Les casques bleus redoutent une nouvelle attaque au Liban

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Ahmed Hussein Youssef, Abou Ali pour les intimes, ainsi qu’Oum Ali, son épouse, allaient se mettre aux fourneaux, dimanche 1er juillet, pour mijoter un repas « libanais » pour les quarante casques bleus confinés derrière les murs blancs du quartier général de la Force intérimaire de l’ONU pour le Liban (Finul), à Naqoura, à la quasi-extrémité sud de la côte. Abou Ali et son épouse, ravis de la confiance dont ils font l’objet, auraient tellement préféré que les casques bleus viennent, comme ils en avaient l’habitude depuis l’automne 2006, prendre le repas dans leur restaurant.

Depuis l’attentat à la voiture piégée qui, dimanche 24 juin, a tué six soldats du contingent espagnol de la Finul, ordre a été donné à tous les effectifs de ne plus fréquenter les restaurants et les boutiques, et de limiter les déplacements aux patrouilles à l’itinéraire bien balisé. Les villes et les villages situés dans la zone d’opération, au sud du fleuve Litani, sont en quelque sorte orphelins de « leurs » casques bleus.

Ils souhaitent que la mesure soit provisoire. Mais, surtout, comme le dit Hussein Youssef, gérant d’un commerce de téléphones portables à Bint Jbeïl, ils redoutent d’autres attentats « terroristes » qui entraîneraient un retrait de la Finul, avec des conséquences désastreuses pour la zone.

Abou Ali et Ali, son fils, propriétaire du restaurant, ont un petit faible pour les casques bleus français. La soeur d’Ali, qui vit à Metz, a d’ailleurs épousé un Français, membre de « l’ancienne Finul », qui était déployée dans la zone entre 1978 et 2006.

Parmi les dizaines de photos de militaires placardées sur l’un des murs du restaurant, celles des Français règnent en maîtres, et sont parfois dédicacées : telle celle de la compagnie qui intronise Ali « Paul Bocuse de Naqoura » ; ou celle d’un lieutenant au patronyme indéchiffrable, qui le crédite des qualificatifs de « Libanais au grand coeur, restaurateur de talent et ami sincère ».

Abou Ali assure les aimer tous, ces jeunes casques bleus « belges, canadiens, allemands, espagnols, turcs, indonésiens et autres, venus protéger » les populations, même si les Italiens, « ou pour le moins certains d’entre eux », sont réputés pingres – « ils trairaient une fourmi » – et si les moyens financiers des Ghanéens sont limités. Oum Ali a d’ailleurs « pleuré toutes les larmes de son corps » pour ces malheureux Espagnols qui ont péri dans l’attentat. « Ne sont-ils pas des êtres humains ? De quoi sont-ils coupables ? », interroge-t-elle.

Sur la route qui grimpe jusqu’à l’extrémité ouest de la zone frontalière confiée à l’armée libanaise et aux soldats de la Finul, ces derniers continuent leurs patrouilles motorisées, mais sont désormais casqués. Les patrouilles à pied ont été supprimées. La Finul a été placée en alerte rouge. Fixé par la résolution 1701 de l’ONU, le mandat de ses effectifs qui, selon son commandant en chef, le général Claudio Grazziano, dépassent les 13 000 hommes (dont une unité maritime), est d’épauler l’armée libanaise dans sa mission. Celle-ci consiste à interdire toute présence armée dans la zone s’étendant au sud du fleuve Litani et à maintenir la paix dans la région.

L’attentat atterre les habitants, qu’ils soient musulmans (majoritaires) ou chrétiens. La première conséquence en a été « un repli sur soi des gens », affirme Joseph Moawad, qui tient une pharmacie dans la petite ville de Rmeich. « Nous ne nous y attendions pas du tout. Qu’est-ce qui justifie un tel acte ? » Sur le marché du dimanche de Jdeïdet Marjeyoun, les marchands déplorent la raréfaction des chalands, qui, comme le dit le dicton, « gardent leur piastre blanche pour leur jour noir ». Autrement dit, n’achètent que ce qui est indispensable.

La propriétaire de la pizzeria de Marjeyoun est au bord des larmes. Les Espagnols, « bons vivants, qui se sentaient chez eux ici, étaient d’excellents clients. Depuis dimanche, ils ne viennent plus, mais la population libanaise non plus », dit-elle. « A croire que cette région est maudite ! Nous venions à peine de finir les travaux à l’été 2006 lorsque la guerre entre le Hezbollah et Israël a éclaté ! Depuis le déploiement de l’armée et des casques bleus, tout allait bien. Jusqu’à ce maudit attentat ! »

Le Monde

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