لبنان لا يريد الحرب
Le Liban ne veut pas la guerre
Lebanon does not want war

«Au Liban et en Irak, à l’opposé du printemps arabe, on réclame un État fort»

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Par Julien Licourt

 

INTERVIEW – D’importantes manifestations se déroulent dans les capitales des deux pays depuis cet été. Les protestataires dénoncent l’impuissance des politiques. Pour Mansouria Mokhefi, conseiller Moyen-Orient à l’Ifri, ces mouvements sont symptomatiques de la déception de la classe moyenne.

Au Liban, la crise des ordures traîne depuis le mois de juillet et exaspère les habitants de Beyrouth et des environs. Depuis le milieu de l’été, dans les grandes villes irakiennes, la population a commencé à manifester contre les coupures de courant la privant de ventilateurs et de climatiseurs alors que sévissaient des températures de 50 degrés. Ces aspects matériels cristallisent la contestation mais derrière eux, c’est l’immobilisme de la classe politique et le système en place qui sont visés. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans la capitale libanaise et un ministère a été occupé. En Irak, le premier ministre a dû mettre en œuvre une réforme constitutionnelle sous pression de la rue. Le point avec Mansouria Mokhefi, conseiller Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

LE FIGARO. – Deux mouvements de protestation agitent l’Irak et le Liban depuis le milieu de l’été. Au-delà de cette concomitance, quels parallèles peuvent être faits entre les deux mouvements?

Mansouria MOKHEFI – Il y a plusieurs similitudes entre eux. Tous deux dépassent les schémas partisans habituels et les divisions sectaires qui régissent de coutume la vie politique de ces pays. Ils sont menés par une classe moyenne qui, en Irak comme au Liban, partage les mêmes demandes: elle dénonce l’incurie d’une classe politique incapable de fournir de l’eau, de l’électricité ou un service publique de base tel que le ramassage des ordures à Beyrouth. Elle regrette l’absence d’État, mais, surtout d’un État fort. C’est un ras-le-bol général

Les deux pays ont la particularité de ne pas avoir été touchés par le printemps arabe en 2011…

Effectivement. On peut constater qu’ils ne sont pas les seuls dans ce cas. L’Algérie, qui avait été très peu touchée à l’époque, est face à une agitation sociale sans précédent dans les régions du sud du pays et confrontée à diverses menaces sécuritaires. Concernant le Liban et l’Irak, on peut également remarquer que ces troubles surviennent dans deux pays extrêmement fragiles et victimes des recompositions et des chamboulements régionaux. Les risques de fractures y sont importants. Le Liban, du fait de la crise syrienne et des dramatiques conséquences économiques et sociales ainsi que de la présence et du rôle du Hezbollah dans le pays. L’Irak, du fait des mouvements djihadistes et de la présence de milices chiites et, de manière générale, de l’influence de l’Iran sur son sol.

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Si les revendications et la situation géopolitique sont différentes, ces manifestations ne sont donc pas des répliques du printemps arabe?

Ces mouvements sont effectivement différents du printemps arabe. Tout d’abord parce qu’ils sont, pour le moment, d’une ampleur plus limitée que les manifestations que nous avons connues il y a quatre ans. Après, parce qu’ils ne sont pas tournés contre des figures fortes telles que pouvaient l’être Ben Ali, Kadhafi ou Moubarak. Au Liban, il n’y a même plus de haut représentant contre lequel se battre, puisqu’il n’y a plus de président depuis 2014, les députés n’ayant pas réussi à s’entendre pour élire un nouveau chef d’État. Quant au gouvernement irakien, il n’est plus que l’ombre de lui-même, n’exerçant son autorité que sur Bagdad et le sud du pays. C’est au final plutôt un revers par rapport aux manifestations du printemps arabe. Les populations voient que leur situation a empiré depuis 2011, que les diverses révolutions n’ont pas résolu les inégalités, la corruption et la mauvaise gouvernance. Il y a fort à craindre, que, à l’image de l’Irak et du Liban, il y ait à l’avenir de nouvelles poussées de fièvre dans le monde arabe. Et ceci tant que l’on n’aura pas conçu la bonne forme de gouvernance et que l’on n’aura pas trouvé une place acceptable pour la religion dans ces sociétés. Le problème est loin d’avoir été résolu.

Le Figaro

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