Les pétromonarchies monnaient leur soutien à l’Égypte

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L’ARABIE saoudite et les Émirats réclament des réformes au Caire et convoitent des actifs stratégiques égyptiens.
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« Les États dont l’âge ne dépasse pas celui de mon plus jeune fils n’ont le droit de parler de l’Égypte qu’avec politesse, révérence et respect. » Cette saillie d’un éditorialiste égyptien publiée mi-février dans l’un des principaux quotidiens du pays et dirigée contre les États du Golfe aurait pu provoquer une crise diplomatique sur les rives de la mer Rouge si le feu n’avait pas été éteint à temps, et la tribune dépubliée.

 

 

Cette attaque à peine voilée de l’ancien rédacteur en chef du journal Al-Gomhoreya (« La République ») se voulait une réponse aux récentes déclarations du ministre des Finances saoudien qui actait un virage dans la politique d’aide financière apportée par son pays à ses voisins arabe et dont l’Égypte figure parmi les plus gros bénéficiaires.

« Nous avions l’habitude d’accorder des subventions et des dépôts directs sans conditions et nous changeons cela. Nous devons voir des réformes. Nous taxons notre peuple. Nous attendons aussi des autres qu’ils fassent de même, qu’ils fassent leurs efforts. Nous voulons aider, mais nous voulons aussi que vous fassiez votre part », avait alors lâché le ministre saoudien des Finances, Mohammed al-Jadaan fin janvier lors du Forum économique mondial de Davos. Le message est clair : comme les Émirats arabes unis et le Koweït, l’Arabie saoudite attend du Caire des réformes d’ampleur pour continuer de mettre la main à la poche.

Confrontée à une crise économique grandissante, une monnaie nationale en chute libre, une ­dette qui s’envole et une sévère pénurie de devises étrangères, l’Égypte s’en remet depuis plusieurs années maintenant à la générosité de ses voisins. Entre 2013 et 2022, le pays aurait reçu près de 85 milliards de dollars d’aides, majoritairement sous la forme de prêts et de subventions pétrolières. Le dernier coup de pouce remonte au mois de décembre avec la promesse d’un chèque de 14 milliards, conjointement avec d’autres partenaires internationaux, au moment où le Fonds monétaire international (FMI) donnait, lui, son accord pour un prêt de 3 milliards seulement.

Mais, depuis quelques mois maintenant, les pétromonarchies ont changé de posture. « Elles ont décidé de suivre une nouvelle politique basée sur le remplacement des dettes par l’achat d’actifs d’entreprises à vendre en Égypte », analyse ­Abdel Khalek Farouk, ancien directeur du Centre du Nil pour les études économiques et stratégiques. Les raisons de ce revirement sont à trouver, selon l’économiste, dans la politique dépensière de l’Egypte, qui a lancé au cours des dernières années de multiples grands projets d’infrastructure très coûteux et « dépourvus de véritables études de faisabilité ». À l’image de la construction de la nouvelle capitale administrative en plein ­désert, à 50 kilomètres du Caire, pour un coût total estimé à 45 milliards de dollars.

« Après avoir absorbé les emprunts, le pays est devenu incapable de rembourser ses dettes. La situation est devenue très dangereuse et les dirigeants du Golfe ont réalisé que cela ne pouvait plus continuer. Ils ont donc commencé à demander au gouvernement égyptien de permettre l’achat d’actifs nationaux afin de récupérer leur argent menacé de perte », décrypte Abdel Khalek Farouk. Plus récemment, Le Caire a réussi à lever 1,5 milliard de dollars en vendant sa dette via l’émission de ses premiers sukuk, ces titres obligataires conformes à la loi islamique.

Doubler la part du privé

Sur les bords du Nil, on s’attèle donc à ouvrir peu à peu l’économie aux investissements étrangers. En mai dernier, le premier ministre égyptien a fixé pour objectif le doublement de la part du secteur privé à 65 % à l’horizon 2025. Le 8 février, il a annoncé la cession des participations de l’État dans 32 nouvelles sociétés, dont trois banques et plusieurs compagnies d’assurances. Des secteurs dont raffolent les investisseurs saoudiens, qui n’ont pas attendu ces dernières nouvelles pour sortir le carnet de chèque.

L’ombre de Riyad est déjà présente partout dans l’économie égyptienne, de l’hôtellerie de luxe à l’énergie en passant par l’industrie métallurgique. En 2021, le fonds souverain du royaume a, qui plus est, annoncé la création d’une société d’investissement saoudo-égyptienne visant à « investir dans des domaines prometteurs en Égypte », comme les « infrastructures, l’immobilier, la santé, l’agriculture et les produits pharmaceutiques », énumère-t-il.

Pas question donc pour le pouvoir égyptien de se brouiller avec ses voisins du Golfe. Quelques jours seulement après la polémique suscitée par la tribune incendiaire, Abdel Fattah al-Sissi, en visite à Dubaï pour un sommet économique, louait la générosité de ses « frères » émiriens. « Ce qui compte le plus, c’est le soutien de nos amis, les Émirats, l’Arabie et le Koweït », a tenu à affirmer le chef d’état égyptien.

LE FIGARO

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