Dès janvier, un diplomate occidental dénonçait dans une note la dissimulation de l’ampleur de l’épidémie par Pékin. Le JDD a pu la consulter.
Cette note n’est ni un télégramme diplomatique ni un document officiel, mais son contenu est discuté entre son auteur et ses supérieurs. Il recoupe l’analyse en provenance des postes diplomatiques européens en Chine.
Le nombre d’urnes funéraires supérieur à celui des décès
En résumé, les autorités locales ont failli, mais lorsque l’État central a décidé d’agir, il a mis les moyens pour réussir. Début mars, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) note que l’État chinois coopère, qu’il s’adapte progressivement aux normes de calcul et de transmission de l’information requises par l’organisation internationale. Au point que la direction de l’OMS finit par décerner à Pékin la note A- pour sa gestion de la crise, quand la France ne lui a mis qu’un B+ et les États-Unis, un C (après lui avoir accordé un E pendant l’épisode du Sras).
Reste le nombre de morts et cette histoire d’urnes funéraires livrées aux crématoriums de Wuhan en quantité nettement supérieure au nombre de décès déclarés. « On ne peut que s’interroger sur le nombre officiel de cas et de décès, confie l’ex-ambassadeur de France en Chine Jean-Maurice Ripert. Il est difficile de croire que, dans un pays de 1,4 milliard d’habitants où l’on a confiné 200 ou 300 millions de personnes, il n’y ait eu qu’un peu plus de 3 000 morts. » Certains de ses collègues toujours en activité s’interrogent également sur ce chiffre « anormalement bas » qui selon eux « renforce le soupçon ».
« Le terme ‘dissimulation’ est plus approprié que ‘mensonge’, mais aujourd’hui, avec les nouveaux cas officiellement présentés comme importés, les responsables locaux chinois sont contraints à l’autocensure car cela va à l’encontre de la ligne du Parti« , admet une source officielle bien informée, pour qui l’annulation de la deuxième session annuelle de l’Assemblée nationale populaire début mars à Pékin est un signe d’anormalité.
Les officiels chinois nient catégoriquement toute sous-estimation. Les autorités françaises, elles, refusent de polémiquer sur le sujet. À l’Élysée, on explique vouloir se concentrer sur les priorités du moment, notamment les considérables commandes de masques de protection adressées à Pékin. L’essentiel est de ne pas se fâcher avec son fournisseur. Même si, dans plusieurs semaines ou plusieurs mois, le débat sur l’opacité et la transparence comme gage d’efficacité face aux pandémies sortira de sa parenthèse diplomatique.