Tunis, Mardi 19 janvier 2011: Situation au matin (correspondence)

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Chers tous, la nuit du lundi au mardi était calme à Tunis, nous sommes encore sous le régime du couvre qui est devenu désormais de 18h à 5h30 du matin, les comités de vigilance et de protection des quartiers sont encore là dans les quartiers, mais l’ambiance est beaucoup moins tendues que les nuits précédentes. Peu d’alertes, dans notre quartier à un aucun moment les responsables des équipes n’ont lancé des sifflets ou des cris pour signaler l’arrivée de voitures ou le passage de personnes étrangères au quartier. Je peux vous assurer que n’avons entendu aucun tir, les hélicoptères qui n’avaient cessé de survoler, la nuit précédente, le tronçon de l’auto route périphérique Tunis-Bizerte qui longe notre quartier, ne sont fait montrer à aucun moment. Malgré ce calme nous avons veillé jusqu’à 4h30 du matin et nous laissé quelques voisins pour continuer la garde jusqu’à 5h30 du matin et retirer les barricades.

Mais le plus important à vous signaler c’est que les discussions interrompues par la distribution de thé, de café, de douces pâtisseries tunisiennes autour de feux de charbon, tournaient sur des sujets politiques et avant tout autour du gouvernement d’unité nationale annoncé au cours de l’après midi du lundi lors d’une conférence de presse tenue par le premier ministre Ghannouchi.

La tâche primordiale est que le pays revienne à la normale, c’est un gouvernement de transition qui doit nous amener pour les première vraies élections dans l’histoire du pays qui seront confiée à une commission indépendante et plus jamais par le ministère de l’intérieur comme c’était le cas depuis l’indépendance de la Tunisie en 1956 , elles se feront pour la première fois en présence d’observateurs internationaux. Les partis non reconnus (essentiellement l’extrême gauche POCT et les intégristes de la Nahdha) qui n’ont pas été associés au gouvernement de transition vont pouvoir se constituer en partis légaux et se présenter aux élections, une des tâches du gt de transition est de préparer un projet de loi d’amnistie générale.

Malheureusement, sans vouloir les juger, certain de ces partis font de la surenchère en ce moment, ils montent la vague de contestation très porteuse conte le RCD, ils veulent éliminer ce parti, dès à présent, par une décision comme l’a fait Brimer pour le Baath, non, non, l’expérience de l’Irak est édifiante, le sort du RCD sera connu à suite du vote populaire démocratique c’est par le vote que notre peuple saura exprimer son avis sur ce parti. Mais je dois vous confirmer que déjà il n’est plus parti au pouvoir, dans la conférence de presse il a été bien dit et répété par le premier ministre, déjà il n’a plus ses cellules dans les entreprises (les cellules professionnelles qui terrorisaient les ouvriers et les fonctionnaires) et qui faisaient un travail de sape par rapport aux sections syndicales de l’UGTT (c’est l’UGTT qui a exigé et obtenu cette revendication). Il ne faut pas oublier que la grande centrale syndicale UGTT soutient le gt de transition (3 ministres, l’économiste Abdejlil Bedoui, Le doyen Houssine Dimassi et l’ancien secrétaire du syndicat de l’enseignement sup qui a guidé notre grève administrative de 2005 Anouar Ben Gaddour) et trois partis démocratiques ( de la mouvance centre gauche progressiste et moderniste sont représentés dans ce gouvernement , chacun, par son premier responsable), il y a également des ministres indépendants et crédibles on peut citer Taieb Baccouche universitaire et ancien SG de l’UGTT en 1981-1982 et actuel président de l’Institut arabe des droits de l’Homme, 3 femmes sont au gouvernement: Moufida Tlatli la réalisatrice du film les silences du palais (Ministre de la culture), Lilia Labidi, psychologue et grande figure du féminisme (universitaire, au poste de Ministre de la femme), Faouzia Charfi, universitaire physicienne et veuve du grand Mohamed Charfi, elle est secrétaire d’Etat à la recherche toutes les garanties sont là pour rassurer les inquiets, ce sont des gages degaranties pour ceux qui ont des doutes,. Je ne veux lancer la pierre à quiconque, c’est compréhensible de leur part parce que dans notre pays le mensonge était de mise sous le régime autoritaire, mais être vigilant ne doit pas être une raison pour mettre en doute un processus qui s’est donné toutes les chances de succès. Il faut montrer les garanties de réussite et non insister sur la fait que certains ministres avaient appartenu à l’ancien régime, encore une fois c’est un gouvernement de convergence nationale qui va assurer le passage vers la démocratie, il n’est pas la fin, il est le début d’un processus très complexe et comportant des risques, je n’ai aucun doute, comme moi vous êtes courant des interférences du faux voisin Kadafi qui de tout temps à financer tous les contestataires du monde entier et aujourd’hui il condamne notre jeunesse qui a osé défié Ben Ali, Il voulait ben Ali comme président à vie, mabrouk pour lui, il peut le nommer pour la Libye pour concentrer lui à gouverner l’Afrique.

