41 ans après le 13 avril 1975, nous vivons toujours dans la crainte d’une reprise de la guerre, avec un État qui ne parvient même plus à assurer la continuité de ses institutions, une économie fragilisée par la crise avec les pays du Golfe et les mesures financières adoptées contre le Hezbollah, un chômage en progression et une crise sociale qui s’aggrave de jour en jour.
41 ans après le 13 avril 1975, les partis communautaires qui ont mené la guerre sont toujours au pouvoir, paralysant l’action de l’État qui s’est retrouvé, à cause de la corruption et du clientélisme pratiqués au nom de la « défense des droits communautaires », incapable d’assurer les besoins les plus élémentaires de sa société comme en témoigne la crise des déchets.
41 ans après le 13 avril 1975, la culture de la violence et de l’exclusion qui repose sur l’opposition entre « eux » et « nous » est toujours dominante. Elle génère une violence qui menace désormais l’ensemble de la région et commence à s’étendre à l’Europe et à l’Afrique.
Pour tourner la page de ces 41 années de guerres chaudes et froides, la bataille à mener est culturelle avant que d’être politique. Nous ne pourrons faire face à la culture de la violence et de l’exclusion qui est aujourd’hui largement dominante que si nous lui opposons une autre culture, une culture de la paix et du vivre-ensemble.
Il nous faut pour cela sortir de nos ghettos communautaires jalousement gardés par les partis de la guerre, refonder notre vivre-ensemble aux conditions de l’État, et non plus aux conditions de nos différentes communautés, et jeter les bases d’un État civil où la loi qui est l’expression de la volonté générale est la même pour tous, où la justice est indépendante du pouvoir politique, où le citoyen peut choisir de n’être plus régi par un statut personnel religieux, mais civil, où la religion n’est pas instrumentalisée à des fins politiques, où la femme n’est plus victime de mesures discriminatoires…
Ce changement ne peut pas être l’œuvre de la classe politique empêtrée dans ses luttes pour le pouvoir. Il ne peut être initié que par les forces nouvelles qui commencent à émerger au niveau de la société civile et qui, contrairement aux partis traditionnels, fonctionnent sur un mode horizontal et décentralisé qui permet une meilleure expression du ras-le-bol d’une large frange de la population.
Les cartes politiques dont elles disposent sont importantes, à commencer par l’accord de Taëf qui, s’il avait été mis en application, aurait mis fin à la communautarisation de la vie politique et ouvert la voie à l’établissement d’un État civil, et la résolution 1701 des Nations unies qui prévoit la reprise par l’État du monopole de la force qu’il avait perdu avec l’accord du Caire en 1969.
Reste pour ces forces de la société civile à réfléchir à de nouvelles formes d’action nécessairement non violentes, basées sur des valeurs qui relèvent de la relation à l’autre, comme la solidarité, l’entraide, l’empathie…
Le vivre-ensemble est devenu aujourd’hui une condition à notre survie. « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. »
41 ans après le 13 avril 1975, cette phrase de Martin Luther King que j’ai souvent citée demeure d’une actualité brûlante.