Le « Non-État » libanais apparaît, dans toute sa crudité, comme l’ennemi de son propre peuple. Sur le sol du Liban vivent quelques 4 à 5 millions d’habitants à la merci d’une multitude de despotes surnommés zaïms qui forment des réseaux d’alliances mafieuses politico-miliciennes.
Pour exister, l’État a besoin d’être pensé. Il ne l’est pas au Liban ou, du moins, on lui substitue la désastreuse confusion entre « souveraineté » (siyadah) et « despotisme » (za’ama), deux notions conçues comme synonymes. La souveraineté, comme principe, représente la forme d’un pouvoir hors du temps : suprême, unifié, inaliénable, indivisible, non négociable, incommunicable, non partageable avec autre chose que lui-même, normatif, source de toute autorité. En tant que puissance, la souveraineté implique, au préalable, un principe de légitimité. Tout souverain est contraint d’invoquer un principe de légitimité, à la différence de ses subordonnés qui se contentent d’un principe de légalité. Seul Dieu échappe à une telle contrainte. Le souverain peut déléguer ses pouvoirs pour la bonne gestion de l’État mais ne peut en aucun cas disposer de cette chose insaisissable qu’on appelle légitimité. Dans la vie publique, le lieu où s’exprime avec le plus de clarté et d’intransigeance l’exercice de cette puissance souveraine est le domaine de la Justice.
Le despotisme caractérise les sociétés serviles où l’autorité est exercée par un chef qui, seul et sans la référence à la loi, si ce n’est religieuse, exerce un pouvoir arbitraire fondé sur la crainte. Classiquement, le despote gère son douaire en « bon père de famille ». Une telle forme de gouvernance représente la forme primitive de l’État et de la civilisation. Si, d’aventure, le despote privilégie son intérêt propre au détriment du bien commun des siens, il devient un tyran. Malgré sa connotation négative actuelle, le mot despote était un titre légitime dans l’Empire Byzantin, conféré à partir du 13ème siècle à des chefs étrangers et leur descendance mâle. Les despotes régnaient sur des parties de l’empire. On pourrait voir dans cette tradition l’origine de la conception méditerranéenne du notable/zaïm et de son statut héréditaire. Le Liban paie aujourd’hui le prix très lourd d’un tel archaïsme où des notables/zaïms se partagent des parcelles de la souveraineté afin de perpétuer une tradition despotique sur une région ou sur un groupe humain. Telle serait la source des pratiques mafieuses politico-miliciennes dont est prisonnier le peuple libanais, otage de ses propres représentations.
Il est clair que la règle démocratique elle-même ne permet plus au peuple libanais de se libérer d’un tel « baiser de la lionne » qui étrangle chaque citoyen ne disposant plus du minimum de droits et de sécurité. L’État n’est plus qu’une meute de despotes charognards qui se disputent les dernières miettes du bien commun.
Il est donc légitime d’en appeler à la souveraineté, non de l’État, mais de l’humanité elle-même, afin de libérer les êtres humains du Liban qui sont retournés, en un clin d’œil, au Moyen-Âge et manquent de toute forme de services élémentaires.
Les membres de la famille humaine au Liban en appellent à la résolution historique N°688 (1991) du Conseil de Sécurité qui a introduit la notion du « devoir d’ingérence » en droit international, considérant que le « principe de non-ingérence » n’est pas une valeur suprême, et ce au nom de la reconnaissance du droit et du devoir d’assistance proclamés en 1987 par la première conférence internationale de morale humanitaire, tenue à Paris. C’est grâce à cela que les puissances européennes décidèrent l’intervention au Kurdistan irakien en 1991.
Les membres de la famille humaine au Liban ne demandent rien d’autre.
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*Beyrouth