TRIBUNE – L’ancien président de la Fifa Sepp Blatter, finalement détrôné par le scandale qui a frappé l’organisation, adresse par l’entremise du JDD une lettre à son successeur Gianni Infantino.
L’ancien président de la Fifa Sepp Blatter adresse par l’entremise du JDD une lettre à son successeur Gianni Infantino. (Reuters)
Cher Gianni, mon président,
Notre première rencontre remonte à si longtemps. Tu venais d’entrer comme juriste au Centre international d’étude du sport qu’on avait créé à mon initiative à Neuchâtel.
Lire aussi : Gianni Infantino élu président de la Fifa
« Tu m’avais dit : ‘Je vais gagner’. Quel réalisme! »
Tu étais un jeune avocat plein de vie, d’idées et, à l’époque, avec des cheveux! Plus de vingt ans plus tard, te voilà président de la Fifa. À Noël dernier, on s’était rencontrés chez moi à Viège. Tu venais d’entamer ta mini-campagne présidentielle et tu m’avais dit : « Je vais gagner ». Quel réalisme!
«Tu as gagné et je suis content. Parce que tu es un homme bien, un homme jeune et un voisin.»
Vendredi, cela en a surpris beaucoup de te voir en tête au premier tour du scrutin. Moi, pas trop. Sans intervenir directement dans l’élection, je suivais ces derniers jours ce qui se passait entre les différents candidats qui lorgnaient mon fauteuil à la Fifa. J’avais constaté que les directives officielles des confédérations n’étaient pas totalement suivies par leurs membres, c’est le moins qu’on puisse dire. La veille de l’élection, ayant reçu des informations que certaines confédérations seraient en deçà des pronostics espérés par leurs présidents respectifs, je me suis dit que tu allais gagner. Comme tu me l’avais annoncé.
Tu as gagné et je suis content. Parce que tu es un homme bien, un homme jeune et un voisin. Comme moi tu viens de cette partie un peu perdue de la Suisse, ce Haut-Valais qui nous rend fiers. Tu es de Brigue, à dix kilomètres de chez moi. Brigue est plus grand que Viège, mais je n’oublie pas qu’on a toujours été meilleurs au football.
« Sache qu’une fois dans le fauteuil de président les amis deviennent rares »
Lire aussi : Gianni Infantino : « Je remercie Platini, bien sûr »
Si d’aventure, tu veux un avis ou un conseil, n’hésite pas. Pour le moment, reste calme. Tu as deux mois pour mettre en application les décisions prises. Pour cela, tu as la chance d’avoir un congrès ordinaire en mai au Mexique. Prépare-toi bien mais sois vigilant. Même si tout le monde te soutient et te dit des mots agréables, sache qu’une fois dans le fauteuil de président les amis deviennent rares.
« N’oublie pas une chose : le président élu, c’est toi! »
Tu vas trouver une Fifa bien organisée et solide, qui a toujours fonctionné ces derniers mois malgré ce que d’aucuns ont appelé le scandale. Il y aura un nouveau comité qui s’appelle désormais conseil. Tu vas devoir aussi choisir un secrétaire général qui aura un rôle accru. Sois prudent et n’oublie pas une chose : le président élu, c’est toi!
«Je ne suis plus président. Mais j’accepte volontiers le système français qui fait que, lorsqu’on a été président, on reste président pour toujours!»
J’ai noté que François Carrard, le président de la commission des réformes, a rappelé que j’avais mis en route cette commission. Je n’attendais pas nécessairement que les candidats prononcent mon nom, cela aurait donné lieu à des interprétations alors que j’étais totalement neutre. Jérôme Champagne et Tokyo Sexwale m’ont cité dans leur discours. Pas toi mais je le comprends, d’autant que tu étais visiblement très ému. J’attendais plutôt que le président par intérim Issa Hayatou le fasse.
À 18h01 vendredi, quand tu as été élu, mes épaules se sont allégées d’un poids. J’ai désormais moins de responsabilités et plus de temps pour m’occuper de ma vie. Je ne suis plus président. Mais j’accepte volontiers le système français qui fait que, lorsqu’on a été président, on reste président pour toujours!
Voila, bon courage, mon ami Gianni. Mais je ne m’inquiète pas, tu réussiras.