L’ÉCLAIRAGE Aussitôt l’initiative russe lancée sur la scène internationale pour tenter de trouver une solution diplomatique aux armes chimiques en Syrie, les forces du 8 Mars ont commencé à se comporter comme si l’axe dont elles font partie avait marqué une victoire par rapport au dossier syrien. Armées de ce nouvel état d’esprit, elles cherchent ainsi à exploiter « ce succès » sur la scène interne en imposant notamment leurs conditions en matière de formation de gouvernement, reprenant la rengaine du tiers de blocage et du triptyque peuple-armée-résistance.
Conjointement, les leaders de ce camp se sont attelés dernièrement à une véritable campagne de dénaturation des faits relatifs à la déclaration de Baabda, faisant véhiculer l’idée que ce texte n’avait même pas fait l’objet à l’époque d’une entente entre les participants qui auraient demandé le report des discussions.
Le chef d’orchestre de cette campagne est bien entendu le député Mohammad Raad qui, à plus d’une reprise, a parlé d’une déclaration « mort-née », ou « restée lettre morte », appelant à son annulation pure et simple. Dans le même milieu politique, on a été jusqu’à nier son existence même, et le président de la Chambre l’a, à son tour, complètement occultée dans le cadre de sa dernière initiative. Bref, un état de déni total qui pousse à croire qu’il s’agit d’un véritable plan visant à gommer cette expression du dictionnaire politique local, surtout en cette phase précise.
Le secrétariat général de la conférence de dialogue n’a pas attendu pour réagir, publiant un verbatim de la fameuse réunion à l’origine de cette déclaration dans lequel il précise par la même occasion que le texte de la déclaration avait été discuté clause par clause, certaines ayant été amendées durant la séance.
Le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, affirme de son côté qu’après avoir débattu des clauses de la déclaration sur grand écran et avalisé les amendements requis, les participants ont enfin convenu du texte. L’un des membres de la conférence de dialogue témoigne pour sa part que c’était Nabih Berry lui-même qui s’était chargé d’apporter les changements voulus et de proposer les nouveaux termes exigés par le camp du 8 Mars.
Ayant été adoptée à l’unanimité des participants, la déclaration a été qualifiée à l’époque de véritable « charte ». Autant de faits historiques que le secrétariat général de la conférence de dialogue a tenu à clarifier pour mettre un terme aux tentatives de certains de se débiner de cette déclaration. Celle-ci est d’autant plus cruciale aujourd’hui que la phase actuelle présuppose le règlement de crises régionales majeures, dont la crise syrienne à laquelle se trouvent étroitement liés la situation libanaise ainsi que plusieurs dossiers conflictuels sur la scène interne. Les précisions apportées à ce niveau étaient nécessaires, commente un ancien ministre, surtout que la déclaration de Baabda a fait son chemin, depuis, étant désormais reconnue et consacrée par les Nations unies, l’Union européenne et la Ligue arabe.
Ce document – qui proclame la neutralité du Liban par rapport aux crises qui l’entourent – revêt en outre une importance d’autant plus cruciale pour le pays qu’il constituera dans la prochaine phase la pierre angulaire qui permettra de gérer la crise libanaise, plus particulièrement par rapport à l’annonce ou non du retrait des combattants du Hezbollah de Syrie.
Des milieux politiques ont tenu d’ailleurs à apporter une précision majeure concernant cette déclaration en insistant sur le fait qu’elle n’évoque pas la question de « la résistance et la manière de bénéficier de son arsenal », cette expression ayant simplement figuré dans la vision définie par le chef de l’État, Michel Sleiman, dans son approche de la stratégie de défense. Par conséquent, la déclaration de Baabda n’a abordé ni de près ni de loin le fameux triptyque armée-peuple-résistance. Un détail qui prend son importance à la lumière de la dernière initiative prise par le président Sleiman qui a tenu à rectifier le tir concernant la déclaration de Baabda, précisant sa teneur afin de couper court à toute tentative de conférer au triptyque en question les attributs d’un pacte officiel en bonne et due forme. Ces précisions ont été apportées dans un contexte international particulièrement délicat à l’ombre du ballet diplomatique régional et international qui se déroule actuellement pour juguler la situation explosive dans la région. Elles surviennent également à la vieille du départ du chef de l’État à New York où il effectuera des rencontres en marge de l’Assemblée générale de l’ONU pour défendre, une fois de plus, la neutralité du Liban.