Gazprom, Rosneft et Novatek sont dépendants des technologies occidentales pour exploiter les hydrocarbures.
Au fur et à mesure que la guerre en Ukraine se prolonge et que de nouvelles atrocités sont commises, la liste des sanctions occidentales contre la Russie s’allonge. Le secteur des hydrocarbures n’est pas épargné. Mardi, la Commission européenne a proposé de bannir le charbon russe. Mercredi, le président du Conseil européen, Charles Michel, a menacé d’aller plus loin : « Je pense que des mesures sur le pétrole et même le gaz seront nécessaires tôt ou tard. »
En attendant, les sanctions interdisant l’exportation de machines et de savoir-faire occidentaux dans le domaine pétrolier et gazier pourraient avoir des effets majeurs à court, moyen et long termes sur le seul point fort de l’économie russe. Depuis fin février, l’Union européenne a pris deux trains de mesures contre la Russie. Ceux-ci interdisent tout nouvel investissement dans le secteur, sauf s’il vise à exporter des hydrocarbures vers l’Europe. Ils bloquent aussi toute exportation vers le pays de Vladimir Poutine de certaines technologies clés dans ce domaine.
Les États-Unis ont pris des mesures identiques, sans autoriser d’exception.
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Sanctions floues
Les sociétés parapétrolières occidentales s’y conforment. L’allemand Linde, les américains Schlumberger, Halliburton et Baker Hughes ont annoncé ne plus lancer de nouveaux projets et continuer à honorer leurs contrats existants, si ceux-ci ne tombaient pas dans le champ des sanctions. Reste que le terrain est mouvant. « La définition de “nouveau projet” n’est pas limpide, prévient un avocat spécialiste des sanctions. Différentes interprétations sont possibles, notamment sur les projets déjà engagés, mais seulement partiellement financés. »
« Nous remplirons nos activités existantes dans le cadre des lois et sanctions applicables », a précisé Schlumberger le 18 mars. Traduction juridique : avant de remplir leur part du moindre contrat existant avec un client russe, ils se tourneront vers les autorités américaines pour obtenir un feu vert. Les groupes européens devraient engager les mêmes démarches auprès de Bruxelles.
« Si les producteurs russes comme Gazprom ou Rosneft ne bénéficiaient plus de l’assistance technique, des mises à jour logiciel et des pièces de rechange nécessaires à la continuité de leur production, elles rencontreront de graves difficultés dans les six mois à un an suivant », détaille le consultant indépendant Cristi Tataru. « En cas d’impossibilité des parapétroliers occidentaux d’agir en Russie, cela peut devenir très rapidement problématique », appuie Ludovic Leroy, expert et formateur dans le secteur.
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L’enjeu est crucial pour l’économie russe. La plupart des champs gaziers et pétroliers locaux existants, de même que l’essentiel des projets en cours, sont exploités dans le cadre de joint-ventures avec des majors occidentales et font appel à des technologies venues de l’Ouest. Les Russes ne maîtrisent pas la fabrication de certaines têtes de forages pétroliers ou de certaines installations de liquéfaction du gaz. Les sanctions contre la Russie étouffent donc dans l’œuf les nouveaux projets d’hydrocarbure. Or, le pays avait notamment de grandes ambitions dans le développement du GNL en Sibérie. La Russie devait aussi trouver de nouveaux relais de croissance de sa production, les champs existants voyant leur production se réduire.
Ce n’est pas la première fois qu’une guerre déclenchée par le Kremlin saborde les plans de développement dans le secteur. Après l’annexion de la Crimée, en 2014, les Occidentaux ont interdit toute exportation de technologies d’exploration et production pour l’offshore profond en Arctique ou d’exploitation du pétrole et gaz de schiste. Privée de ces technologies exclusivement occidentales, la Russie n’a pu développer aucun projet dans ces domaines depuis lors.