EXCLUSIF – Le chasseur de Dassault est proche d’un contrat avec Abu Dhabi. Une annonce pourrait être faite lors de la visite d’Emmanuel Macron dans le Golfe, programmée du 2 au 4 décembre.
Le Rafale va-t-il enfin atterrir aux Emirats Arabes Unis? Le chasseur de Dassault Aviation n’a jamais été si près du but. Selon plusieurs sources interrogées par Challenges, les négociations avec Abu Dhabi sont très avancées pour la commande de l’avion de combat français, très probablement au standard F4, la version prévue pour l’armée de l’air à l’horizon 2025. Si les négociations continuent d’avancer à ce rythme, une annonce pourrait être faite avant le fin de l’année. Une fenêtre de tir se dégage: la prochaine tournée d’Emmanuel Macron dans le Golfe, la dernière de son quinquennat. Selon nos informations, le chef de l’Etat doit effectuer une visite à Abu Dhabi le 2 décembre, suivie d’un déplacement à Doha (Qatar) puis à Riyad (Arabie saoudite) les 3 et 4 décembre. Son sherpa Emmanuel Bonne et Patrick Durel, conseiller Afrique et Moyen-Orient à l’Élysée, sont actuellement sur place pour caler les détails de cette tournée, également destinée à marquer les 50 ans des Emirats Arabes Unis. Interrogé, le ministère des Armées ne fait aucun commentaire. Dassault, contacté par Challenges, n’a pas répondu.
Quelle serait la taille de la commande? Les sources divergent. D’aucuns évoquent un contrat pour une trentaine d’avions. D’autres assurent que le chiffre pourrait atteindre les 60, soit à peu près le nombre de Mirage 2000-9 dans le flotte de l’armée de l’air émiratie. « Les Egyptiens ont pris 54 avions, les Emirats ne prendront pas moins« , estime un spécialiste de la zone. Dans le camp français, on reste en tout cas extrêmement prudent. Les discussions pour une commande de Rafale avaient débuté en 2008. A plusieurs reprises, en 2011 et en 2015 notamment, Paris a cru toucher au but, et a trouvé porte close, MBZ pestant même en 2011 contre des prix « pas compétitifs ». La concurrence américaine reste également redoutable. En Suisse, la visite de Joe Biden en juin dernier avait permis au F-35 de Lockheed Martin de s’imposer, alors que le ministère de la Défense suisse laissait entendre depuis des mois à Paris que le choix du Rafale était acté.
F-35 dégradé
Pour autant, le Rafale a effectué ces derniers mois une remontée spectaculaire face au concurrent F-35 aux Emirats. Pourquoi? Pour comprendre, il faut revenir un peu en arrière. En novembre 2020, le prince héritier et ministre de la défense des Emirats, Mohammed ben Zayed al-Nahyane (MBZ), obtient de haute lutte l’accord de Donald Trump, dans les dernières heures de son mandat, pour lui vendre une cinquantaine de F-35, ainsi que des drones Reaper et des milliards de dollars de missiles et bombes guidées. Pour l’homme fort d’Abu Dhabi, l’opération, estimée à 23 milliards de dollars, est un coup fumant: il est le premier pays du Golfe à obtenir les chasseurs furtifs de Lockheed Martin, ce qui le met sur un quasi-pied d’égalité avec Israël, lui aussi client du F-35, au grand dam de Tel-Aviv.
Mais la machine se grippe avec l’arrivée de l’administration Biden. Celle-ci confirme l’engagement de Trump, mais avec deux conditions qui hérissent MBZ. D’abord, Washington exige l’arrêt du rapprochement d’Abu Dhabi avec la Chine, réclamant même l’exclusion de Huawei du réseau 5G émirien. Deuxième condition: les F-35 destiné aux Emirats verront leurs performances dégradées, pour assurer à Israël la supériorité régionale. L’administration Biden réaffirme ainsi le principe dit du « Qualitative military edge » (QME, avantage militaire qualitatif), de disposer d’équipements plus performants que ses voisins de la région. Ce dernier avait été mis à mal par Trump à la fin de son mandat, donnant aux Emirats l’espoir d’être aussi bien servis qu’Israël. « Biden semble avoir fermé la porte, ce que MBZ n’a pas apprécié », indique un familier de la région. « Le départ piteux des troupes américaines de Kaboul a aussi beaucoup choqué les Emiratis, qui ont compris les limites du parapluie militaire américain », complète un autre proche du dossier.
Le Rafale apparaît dès lors comme une excellente alternative. Abu Dhabi connaît bien l’appareil: les Emirats discutent d’une potentielle commande du chasseur français depuis 13 ans, avec des hauts et des bas. L’avion de Dassault est même basé depuis dix ans sur la base aérienne 104, installée dans la base émirienne d’Al Dhafra, au sud de la capitale émiratie. L’armée de l’air émirienne est aussi un client fidèle de Dassault: elle avait commandé le Mirage 5, puis le Mirage 2000. Elle dispose désormais de la version la plus performante du monoréacteur de Dassault, le Mirage 2000-9, spécialement développé pour elle, qu’elle a notamment utilisé en Libye et au Yémen.
Les Russes à l’affût
Autre avantage de l’option Rafale: l’achat du chasseur français ne serait pas un casus belli vis-à-vis des Etats-Unis, à l’inverse d’une commande du Su-35 russe, un temps évoquée, ou du nouveau Sukhoi Su-75 Checkmate, présenté en grande pompe le 14 novembre lors de l’inauguration du salon de Dubaï….
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