L’ÉCLAIRAGE
Retour à la case départ dans les pourparlers autour du gouvernement. Subitement, toutes les formules concoctées et proposées par le président de la Chambre, Nabih Berry, et le chef du PSP, Walid Joumblatt, sont tombées, que ce soit la rotation, la formule des 8-8-8 ou même la version diplomatiquement édulcorée de la déclaration ministérielle.
À l’origine de ce nouveau blocage, l’absence d’un consensus régional autour du gouvernement. Du moins c’est ce qu’on avance dans les milieux de Mousseitbé où l’on raconte que le Premier ministre désigné, Tammam Salam, avait préparé une mouture d’organigramme gouvernemental qu’il était sur le point de présenter au président Michel Sleiman, lorsqu’il a été informé que les parties concernées expriment des réserves sur les noms et les portefeuilles proposés.
Mais tout n’est pas encore perdu, veut-on encore croire, puisque, selon les visiteurs du chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora – qui vient de rentrer de Riyad, où il s’était concerté avec Saad Hariri – de nouveaux (et énièmes) contacts sont effectués loin des feux de la rampe pour essayer, encore une fois, de rapprocher les points de vue et de dégager un consensus sur une nouvelle formule gouvernementale.
Au niveau politique local, c’est donc l’affairisme qui prévaut et qui s’exprime par une activité s’articulant autour de la formation d’une nouvelle équipe ministérielle mais qui, en définitive, ne débouchera sur aucun résultat positif, de l’avis d’un ancien ministre qui suit de près les contacts en cours. Et pour cause : le rapprochement saoudo-iranien n’a pas suffisamment évolué pour se traduire par un consensus autour du gouvernement au Liban.
Au cours de sa visite en Arabie saoudite, Fouad Siniora a sondé la possibilité d’une visite du président de la Chambre à Riyad, en soulignant les retombées positives d’une telle démarche sur le dossier libanais. Selon les informations obtenues à ce sujet, les responsables saoudiens ont écouté la proposition et les explications exhaustives de M. Siniora, avant de lui faire savoir diplomatiquement que la situation actuelle ne se prête pas à ce genre de visite, sans pourtant y opposer un non catégorique. En d’autres termes, c’est un oui, mais… que le chef du bloc parlementaire du Futur a entendu à Riyad. Les responsables saoudiens ont en effet indiqué que la proposition sera sous étude et que rien n’empêche que Nabih Berry soit reçu à Riyad, mais les circonstances ne sont pas pour le moment propices. Pour eux, ce genre de visite devrait être préparée par des mesures et des positions déterminées. Un message indirect est de la sorte envoyé au président de la Chambre et chef d’Amal pour qu’il amorce une ouverture en direction de Riyad. L’histoire ne dit cependant pas ce que les Saoudiens souhaitent entendre de Nabih Berry envers qui ils n’ont pas tari d’éloges. Ils n’ont pas oublié qu’il avait appelé à une alliance saoudo-iranienne qui viendrait remplacer l’alliance syro-iranienne.
Si cette visite est appelée à se réaliser, ce sera inévitablement dans le cadre d’une ouverture iranienne en direction du royaume wahhabite. M. Berry doit se rendre prochainement en Iran, dans le cadre d’une tournée dans certaines capitales qui pourrait, selon des sources bien informées, paver la voie à un éventuel voyage en Arabie saoudite. Le président de la Chambre pourrait être ainsi le vecteur du rapprochement entre les deux États.
Dans les milieux du 14 Mars, on estime cependant que l’axe syro-iranien est hostile à la mise en place d’un nouveau gouvernement pour le moment. Il ne s’y oppose pas franchement, mais il n’aide pas à sa formation. Selon un diplomate qui a été en tournée dans plusieurs capitales occidentales, arabes et régionales pour essayer d’obtenir une couverture à la naissance d’une équipe ministérielle politique, les réactions qu’il a pu obtenir étaient plutôt tièdes, ce qui se recoupe un peu avec ce que les milieux du 8 Mars avancent. Dans ces milieux, on estime que les tractations internationales au sujet de la crise syrienne et la conférence de Genève 2 ont eu des répercussions négatives sur le dossier gouvernemental.
Retour donc à la case départ : pas de déblocage tant que la crise syrienne n’entre pas dans une phase de règlement et tant que le rapprochement saoudo-iranien ne se concrétise pas.