Il y a deux jours, l’avocat Anwar Al Bounni, éminent défenseur des Droits de l’Homme en Syrie, a achevé de purger la peine de 5 ans de prison à laquelle il avait été condamné, le 17 mai 2006, pour “diffusion de fausses nouvelles de nature à altérer le moral de la nation”. Mais, selon le site All4Syria , au lieu de regagner son domicile dans le quartier de Qaboun dans la capitale syrienne, il a aussitôt été appréhendé par des agents des services de renseignements, qui l’ont emmené vers le siège du service qui avait jadis procédé à son arrestation.
Cette procédure est malheureusement habituelle en Syrie, concernant les détenus d’opinion et les prisonniers politiques. La règle non écrite, qui fait des moukhabarat non seulement des super-flics mais aussi des super-juges, laisse en effet aux services de renseignements la possibilité de renvoyer en détention ceux qui ont fini leur temps de condamnation, s’ils estiment que, lors des deux, trois ou quatre jours d’interrogatoire qu’ils leur font à nouveau subir, ceux-ci ne leur semblent pas s’être suffisamment “amendés”. Ils leur demandent aussi, à cette occasion, de s’engager par écrit à ne plus tenir les propos et à ne pas répéter les activités qui leur ont valu leur condamnation. Si les intéressés refusent de se plier à ces formalités, qui encore une fois n’ont rien de légal, ils peuvent être – et ils sont effectivement parfois – aussitôt renvoyés dans l’établissement qu’ils venaient de quitter, pour un, deux ou trois mois, mais parfois aussi, dans certains cas, pour plusieurs années. La même procédure se répète au terme de ce délai de réflexion…
Il y a deux ans, presque jour pour jour, l’écrivain et militant politique Michel Kilo avait connu la même mésaventure. Avant de retrouver les siens, au terme des 3 ans de prison auxquels il avait été condamné pour avoir appelé à une normalisation des relations entre son pays et le Liban… intervenue durant sa détention, il avait été retenu pendant cinq jours supplémentaires.
Alors qu’un mouvement de protestation largement dirigé contre l’arbitraire et l’omniprésence des services de sécurité mobilise des dizaines de milliers de Syriens depuis deux mois, il est pour le moins étrange, pour ne pas dire provocateur, que les autorités syriennes tolèrent encore de telles procédures. Mais, pour y porter remède, encore faudrait-il qu’elles aient conscience de leur illégitimité et de leur incongruité.
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