Chers amis, la solution trouvée en Tunisie est constitutionnelle et non un coup d’Etat, elle peut ne pas apparaître radicale pour certains, cependant, elle permet la continuité de l’Etat et de ses services et évite le chaos. Même, si je suis discret, beaucoup de mes amis connaissent bien que de ma vie je n’ai jamais appartenu au parti destour (devenu ensuite RCD) à l’âge de 19 ans j’ai adhéré au parti communiste (encore clandestin à l’époque) devenu depuis 1994 parti Tajdid (gauche démocratique) mais j’ai toujours respecté les autres opinions et leurs apports même si j’ai subi leur exclusion et leur autoritarisme. Le Destour (RCD) c’est un parti qui a dirigé la lutte nationale, c’est un parti de combat nationaliste, il a dirigé et modernisé le pays depuis l’indépendance dans le cadre d’un système autoritaire, certes, depuis sa prise du pouvoir beaucoup d’opportunistes s’y sont greffés, Ben Ali a utilisé la grande machine de ce parti pour faire perdurer son pouvoir, des mafieux sont devenus des responsables de ce parti et de son comité central : les derniers dates sont les trabelsi et les matéri, mais de tout temps j’ai su distinguer les vrais, des faux. Les mafieux ne sont plus là, ils sont partis avec l’argent du peuple, il faut laisser aux électeurs en juger, à travers des élections libres et non par des décisions inquisitoires de l’avenir du parti et de sa place dans l’échiquier politique tunisien. C’est vrai que beaucoup de ses responsables locaux, régionaux et nationaux sont corrompus et ont été des supplétifs de la police politique dans les régions et dans les quartiers et dans l’administration etc… mais attention de jeter l’anathème sur l’ensemble (2 millions et demi de membres officiellement) on risque de créer ainsi une situation à l’irakienne, beaucoup de braves gens dans tous les milieux et dans toutes les professions ont adhéré à ce parti par convenance ou pour pouvoir travailler et « grimper » dans des postes sans être inquiété, mais depuis hier le RCD n’est plus le parti au pouvoir mais c’est un parti comme les autres, chers amis vous allez voir, une fois la peur s’éloigne et la confiance revenir, une fois que gens prennent confiance en eux, d’autres réalités vont surgir, ils quitteront d’eux même ce parti, il aura sa vraie place, pourquoi voulez vous les donner sur un plateau aux intégristes, ou bien les voir utiliser l’argent qu’ils ont pour constituer des milices et s’allier à la police politique de ben Ali pour faire avorter la révolution des jasmins, la révolution qui a installé le printemps en plein hiver 2011.

Il est hors de question pour moi d’exclure personne de ce processus, car, étant moi-même exclu depuis 35 ans, j’ai bien appris à éviter une telle démarche, ce que j’ai voulu dire que le processus actuel permet d’associer tout le monde, la première tâche de gt est de préparer une loi d’amnistie générale tant réclamée en Tunisie, elle va rendre, leurs droits à tous les réprimés de gauche comme de droite, ils pourront former d’une manière légale leur partis politique se référent à des idéologies de gauche comme à celle religieuses, Mais bien entendu j’ai mes choix et mes préférences, je milite pour donner la chance à la convergence des forces du progrès, de la démocratie et de la modernité en un grand rassemblement politique défendant les acquis de la Tunisie, car dans la douleur et la souffrance sous le despotisme des acquis ont été bien crées: les institutions de l’Etat moderne, une administration efficace, des infrastructures, l’éducation, les droits de la femme etc…

Depuis avant hier la Ligue Tunisienne des droits d l’Homme (la première d’Afrique et du Monde arabe, un véritable patrimoine national en matière de lutte pour les droits humains) a repris ses activités, ses locaux fermés depuis 05 ans ont été ouvert, elle est autorisé à organiser au plus vite son congrès. L’association légitime des magistrats (qui comprend dans son bureau national quatre vaillantes femmes magistrates qui été éloignées de Tunis dans les quatre coins du pays, loin de leur mari et enfants : Kalthoum Kennou à Tozeur, Wassila Kaabi à Gabès, Raoudha Karafi à Siliana etc.. ) par le pouvoir de Ben Ali) a repris ses activités dimanche et a tenue sa première réunion au palais de la justice de Tunis après 5 ans d’interdiction.

Mes étudiants, dont deux d’entre eux ont préparés sous ma direction des mémoires de maîtrise sur l’histoire des juifs de Tunisie ont été libérés hier après passé plus d’une année et demi dans les prisons parce qu’ils ont organisé une grève.

A côté de la composition du gouvernement; dans la même conférence de presse on a annoncé la création de 3 commissions d’enquêtes (anti-corruption), (sur les tueries organisées de notre jeunesse) et une commission pour les réformes politiques ont été annoncées hier, elles sont présidées respectivement par Taoufik Bouderbala (ancien président de la ligue des droits de l’Homme), par Abdelfattah Amor (ancien doyen de la fac de droit) et la dernière par Yadh Ebn Achour, tous ils sont intègres, respectés et je peux vous garantir s’ils vont voir qu’on va s’ingérer dans leurs activités ils seront les premiers à démissionner, les élections seront organisées par une commission électorale et non par le ministère de l’intérieur, elles se dérouleront sous contrôle international, je vois l’avenir de notre chère Tunisie à traves ces hommes et femmes qui sont aujourd’hui membres du gt, j’en conviens qu’ils sont aux de ministres ayant travaillé avec ben Ali, oui, dans toute transition il y a des éléments du passé, la révolution française n’a tué le roi que 4 ans après 1789….

J’arrête ma rédaction je viens d’apprendre que l’UGTT s’est retiré du gt et que son SG va tenir une conférence de presse à 15h, c’est très grave, ça doit être sous la pression de certaines fédérations, il a peur pour sa place, j’arrête pour recueillir d’autres informations, je peux vous garantir que les trois partis d’opposition et les ministres indépendants sont toujours au gouvernement d’union.

Il est midi 15 mn

Je reviendrais vers vous.

Habib Kazdaghli

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ضيف
ضيف
13 années il y a

Tunis, Mardi 19 janvier 2011: Situation au matin (correspondence)

lila — lol.lila@hotmail.fr

Je fait un exposé sur Tunis … je sais pas quoi mettre AIDER MOI ! 🙂

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