L’ombre de Bourguiba

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MONASTIR (CÔTE EST) ENVOYÉE SPÉCIALE

C’est à Monastir, sa ville natale, dans un mausolée construit sur une immense esplanade, que repose Habib Bourguiba, le père de l’indépendance de la Tunisie.

L’ancien président s’est éteint à 96 ans, le 6 avril 2000, soit treize ans après le « coup d’Etat médical » perpétré sans violence par son premier ministre de l’époque, Zine El-Abidine Ben Ali. Tout ce temps-là, Bourguiba a vécu reclus dans une résidence d’Etat de Monastir, ne recevant que de rares visiteurs. Très diminué par l’âge et la maladie, celui que les Tunisiens avaient surnommé « le Combattant suprême » n’éprouvait plus d’amertume à l’égard de son successeur.

Longtemps, il a été mal vu, en Tunisie, d’évoquer le nom et les faits d’armes de Bourguiba. Le président Ben Ali, baptisé « l’Artisan du changement » par la presse officielle, semblait en prendre ombrage. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les Tunisiens parlent librement de celui qui a projeté leur pays dans l’ère moderne et lui a donné une aura internationale.

Ils n’ont pas oublié que, dès 1957, au lendemain de l’indépendance, Bourguiba a accordé aux femmes le droit de vote et l’éligibilité, puis interdit la répudiation et la polygamie. Aujourd’hui encore, les Tunisiennes bénéficient d’un statut inégalé dans le monde arabo-musulman, le président Ben Ali ayant poursuivi la politique de son prédécesseur. Si les jeunes sont assez indifférents à Bourguiba, leurs aînés ont tendance à idéaliser le passé. « Les dernières années de règne de Bourguiba ont été pénibles et inquiétantes. L’homme avait du coup beaucoup perdu de son prestige, explique Hassine Dimassi, universitaire. Aujourd’hui, il est un personnage de légende, tant les Tunisiens sont déçus par le pouvoir actuel. »

UNE QUALITÉ : LA PROBITÉ

Le nom de Bourguiba revient souvent, en effet, dans les conversations. On oublie son despotisme et ses incohérences de fin de parcours pour mieux souligner ce qui était, dit-on, « sa qualité première » : la probité. « Il est parti sans se remplir les poches », entend-on dire partout. Sous-entendu : « On ne peut en dire autant de la famille de Ben Ali », accusée de tous côtés de « s’infiltrer, de grignoter, de s’imposer » dès qu’il y a de l’argent à gagner en Tunisie.

Rares sont ceux qui vont jusqu’à affirmer que « c’était mieux du temps de Bourguiba ». On dit plutôt : « Avec lui aux commandes aujourd’hui, ce serait mieux. »

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