«Hélas, la Chine ne paiera pas!»

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CHRONIQUE – Si faire payer Pékin n’est pas en notre pouvoir, nous pouvons en revanche réduire drastiquement notre dépendance à l’égard de la Chine.

 

La responsabilité de la Chine est avérée dans la pandémie que nous subissons. Le Covid-19 est une zoonose, c’est-à-dire une maladie où un agent infectieux propre aux animaux parvient à passer à l’homme. Le virus actuel – comme ses prédécesseurs ayant provoqué le sras (syndrome respiratoire aigu sévère, 2003), la grippe aviaire (2004) et la grippe porcine H1N1 (2009) – est né sur un marché traditionnel chinois, où s’entassent animaux domestiques et sauvages vivants dans des conditions d’hygiène répugnantes, avant d’être abattus sur place après leur achat.

Ces marchés sont qualifiés d’«humides», car y coulent quantité de liquides d’origine animale. Or, dès 2010, des médecins chinois, dont Zhong Nanshan (l’un des plus grands pneumologues au monde, héros de la lutte contre le sras et ancien président de l’Association médicale chinoise) avaient publiquement demandé la fermeture de ce genre de marchés, sans recevoir la moindre écoute.

Si la maladie avait été traitée dès qu’elle a surgi,

il n’y aurait pas aujourd’hui de pandémie

Alors que cette maladie très contagieuse est apparue à Wuhan en novembre 2019, le Parti communiste chinois (PCC), faisant passer l’idéologie avant la science, a commis trois forfaits. Il a, le 1er janvier 2020, arrêté les médecins de l’hôpital central qui sonnaient l’alarme. Puis il a déclaré à l’OMS, le 13 janvier 2020, qu’il n’y avait pas de preuve que la maladie était transmissible d’homme à homme. Enfin, il a autorisé, le 18 janvier 2020, que se tienne à Wuhan un banquet patriotique géant de 40.000 personnes. Ces trois semaines perdues dans le combat initial contre le virus pèsent aujourd’hui très lourd. Si la maladie avait été traitée dès qu’elle a surgi, il n’y aurait pas aujourd’hui de pandémie.

Mais, au lieu de reconnaître sa responsabilité, le PCC se livre à une pratique bien connue des psychologues: l’inversion accusatoire, où l’on accuse autrui de ses propres turpitudes. Le 13 mars 2020, Zhao Lijian, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a osé tweeter que «l’armée américaine pourrait avoir apporté l’épidémie à Wuhan», à la faveur de jeux sportifs militaires. De même, dans une série de tweets à proprement parler incroyables, l’ambassade de Chine à Paris a osé se vanter que la Chine gère mieux le Covid-19 car elle a «ce sens de la collectivité et du civisme qui fait défaut aux démocraties occidentales.» C’est le pyromane qui vient donner des leçons de morale aux grands brûlés…

Ce malheur planétaire n’offre-t-il pas une belle occasion

d’introduire en droit le principe d’une « responsabilité internationale » ?

En développant son pharaonique projet commercial de «nouvelles routes de la soie», le président Xi Jinping nous avait promis un scénario gagnant-gagnant. Or, la mondialisation à la chinoise se traduit aujourd’hui par un sinistre d’ampleur mondial parce que le PCC a refusé de prendre en compte des éléments sanitaires et épidémiologiques cruciaux, fort anciens et bien connus.

Il serait donc légitime que la Chine accorde des compensations financières aux États touchés par la pandémie. Ce malheur planétaire n’offre-t-il pas une belle occasion d’introduire en droit le principe d’une «responsabilité internationale»?

De même que les entreprises se sont vues imposer le principe du pollueur-payeur, il ne serait pas anormal que les États doivent aussi payer quand, refusant de tenir compte des alertes qui leur sont prodiguées, ils commettent des erreurs qui aboutissent à des désastres. Le problème est qu’il n’existe aucune institution au monde capable de fixer le montant d’une telle indemnité globale puis de l’imposer à un pays aussi puissant que la Chine.

Payer signifierait pour Pékin reconnaître sa responsabilité.

Or, un tel aveu serait suicidaire pour le PCC, qui cherche à

dissimuler sa mauvaise gestion initiale de la crise à sa propre population

Cependant, aux États-Unis, des sénateurs ont déjà commencé à demander que la Chine «paie les dégâts» provoqués par son impéritie. On imagine aisément quelle pourra être la réponse des diplomates chinois. Ils demanderont des comptes à l’Amérique pour sa catastrophique invasion militaire de l’Irak de mars 2003, alors qu’elle avait été solennellement invitée à y renoncer par un discours à l’Onu du ministre des Affaires étrangères de la France, son plus vieil allié.

La Chine pourrait aussi considérer qu’afin de réparer sa réputation internationale, elle aurait intérêt à proposer le paiement d’une indemnité globale. Hélas, même si c’est moralement regrettable, la Chine ne paiera pas. En effet, payer signifierait pour Pékin reconnaître sa responsabilité. Or, un tel aveu serait suicidaire pour le PCC, qui cherche à dissimuler sa mauvaise gestion initiale de la crise à sa propre population.

Si faire payer Pékin n’est pas en notre pouvoir, nous pouvons en revanche réduire drastiquement notre dépendance à l’égard de la Chine, en relocalisant nos productions stratégiques sur le territoire national et européen, à commencer par celle des médicaments. La relocalisation industrielle est le vrai pari gagnant-gagnant de la décennie. Les Occidentaux y retrouveraient prospérité économique et souveraineté. La Chine, elle, en se recentrant sur son marché intérieur, pourrait mieux s’occuper de sa propre population.

LE FIGARO

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Marue-Anne TOULOUSE-NOUJAIM
Marue-Anne TOULOUSE-NOUJAIM
3 années il y a
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