PARIS, 30 septembre 2013 (AFP) – Le parquet de Paris a ouvert lundi une enquête préliminaire sur le patrimoine français de Rifaat al-Assad, un oncle du président syrien, cible depuis la mi-septembre d’une plainte d’associations de lutte contre la corruption.
Déjà à l’origine de plusieurs procédures dites de « biens mal acquis » par des chefs d’Etat africains, Sherpa et Transparency International France (TIF) soupçonnent Rifaat al-Assad d’avoir amassé par la corruption un « patrimoine extraordinaire ». Agé de 76 ans et ancien pilier du régime, Rifaat al-Assad est en rupture de ban avec Damas depuis 1984.
« C’est un premier pas mais trop timide et pas adapté. Comme dans d’autres dossiers de biens mal acquis par des chefs d’Etat africains, il est évident que seul un juge d’instruction a les pouvoirs adaptés face à des infractions complexes et de nature internationale », a réagi auprès de l’AFP le président de Sherpa, Me William Bourdon.
Un magistrat instructeur aurait été « à même d’opérer des mesures de saisie des biens avec beaucoup plus de célérité que les services de police. Or, en la matière, le temps peut être l’ennemi de la justice », a poursuivi l’avocat.
Le conseil de Rifaat al-Assad, Me Marcel Ceccaldi, a en revanche dénoncé le déclenchement de cette enquête qui « illustre une certaine arrogance française ». « Voilà un homme qui est ici depuis 1984, qui a acheté ces biens entre 1984 et 1986, qui a été élevé grand officier de la Légion d’honneur par François Mitterrand en 1986« , a poursuivi Me Ceccaldi, « tout à fait tranquille » sur les suites de cette procédure.
Dans leur plainte qui vise des infractions relevant du recel de détournement de fonds publics, de corruption et de blanchiment aggravé en bande organisée, Sherpa et TIF demandaient qu’il soit procédé « aussi rapidement que possible à un recensement exhaustif des biens (mobiliers ou immobiliers) ayant appartenu ou appartenant à M. Rifaat al-Assad et le cas échéant à son entourage ».
« Aucune activité professionnelle »
Frère cadet de Hafez al-Assad, le père du président actuel, Rifaat al-Assad s’était illustré à la tête des Brigades de défense dans la répression des Frères musulmans. Il est notamment accusé d’avoir en 1982 lancé ses troupes contre Hama (nord de la Syrie), tombée aux mains des islamistes sunnites. Cette répression avait fait entre 10.000 et 25.000 morts, selon les estimations. Une accusation qu’il avait assimilée en 2011 à « une légende ».
En 1983, celui qui était considéré comme un successeur potentiel de Hafez al-Assad avait tenté un coup d’Etat, ce qui lui avait valu d’être placé en résidence surveillée, puis poussé à un exil partagé entre Londres et Paris.
Mais ce statut de paria et le fait qu’il ne soit pas parmi les Syriens concernés par le gel de leurs avoirs et une interdiction de voyager, ordonnés par l’Union européenne, ne l’exonèrent pas de tout soupçon de corruption aux yeux de TIF et Sherpa.
Ces associations relèvent notamment que Rifaat al-Assad « n’a aucune activité professionnelle répertoriée » ni reçu aucun héritage. Or sa fortune « se calcule en milliards d’euros », affirment-elles dans leur plainte consultée par l’AFP.
Selon cette plainte, « il est vraisemblable que tout ou partie (des) avoirs » de Rifaat al-Assad « soient le produit d’actes de corruption ou d’infractions assimilées (détournement de fonds publics, abus de bien social, etc.) ».
TIF et Sherpa évoquent parmi ses propriétés françaises un hôtel particulier et « plusieurs dizaines d’appartements » dans le XVIe arrondissement de Paris, ainsi qu’un domaine de 45 hectares dans le Val-d’Oise. Au terme d’une enquête publiée en septembre, le quotidien Le Monde évalue le patrimoine immobilier français de Rifaat al-Assad à 160 millions d’euros.
Plusieurs élus parisiens se sont émus de ce patrimoine de Rifaat al-Assad.