire qu’il défend, dévoile pour la première fois la grande imposture sur laquelle reposait le mythe d’une « résistance » immaculée qui rechignait à barboter dans les marécages confessionnels.
La Taqqya n’est plus de mise. Le secrétaire général a enfin osé avouer la fin de sa logique et son choix quasi ontologique, réinventant pour la circonstance sa propre phénoménologie de l’Être et du Néant:
Oyez, oyez, pauvres hères: je vis par les armes et pour les armes. Sans elles, je suis un homme mort. Les armes constituent mon alpha et mon oméga ! Elles sont au commencement de tout et resteront jusqu’à la fin du monde. Gare à celui qui ose y toucher. Mon coupe-coupe est prêt pour sectionner les mains baladeuses !
En faisant de ses armes une fin tout autant qu’un moyen pour museler ses adversaires, Hassan Nasrallah croît pouvoir sortir de l’impasse dans laquelle il s’enlise depuis qu’il a été empêché de guerroyer à sa guise dans le sud du pays. Il lui fallait trouver un exutoire pour son arsenal menacé par la rouille et une occupation à ses miliciens affamés de martyre et qui se trouvaient trop à l’étroit dans les frontières du ghetto dans lequel, grâce à la paranoïa du Hezbollah, ils étaient confinés.
Après avoir étanché leur haine contre un ennemi imaginaire et suscité chez la majorité des Libanais une haine tout aussi irréductible, les néo-miliciens se replient aujourd’hui dans leur ghetto pour célébrer une nouvelle victoire à la Pyrrhus et pour ronger leur frein en attendant un « grand soir » qui ne viendra probablement jamais.