Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a adressé une lettre à Nicolas Sarkozy, qui l’a reçue lundi 12 novembre. Contacté par Le Monde, le porte-parole de l’Elysée, David Martinon, a confirmé, vendredi 16 novembre, l’existence de cette missive, ajoutant que le texte ne fait que « réitérer la position connue de l’Iran » sur le dossier nucléaire.
Le ton de la lettre serait cependant, selon des sources diplomatiques, « acrimonieux », avec des « menaces voilées ». M. Sarkozy y est qualifié de dirigeant « jeune et inexpérimenté », auquel M. Ahmadinejad se propose de prodiguer des conseils. La France et l’Iran, dit en substance le président iranien, ont des « relations historiques » et des « intérêts communs », notamment au Liban. Il serait dommage, commente M. Ahmadinejad, de les réduire à néant.
Le président iranien réagit par ailleurs vivement à la proposition française de faire adopter des sanctions contre l’Iran au niveau de l’Union européenne, en dehors du processus des Nations unies. Cette approche, commente M. Ahmadinejad, est vouée à l’échec car ni l’Allemagne, ni l’Italie ne suivraient.
Les relations entre Paris et Téhéran se sont tendues depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, qui a durci la ligne diplomatique française, se rapprochant de la position américaine sur la question des sanctions financières pouvant être imposées à la République islamique.
Après une phase de contacts intensifs – voyages à Téhéran de l’émissaire Jean-Claude Cousseran, entretien à Paris en juin entre le ministre français des affaires étrangères Bernard Kouchner et le négociateur iranien sur le nucléaire de l’époque Ali Larijani –, les relations entre les deux pays ont connu un net refroidissement.
Fin août, le président Nicolas Sarkozy parlait d’une « alternative catastrophique : la bombe iranienne, ou le bombardement de l’Iran ». Mi-septembre, Bernard Kouchner évoquait la possibilité d' »une guerre » puis, début octobre, appelait ses homologues européens à répondre au « défi nucléaire » de Téhéran. « Nous ne pouvons pas attendre sans réagir face au fait accompli iranien. Il en va de notre responsabilité », avait souligné M.Kouchner, proposant de renforcer les pressions européennes sur l’Iran.
Les responsables français avaient ensuite donné des consignes au groupe Total et à d’autres firmes de geler tout nouvel investissement en Iran, dans le but d’accroître la pression sur le régime.
« NOUVELLE LITTÉRATURE POLITIQUE »
Le rapprochement entre la France et les Etats-Unis sur la question nucléaire iranienne semble avoir privé les dirigeants iraniens du sentiment qu’ils pouvaient jouer, en Europe, la « carte française », ainsi qu’ils avaient tenté de le faire dans les huit derniers mois de la présidence de Jacques Chirac.
Le 3 octobre, la République islamique convoquait le chargé d’affaires français à Téhéran, Jean Greblin, pour protester contre les déclarations de M. Kouchner. Deux semaines plus tard, le ministre iranien des affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, prenait lui aussi la plume pour exposer une série de reproches adressés par son pays à la France. M.Mottaki réaffirmait aussi que l’Iran ne renoncerait pas à ses ambitions nucléaires et que toutes « sanctions unilatérales supplémentaires » européennes seraient vouées à l’échec.
L’exercice épistolaire est devenu un classique de la diplomatie iranienne. En mai 2006, le président américain, George Bush, avait reçu une lettre de dix-huit pages de Mahmoud Ahmadinejad. Son contenu, qualifié par la Maison Blanche de « vaste vision historique et philosophique », avait été rendu public.
S’expliquant sur les objectifs de cette missive, le président iranien avait ensuite déclaré que celle-ci était destinée à « jeter les bases d’une nouvelle littérature politique ».
En juillet de la même année, c’était au tour de la chancelière allemande, Angela Merkel, de recevoir du courrier. « Ensemble, lui écrivait M.Ahmadinejad, nous devons mettre un terme aux incohérences qui apparaissent dans les relations internationales et qui sont basées sur les diktats des vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale sur les nations vaincues. »
Cécile Hennion et Natalie Nougayrède
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