Jeffrey White
Bien qu’une action militaire en Syrie comporte des risques, ne pas intervenir face à un régime qui a maintenant pleinement révélé sa nature violente et répressive comporte ses propres dangers.
La question de l’intervention militaire en Syrie va se poser de plus en plus dans les semaines à venir du fait de la poursuite de la violence par le régime, de la fin de l’intervention de l’OTAN en Libye et de la montée d’une opposition armée alimentée par les défections dans les forces du régime. Malgré le poids émotionnel de ces facteurs et d’autres, toute discussion sur l’intervention doit tenir compte des principaux enjeux liés à l’usage de la force militaire : à savoir, la finalité, les moyens et les risques encourus. Il faut des objectifs clairs.
Toute action militaire en Syrie devra avoir des objectifs clairs et réalistes. L’objectif minimal serait de mettre en place des mesures de protection pour la population syrienne, qui court actuellement des risques importants. Un autre objectif pourrait être de donner à l’opposition la possibilité de combattre militairement les forces du régime. A l’heure actuelle, le régime a les mains libres pour agir contre l’opposition. Un objectif plus ambitieux serait de défaire Bashar al-Asad, les forces étrangères intervenant seules ou en coopération avec l’opposition. Quels que soit les objectifs retenus, ils doivent être clairement compris et acceptées par ceux qui participeront à l’intervention.
En outre, les objectifs doivent être raisonnablement atteignables avec les forces disponibles et dans un délai politiquement viable (des semaines ou des mois, mais pas des années). Ils doivent également être fondés sur les intérêts du peuple syrien, et pas seulement ni même principalement sur les besoins des parties intervenantes. L’absence d’objectifs clairs, réalisables, et légitimes avant l’intervention pourrait conduire à une opposition politique et publique, enlisement, des défections dans le camp des intervenants, et une indécision face aux revers et aux crises.
Evaluer les capacités
Une décision d’intervention doit également reposer sur une compréhension claire de la force et résistance du régime. Sur la base de ce qu’il a montré jusqu’à présent, le gouvernement semble capable d’une lutte prolongée.
La capacité de l’opposition à maintenir une longue lutte doit aussi être évaluée. Les opposants d’Assad seront-ils capable d’endurer une violence susceptible de devenir encore plus forte? Peuvent-ils développer une véritable composante armée et profiter d’une assistance militaire externe? L’opposition libyenne a démontré toutes ces capacités et d’ailleurs presque dès le début de la révolution ; en Syrie, la situation est beaucoup moins claire.
Définir les moyens
Il y a différents moyens de parvenir aux objectifs retenus quels qu’ils soient. Afin de protéger la population, par exemple, les intervenants pourraient établir des « zones de sécurité » aux frontières de la Syrie. Ils pourraient également créer un sanctuaire à l’intérieur de la Syrie, bien que cette option permettrait de protéger un nombre limité de personnes déplacées ou à risque – l’opposition largement répartie, ne contrôlant aucun territoire important. La situation est très différente de celle de la Libye, où de larges enclaves rebelles constituées au début du conflit et pour la plupart maintenues pendant toute la guerre, se sont avérées cruciales dans l’issue du conflit.
Les forces de la résistance syrienne sont aujourd’hui assez modestes, mais elles semblent avoir au moins une certaine capacité à se développer. Pour leur permettre de mieux combattre le régime, les nations intervenant pourraient fournir une aide militaire indirecte sous la forme d’armes, d’entraînements et de conseils. Au lieu de se trouver face à des civils non armés qui peuvent être tués en toute impunité, les forces Assad verraient ainsi augmenter les perspectives d’affrontements avec des opposants armés. Cette option entraînerait un accroissement des dépenses militaires pour le régime, une déstabilisation psychologique de ses forces, et potentiellement l’accélération du taux de défection.
En outre, des zones interdites au survol aérien, à la traversée de véhicules et aux tirs d’armes pourraient être imposées en Syrie pour limiter les opérations militaires du régime. Comme en Libye, cela limiterait la capacité d’Assad à mener des opérations offensives contre la population.
Intervenir pour renverser le régime serait l’attitude la plus ambitieuse et complexe. En Libye, les opérations de l’OTAN destinées à protéger la population ont finalement facilité la chute du régime ; les opérations de protection en Syrie pourraient avoir un effet similaire.
La mise en oeuvre de l’une ou l’autre de ces alternatives requiert l’engagement de ressources. La configuration des forces dépend de l’option retenue. Des ressources limitées peuvent suffire si l’intervention se limite à fournir une assistance militaire ; des ressources beaucoup plus importantes seraient nécessaires pour contrer les actions militaires du régime ou viser un changement de régime.
