Témoin de l’âge d’or libanais puis de la guerre civile, ce cinéma désaffecté est devenu l’un des points de ralliement de la révolte en cours au Liban.
Deux amoureux s’étreignent. L’un, la tête recouverte d’un drapeau libanais, l’autre, d’un tissu bleu et vert. Une image poétique projetée, parmi d’autres, au cœur de Beyrouth, lors de l’inédite célébration populaire de la fête de l’indépendance, le 22 novembre.
Le mapping vidéo a captivé. Tout un symbole : car l’écran n’était autre que le dôme d’un ancien cinéma, un lieu de mémoire plongé dans les limbes depuis la fin de la guerre (1975-1990). Le temps de la projection, la masse sombre de béton a repris des couleurs.
L’un des espaces de la révolte
Marqué par les impacts d’armes, celui que l’on surnomme « l’Œuf » ou « le Dôme », en raison de sa forme, s’impose aujourd’hui, à Beyrouth, comme l’un des espaces de la révolte populaire qui souffle depuis le 17 octobre. Débats et soirées y ont déjà été organisés. Les planches qui entouraient le terrain ont été détruites et ont cédé la place à une exposition photographique consacrée au soulèvement.
« Pour moi, cet endroit symbolise l’état de déliquescence dans lequel la classe politique a jeté le pays. » Ali, trentenaire.
L’ancien cinéma, qui glisse dans l’obscurité à la nuit tombée, avait accueilli par le passé des expositions ou des fêtes underground. Mais, pour le plus grand nombre, c’est aujourd’hui qu’il se prête aux explorations et à la recréation de liens avec un centre-ville dont beaucoup se sentent dépossédés depuis sa reconstruction, confiée à une société foncière privée, Solidere.
Ali habite à quelques centaines de mètres de l’ancien City Palace, dans le quartier populaire de Khandaq Al-Ghamiq, mais il n’y était jamais entré auparavant. « Je savais juste, par mes parents, qu’avant le conflit c’était un cinéma. Pour moi, cet endroit symbolise l’état de déliquescence dans lequel la classe politique a jeté le pays », confie ce trentenaire.