Dans un communiqué diffusé dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 septembre, la Coalition Nationale des Forces de la Révolution et de l’Opposition Syrienne a laissé percer sa déception. Elle espérait que Français et Américains, pour sanctionner le recours de Bachar Al Assad et de son régime à des armes chimiques contre sa population, allaient mener des frappes sur des cibles militaires et sécuritaires clairement identifiées. Elle attendait de cette intervention militaire limitée qu’elle soit porteuse d’un message politique dépourvu d’ambigüité pour le régime syrien. Elle souhaitait enfin que, traduisant une nouvelle résolution d’une partie des Amis du Peuple Syrien, elle soit immédiatement accompagnée d’un « renforcement de la résistance démocratique en Syrie ».
Comme un rapport signé de Bassma Kodmani et Félix Legrand vient opportunément de le rappeler à ses détracteurs, cette résistance démocratique existe. Certes, elle souffre d’un manque de moyens, mais elle est présente sur le terrain en Syrie. Elle attire un nombre important de combattants civils et militaires. Enfin, soutenue avec sérieux par ceux qui prétendent la favoriser, elle sera en mesure à la fois de résister aux forces du régime et de concurrencer les groupes jihadistes armés, porteurs de projets dans lesquels la majorité des Syriens ne se reconnaissent pas.
La déception de la Coalition Nationale est compréhensible. Elle sait en effet, comme tous les observateurs et analystes, que la proposition russe – qui est peut-être américaine… mais il ne faut pas le dire – ne résoudra rien sur le fond. Elle ne fait que reporter à plus tard les véritables échéances : la fin des massacres de civils et la recherche d’une solution négociée. Elle sait par ailleurs que, comme il l’a toujours fait dans des circonstances analogues, le régime ne manquera pas de jouer la montre, de gagner du temps, d’égarer les recherches, de supprimer les témoins, d’intimider ou de corrompre les inspecteurs…
Elle craint que les Russes et les Chinois ne livrent au Conseil de Sécurité une bataille procédurale qui aboutira, non seulement à vider le texte de sa substance et de toute sanction automatique (recours au chapitre VII) en cas de non-respect par la Syrie de ses obligations, mais également à laisser à leur protégé le temps de s’organiser et de dissimuler certaines quantités de gaz ou de précurseurs. Il pourra alors s’en servir plus tard, la pression actuelle retombée, soit pour afficher sa « résistance et son obstruction » et tester la réalité de la volonté internationale, soit pour imputer ces attaques contre les populations à des groupes rebelles. Il démontrerait ainsi que ses adversaires détiennent de tels produits et il rendrait crédible la thèse de leur utilisation à diverses reprises… y compris le 21 août, comme vient de le soutenir le faux-vrai converti de Damas.
Elle estime inamissible que Bachar Al Assad, qu’il ait été le donneur d’ordre dans l’attaque du 21 août – il le nie, mais qui le croit encore…? – ou qu’il ne soit que le responsable in fine de l’usage des armes illégales détenues par son armée, échappe à la sanction de son crime. Depuis quand, fait observer la Coalition Nationale, « les auteurs de crimes de guerre peuvent-ils être disculpés et les crimes contre l’Humanité peuvent-ils être effacés en offrant des concessions politiques ou en remettant l’instrument avec lequel ces crimes ont été commis » ? L’une des grandes consciences de la révolution, le penseur Yasin Al Haj Saleh, qui vit dans la clandestinité en Syrie depuis plus de deux ans, partage cette conviction.
Elle sait par ailleurs que, quand la résolution sera adoptée et les inspecteurs arrivés en Syrie, aucun pas n’aura été fait, ni sur la voie d’un processus politique, ni sur la question, prioritaire, de la protection des populations. Quel bénéfice retireront les Syriens d’une situation qui laissera la possibilité à Bachar Al Assad d’utiliser toutes ses autres armes, dont certaines internationalement prohibées. Désormais protégé par la présence sur son sol d’observateurs et d’experts étrangers, qui feront à l’occasion autant d’otages, il pourra continuer à bombarder les villes et les villages « libérés » à l’aide de ses avions, de ses hélicoptères et de ses SCUD. Il pourra continuer à arroser les populations de bombes et de tonneaux de TNT. Il pourra continuer à faire régner la terreur là où ses troupes et son administration sont désormais totalement absents. Il pourra poursuivre son œuvre de destruction des quartiers et des infrastructures jusqu’ici protégés…
Elle maintient donc son appel et elle exige, contre le régime en place, une « riposte internationale appropriée ». Elle a peu de chances d’être entendue. Elle risque de devoir se satisfaire du renforcement des capacités de l’Armée Syrienne Libre, qui, en accompagnant les frappes, était censé contribuer à modifier le rapport des forces sur le terrain et à « faciliter » l’amorce d’un processus politique…
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