Évaluation des risques
Une intervention est par nature risquée. Dans le cas de la Syrie, les risques potentiels incluent des pertes parmi les forces d’intervention et dans la population syrienne, une possible évolution en guerre civile ou conflit avec les Etats voisins, et la perspective pour les nations intervenant de devenir responsables de l’évolution du conflit et de son issue.
Cependant, ne pas intervenir comporte ses propres risques. La violence contre la population est susceptible de s’accroître, comme cela s’est produit en Libye avant l’intervention. Le régime pourrait riposter à la fois à l’intérieur et à l’extérieur s’il se sent menacé par la pression interne. Et la situation actuelle pourrait devenir une guerre d’usure sans durée ni issue claires. Le pire scénario serait que le régime gagne par l’écrasement de l’opposition.
Le processus d’intervention
Le cas de la Libye a démontré que l’intervention ne suit pas un cours simple et linéaire. Divers facteurs la conduisent, parfois dans des directions imprévisibles. L’attitude du régime évolue face à la pression interne et externe, et la mission d’intervention elle-même pourrait évoluer avant qu’elle ne soit terminée. Une action militaire externe, même limitée, pourrait encourager les rebelles armés et leur permettre d’intensifier les attaques contre les forces du régime, favorisant ainsi plus de défections. Et l’usure viendra, certainement pour le régime et les rebelles, et potentiellement pour les forces d’intervention. Alors qu’en Libye l’OTAN n’a pas subi d’effusion de sang, l’intervention en Syrie pourrait être différente.
En bref, l’intervention ne se passera pas exactement comme prévu. Les nombreux processus impliqués entraîneront nécessairement des contingences qui défieront les parties intervenantes. Le régime pourrait menacer de représailles, que ce soit contre la population, contre les forces d’intervention, ou même dans leurs pays d’origine. Le conflit peut dégénérer à la fois en Syrie et à l’extérieur. Par exemple, Damas a déjà menacé de frapper Israël s’il était attaqué de l’extérieur. Même la dynamique normale des opérations militaires – y compris les combats, les poursuites, et l’erreur humaine – pourrait conduire les événements dans des directions imprévues.
Leçons de prudence tirées de la Libye
Le cas libyen montre qu’une intervention militaire limitée peut protéger la population et contribuer à faire tomber un régime intolérable. Elle montre aussi que les risques liés à une telle action peuvent être maintenus à un niveau acceptable, au moins dans certaines circonstances.
Toutefois, la Libye offre également quelques leçons négatives. Une intervention limitée signifie une influence limitée sur le terrain et sur le résultat. Du début à la fin, l’opposition libyenne a eu au moins autant d’effet sur le cours des choses que l’intervention de l’OTAN.
En outre, le cas libyen peut laisser penser que toute intervention en Syrie pourrait se prolonger. Un régime enraciné est un adversaire redoutable : les forces de Mouammar Kadhafi ont riposté avec une certaine habileté et une détermination réelle, endurant sept mois d’opérations de l’OTAN et la lutte de plus en plus efficace des rebelles avant de succomber. De toutes évidences, la Syrie ne sera pas plus facile.
Le cas Libyen permet également de rappeler que l’opposition syrienne est complexe et peut se révéler difficile à gérer. Sa composition, ses motivations, ses intentions et capacités ne seront jamais totalement claires et, en fait, sont susceptibles de changer au cours de l’intervention.
Conclusion
La situation en Syrie continuera d’évoluer avec ou sans intervention militaire extérieure, et ceux qui envisagent une action devraient être prêts à faire face aux incertitudes qui s’en suivront. Les effets des sanctions, la cohésion du régime, et la nature et résistance de l’opposition sont des questions qui ne pourront être résolues qu’au cours du temps. Et forcément, la question se posera de savoir comment, pourquoi et dans quelles conditions soutenir l’opposition armée ou non. Cependant, attendre d’avoir plus de visibilité pour décider d’intervenir peut conduire à la paralysie.
Incontestablement, une intervention militaire en Syrie, quelque soit son degré, serait compliquée et laborieuse et impliquerait des risques. Mais ne pas intervenir face à un régime qui a pleinement révélé sa nature violente et répressive comporte ses propres dangers, et, probablement, des conséquences négatives. Quoi qu’il en soit, les Etats-Unis et ses alliés devraient maintenant commencer à discuter de la question publiquement – un débat sérieux serait un signal important pour le régime.
Jeffrey White est un expert en affaires militaires et en questions de sécurité au Washington Institute
Conséquences d’une intervention militaire en Syrie
oui je suis avec intervention militaire
il ya des des humains qui se tue tout les jours
en plus de ca un dictateur ne respecte rien ni religion ni onu et puis conseil securite