L’ÉCLAIRAGE
Il est désormais clair, même aux yeux de plusieurs responsables arabes, que la paralysie politique et la stagnation économique au Liban sont avivées par la forte polarisation de la scène politique libanaise et le profond clivage au sein de la classe politique qui préfère accorder la priorité de son intérêt aux agendas extérieurs plutôt qu’aux projets nationaux ou aux intérêts immédiats des citoyens.
Ces responsables restent convaincus que l’implication du Hezbollah en Syrie est à l’origine de cette crise aiguë et la raison principale derrière la tension qui prévaut dans le pays, générant ainsi un gel des solutions pouvant conduire à une entente entre les différents protagonistes sur la formation d’un gouvernement, plus que jamais souhaitée par les Libanais.
D’ailleurs, la journée de fermeture à laquelle ont appelé les instances économiques il y a deux jours, une première dans le genre, a été considérée comme une sonnette d’alarme, une sorte de mise en garde préconisant l’urgence d’une nouvelle équipe gouvernementale face à la désintégration des institutions et au chaos annoncé auquel se prépare le pays.
Citant un officiel arabe, un ancien ministre rapporte l’étonnement de son interlocuteur qui n’arrive pas à comprendre l’atermoiement de la classe politique en matière de cabinet, alors que les craintes des développements en Syrie n’ont cessé d’augmenter à la lumière notamment de la décision prise par l’Occident de mener des frappes punitives contre le régime, et leurs possibles répercussions sur la scène locale.
L’ancien ministre ajoute que le Liban officiel ne peut accepter la participation à l’exécutif de ministres du Hezbollah puisqu’une telle attitude induirait une reconnaissance par le Liban officiel de la participation des combattants du parti chiite à la guerre en Syrie et, par conséquent, un appui du pays du Cèdre au régime de Bachar el-Assad dans le bras de fer mené contre son peuple. Cela signifierait de toute évidence que le Liban aurait pris une position contredisant la déclaration de Baabda et la politique de distanciation avalisée par ses dirigeants.
Le responsable révèle que les tentatives entreprises ces derniers jours par le chef de l’État, Michel Sleiman, et par le Premier ministre désigné, Tammam Salam, ont abouti à l’acceptation des forces du 14 Mars de prendre part à un gouvernement rassembleur à condition que le Hezbollah ne soit pas représenté par des figures partisanes, mais par des amis ou des alliés du parti. Sauf que ce dernier a exprimé une fin de non-recevoir à cette suggestion, insistant sur le maintien de ses ministres actuels au sein de la nouvelle formation ainsi que sur le principe du tiers de blocage.
Le même ancien ministre cite d’aillleurs à ce propos un autre dirigeant arabe du Golfe, qui estime que « tant que le Hezbollah n’a pas mis fin à son engagement en Syrie, nous ne pouvons pas, en tant que Conseil de coopération du Golfe, accepter qu’il soit représenté au sein d’un gouvernement qui ne pourra plus compter alors sur notre coopération. Dans ce cas de figure, nous continuerons de boycotter le Liban ».
Et l’ancien ministre de confier à ce sujet qu’il soutient, pour sa part, les « règles » édictées par Tammam Salam sur la base de l’équation du triple 8, de manière à ne pas octroyer à quelque partie que ce soit le tiers de blocage et sous condition que la nouvelle équipe adopte la déclaration de Baabda et proclame franchement son attachement à la politique de distanciation.
Quant à la source responsable arabe, elle revient à la charge pour indiquer que « les responsables arabes ne désirent pas boycotter le Liban et voudraient y retourner pour effectuer des investissements et y passer les vacances, sauf si le Hezbollah veut poursuivre sa politique de mainmise sur le pouvoir et sur l’État », ajoute l’ancien ministre, qui laisse entendre que si les circonstances changent, les Arabes retourneront dans ce pays en grand nombre. « Nous aimons le Liban, sauf que nous ne voulons pas devenir des otages dans ce pays, à l’ombre du retour de l’autosécurité dans certaines régions », ajoute le responsable, faisant allusion à la banlieue sud où des diplomates arabes ont récemment été interceptés et leurs véhicules fouillés par des éléments armés, « sans que l’État ne lève le petit doigt ».
À cet égard, un ministre démissionnaire du gouvernement Mikati rapporte que l’Arabie saoudite, par le biais de son ambassadeur au Liban, Ali Assiri, a réitéré son attachement à la paix et à la stabilité du Liban, réaffirmant que son pays ne favorise aucun camp en présence, mais se tient simplement aux côtés de l’État et de la légalité.
Sur le plan des relations irano-saoudiennes, rien ne va plus également, indique le ministre, qui considère que la tension entre les deux pays est à son extrême.
Dans ce climat délétère, une frappe contre la Syrie ne fera donc que compliquer davantage une situation déjà trop complexe. Un avis que partage Tammam Salam, selon le ministre en question, sauf si les parties concernées « prennent leurs responsabilités vu la gravité des dangers et décident enfin d’assouplir leurs conditions ».