Comment vivre sans avoir Israël pour ennemi ?

1

La plupart des régimes arabes s’abritent derrière la cause sacrée de la libération de la Palestine pour masquer leurs incapacités et leurs crimes. Autant dire qu’une éventuelle résolution du conflit serait pour eux catastrophique.

J’ai proposé un jour, lors d’un congrès, que la discussion porte sur un sujet imaginaire : à quoi ressemblerait le monde arabe en 2010 si le conflit israélo-arabe rencontrait d’ici là une solution satisfaisante pour les Palestiniens ? L’idée ne souleva pas d’enthousiasme, et pour cause : imaginer une telle situation était quasi impossible. Comment une communauté de pays habituée à vivre depuis soixante-dix ans avec la conviction qu’elle a un ennemi précis et une cause unique à défendre [la cause palestinienne]peut-elle envisager autre chose ?
A dire vrai, je commence à douter que cette région puisse un jour vivre sans avoir un ennemi. Celui-ci s’avère indispensable, ne serait-ce que pour focaliser l’attention et détourner l’opinion publique des affaires locales et régionales. L’ennemi israélien a constamment servi d’exutoire factice pour les régimes arabes et les organisations, tout comme la libération de la Palestine a été l’objectif déclaré, élevé au-dessus de tous les autres. Que de crimes commis dans ces pays au nom d’Israël et de la Palestine ! Une vie civile naufragée, des régimes aux prérogatives élargies, renouvelés dans l’exercice du pouvoir, des droits civiques violés et des guerres déclarées !

L’acharnement des Arabes à cultiver l’hostilité

C’est au nom de la Palestine que Saddam Hussein a envahi le Koweït, que la situation intérieure en Jordanie et au Liban s’est détériorée, que la manifestation pour le pain à Sanaa [1998] a été réprimée, que l’état d’urgence a été maintenu [depuis 1963]en Syrie et que les discours des Etats arabes, du Bahrein au Maghreb, fleurissent d’exhortations enflammées à battre l’ennemi. Toutes les causes arabes se revendiquent de la cause palestinienne, jusqu’aux syndicats professionnels qui, en son nom, ont failli à leur mission ! Comment dès lors imaginer que ces institutions, qui tirent de la lutte contre l’ennemi leur raison d’être, leurs positions, leur pouvoir et leur éthique, soient capables de gérer un avenir dont l’ennemi serait absent ?
Nous avons introduit l’hostilité au cœur de notre vie de sorte que celle-ci est devenue inconcevable sans elle. Nous l’avons érigée en institution à part entière sans laquelle il n’est point de survie – d’autant que l’ennemi est loin d’être fictif, Israël n’étant pas un Etat pacifique. Il occupe la terre d’un autre peuple au vu et au su du monde entier, au mépris du monde entier devrions-nous dire, sans compter qu’il profite lui-même de cet état de guerre entretenu avec les Arabes, qui lui vaut l’unanimité de l’opinion juive mondiale et le soutien de l’Occident.
Qu’Israël tienne à entretenir le mythe de l’ennemi se justifie par la nécessité pour lui de garder les territoires qu’il a spoliés et par son besoin de continuer à bénéficier des 3 milliards de dollars annuels dont le gratifient les Etats-Unis ainsi que du soutien des Juifs du monde entier. Autant d’acquis réels qui le portent à agiter l’épouvantail de l’ennemi alors qu’il lui est tout à fait possible de signer un accord de paix et de restituer les territoires occupés, mettant fin à la crise en un seul jour au lieu de quarante ans.
Ce qui paraît moins compréhensible, en revanche, c’est l’acharnement des Arabes à cultiver l’hostilité alors qu’en réalité, ils n’ont pas combattu pour libérer leur terre ni cherché une paix qui leur permette de la récupérer. Ils ont continué à vivre leur vie en prétendant faire la guerre à l’ennemi. Résultat de cette attitude : des territoires encore occupés, 1 million de personnes dans les camps et 2 millions de désespérés disséminés aux quatre coins du monde. Quarante ans après la défaite arabe de 1967 [guerre des Six-Jours], nous ne comprenons pas la logique de ceux qui refusent la paix et trouvons inadmissible de faire endosser à la “cause” ou à l’“ennemi” la responsabilité de tous nos maux.

Asharq al-Awsat

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
HENRI-JEAN
HENRI-JEAN
16 années il y a

Comment vivre sans avoir Israël pour ennemi ? M. ELRACHED OUVRE DES PORTES OUVERTES CETTE SITUATION ARTIFICIELLE EXISTE POUR L INTERETS DE TOUTES LES PARTIES ET DE TOUTES LES SOUS-PARTIES: CHEF DE GUERRE, TRAFICANT D ARME, DICTATURE PARANO, REGIMES THEOCRATIQUE AVEUGLANT, PRIVILEGES DES HOMMES AU POUVOIR, MENTIENT DU SOUS-DEVELOPPEMENT ET DE LA DEPENDANCE POUR CONTROLER LES RESOURCES ENERGETIQUES. LE MONDE ARABE N’EST QU’UN TERRITOIRE A DIVISER ET LEURRER POUR MIEUX LE CONTENIR, ET L ETAT JUIF N EST QU’UNE LIGION « ROMAINE » QU’ON VEUT BIEN PAYER POUR ACCEPTER DE MAL VIVRE ET CONTROLER LE TERRITOIR PERDU PAR L’EMPIRE OTTOMAN ET QUE… Lire la suite »

Share.

En savoir plus sur Middle East Transparent

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading