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Marianne s’est procuré un courrier dans lequel un agent réclame au patron d’Airbus Helicopters 6% sur la vente de 30 hélicoptères militaires Caracal ! Une part qui paraît excessive…
Depuis 2014, le groupe aéronautique a décidé de se passer des traditionnels agents locaux dans sa stratégie commerciale pour se conformer aux exigences américaines, mais aussi pour faire des économies. Et pour cause : certains agents sont très gourmands. Marianne s’est procuré un courrier dans lequel un agent réclame à Guillaume Faury, le patron d’Airbus Helicopters, 6% sur la vente de 30 hélicoptères militaires Caracal !
À l’automne 2016, Airbus Helicopters connaissait une situation difficile. À l’époque, la filiale du groupe Airbus devait faire face à l’annulation d’un gros contrat avec la Pologne. Au point que l’entreprise, présente en France, au Bourget, et à Marignane (où travaillent 8.000 salariés), envisageait alors de procéder à de nombreux licenciements. Pour éviter le pire, son président, Guillaume Faury, a fait monter la pression sur ses équipes pour remporter d’autres marchés. Résultat, à Noël, un agent local a réussi à concrétiser un contrat avec le Koweït de 30 hélicoptères militaires Caracal, pour un montant de 1,071 milliard d’euros. Mais malgré cette incontestable réussite, la direction centrale d’Airbus a décidé de ne pas payer cet intermédiaire ! À moins que la direction d’Airbus ait découvert des manœuvres troubles susceptibles de justifier le non paiement de l’agent…
2% ou 6% de commissions ?
Comme nous l’annonçons dans un nouveau dossier d’enquête sur Airbus qui sera publié dans Marianne disponible ce vendredi 15 décembre en kiosques, une bonne partie de ces agents ont décidé de poursuivre le groupe aéronautique pour faire valoir leur droit. Car l’utilisation d’agents locaux est une pratique courante pour les grands groupes qui souhaitent s’implanter dans de nouveaux pays. Elle n’est pas répréhensible tant qu’un véritable travail est effectué dans le cadre des règles de l’OCDE. C’est ainsi que Le Canard Enchaîné de la semaine dernière rapportait que la Cour d’Appel de Toulouse a condamné Airbus à « honorer » la facture émise en octobre 2015 par un intermédiaire, d’un montant de 3,3 millions d’euros, dans le cadre d’un contrat d’assistance à la commercialisation de divers équipements pour 157 millions d’euros, soit un peu plus de 2% de la prestation… Ce qui correspond aujourd’hui aux standards internationaux, selon plusieurs experts contactés.
Mais dans le cas de l’agent koweïtien qui a réussi à conclure un contrat inespéré pour les usines et salariés d’Airbus Helicopters, les prétentions commerciales sont bien plus importantes. Certes, ce professionnel a réussi à débloquer en urgence une campagne de négociation avec le ministre de la Défense du Koweït,qui avait été initié près de six ans plus tôt, en 2011, avec son aide déjà. Certes, il a réussi à gonfler la commande d’une manière notable – à l’époque, Airbus Helicopters espérait vendre seulement 12 hélicoptères Caracal, puis 24 –, en convaincant un autre client local, la garde nationale du Koweït d’acheter des exemplaires supplémentaires de l’hélicoptère de combat. Mais depuis qu’Airbus lui a annoncé qu’il ne serait pas payé sur les commissions qu’il attendait sur le contrat, l’agent réclame aujourd’hui jusqu’à 6% du contrat des 30 hélicoptères d’un montant exact de 1,071,922,800 euros, comme le prouve un courrier datant du 31 mars 2017, dont Marianne s’est procuré une copie, soit la bagatelle somme de 64,315,368 euros.
Feu vert pour un tel accord ?
Selon lui, les parties en question s’étaient mis précédemment d’accord sur un tel pourcentage qui semble pour le moins important. Qu’en est-il réellement ? Le patron d’Airbus Helicopters, Guillaume Faury, avait-il donné son feu vert à un tel accord ? Le PDG du groupe aéronautique, Thomas Enders, et son numéro deux, Fabrice Brégier, destinataires eux aussi du courrier de l’agent koweïtien, ont-ils donné leur visa à une telle opération ? Sur un plan légal, c’est le versement effectif d’une commission qui constitue le fait générateur. En bloquant tout versement auprès de l’agent, qui ne semble pourtant ne pas avoir démérité, la direction de l’avionneur se protège au maximum. Cette politique ultra-prudente, imposée d’une certaine façon par la pression exercée par la justice américaine, explique d’ailleurs que le réseau commercial du groupe européen dans les pays hors OTAN est depuis bientôt trois ans quasiment neutralisé. C’est bien toute la difficulté de mettre en avant l’éthique face aux enjeux commerciaux. 6%, c’est néanmoins « excessif », selon un autre agent qui attend lui aussi d’être payé par l’avionneur. Contacté, Airbus n’a pour l’instant pas souhaité commenter l’information.