Après six mois de révolte contre le régime de Bashar al-Assad, un dangereux statu quo se profile. Soutenu par l’armée et l’appareil sécuritaire, le pouvoir campe sur le «tout répressif», mais, de son côté, la rue – en tout cas une majorité d’entre elle – écarte tout compromis avec Assad, et reste déterminée à poursuivre la lutte. Comment sortir de l’impasse ? Voici les trois scénarios que j’envisage à l’issue de ma récente visite en Syrie.
Le pouvoir réussit à mater la révolte. Affaiblie par une répression sanglante, qui a fait plus de 2.200 morts selon l’ONU, les jeunes manifestants s’essoufflent, tandis que le plan de sortie de crise de la Ligue arabe échoue. Les «révolutionnaires» prêts à ouvrir des «contacts sérieux» avec le régime sont dépassés. Les cadres de la révolte sont arrêtés, les uns après les autres. Les villes rebelles sont assiégées par l’armée, leurs habitants doivent renoncer à protester. Mais la fronde ne s’arrête pas pour autant. L’affrontement bascule dans la guérilla. Poussés par des groupes islamistes, de plus en plus présents sur le terrain, des opposants prennent les armes et se lancent dans des actions de sabotage contre les symboles du pouvoir, voire des attentats contre ceux-ci. Redouté par certains cadres de la révolte, c’est le scénario que recherche le pouvoir. Il lui permettrait enfin de discréditer une rébellion armée, qui n’aurait plus d’autres options que de se lancer dans des actions de subversion contre l’État. C’est aussi le pire des scénarios : aggravant les fractures au sein de la société entre pro et anti régime, il risquerait de déboucher sur une mini-guerre civile.
Une intervention étrangère pour sauver la révolution. Face à l’aggravation de la situation humanitaire, la communauté internationale surmonte ses divisions et vote une résolution protégeant les civils syriens, comme elle le fit en Libye. Le Conseil national de transition syrien, qui se met laborieusement en place, est reconnu comme l’interlocuteur des Occidentaux. Ces derniers, misant notamment sur la Turquie, mettent en place une zone de protection, où les manifestants se replieraient face à l’armada syrienne, soit vers Idlib non loin de la Turquie, soit près de Der Ezzor à la frontière irakienne. La mise en place de ce scénario est délicate. Mais il vise surtout à encourager des membres de la communauté alaouite, qui trustent les postes de commandement dans l’armée ou l’appareil sécuritaire, à passer à l’action pour éviter des règlements de comptes dont les Alaouites seraient victimes de la part de la majorité sunnite, si celle-ci parvenait à prendre le pouvoir.
Un coup d’État écarte la famille Assad. C’est le scénario souhaité par les manifestants. Refusant de se suicider pour sauver la famille Assad, des généraux alaouites parviennent à neutraliser le clan Assad et à prendre le pouvoir. Ce faisant, ils évitent à leur communauté d’être massacrée par les Frères musulmans, ressortis de la clandestinité, et épargnent au pays un chaos comme l’Irak en a connu un, après la chute de Saddam Hussein en 2003. Le nouveau pouvoir s’engage alors dans un dialogue avec l’opposition en vue de changer la Constitution et d’organiser de nouvelles élections présidentielles et législatives. Exception faite de l’appareil sécuritaire – des services de renseignements en particulier – l’ossature de l’État est préservée. Aujourd’hui, la faisabilité d’un tel scénario est faible : même inquiète sur son avenir, la communauté alaouite n’est pas encore prête à franchir le Rubicon, et après l’éviction du ministre de la Défense Ali Habib en juillet, jugé trop proche des Turcs par Assad, l’état-major paraît loyal au pouvoir.
Conclusion : la violence et l’instabilité devraient se poursuivre encore de longs mois.
http://blog.lefigaro.fr/malbrunot/2011/09/syrie-les-scenarios-de-sortie.html