Le Hezbollah face à un choix embarrassant : perdre ses alliés ou opter pour un troisième candidat

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Le parrainage de la candidature du chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun, par le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a conduit, à n’en point douter, à la redistribution des cartes, provoquant par là même un ébranlement des alliances au sein des camps politiques.

Après la confusion déjà créée par le soutien annoncé à la candidature de l’ancien ministre, Sleiman Frangié, par le chef du courant du Futur, Saad Hariri, l’initiative tout aussi surprenante de M. Geagea a mis à nu les différentes parties, et à leur tête le Hezbollah. Désormais pressé par les développements internes mais aussi externes, le parti chiite est appelé à trancher et révéler au grand jour sa position, d’autant que la désignation par ses deux adversaires politiques de deux candidats de son propre camp a coupé court à toute tentative additionnelle de se soustraire à cette échéance, ne pouvant plus à ce stade recourir à la tactique de la fuite en avant. En bref, le Hezbollah est aujourd’hui dans l’embarras.

C’est ce qui explique le report, jeudi dernier, de la réunion du Hezbollah, reportant du même coup la nécessité de commenter les derniers développements relatifs à la présidentielle. L’argument avancé tournait autour de la nécessité de poursuivre les tractations, notamment avec le chef du Parlement, Nabih Berry, mais aussi de relancer la requête d’un package global qui irait au-delà de l’échéance présidentielle. En élargissant ainsi l’éventail des pourparlers, le parti chiite entend gagner une latitude de manœuvre plus large et repousser autant que possible la décision finale concernant le nœud gordien du candidat à préférer, en attendant qu’aboutissent les contacts en cours.

Le parti a pris soin de confier au président du Parlement la tâche de reporter l’échéance présidentielle dans l’attente de nouveaux développements. D’où le slogan brandi par M. Berry, « les consultations avant l’annonce de la position », mais aussi l’attachement à la poursuite du dialogue national et un ordre du jour portant sur le panier global, qui commence par l’élection d’un président pour finir par un accord concernant l’ensemble des sujets conflictuels. Une position qui s’expliquerait par le fait que le chef du législatif souhaite traduire les desiderata du parti chiite en voulant lui éviter l’embarras, de sorte que ce dernier puisse préserver son amitié et ses alliances avec MM. Aoun et Frangié à la fois, et éviter de perdre l’un ou l’autre.

L’équation se présente comme suit : le Hezbollah ne peut renoncer à Michel Aoun. Il ne peut non plus voter pour le candidat choisi par Samir Geagea quand bien même il serait à l’origine le candidat officiel du parti chiite. L’élection de M. Aoun signifierait en outre la consécration du leadership chrétien en la personne du chef des FL, qui serait proclamé partenaire à part entière au cours de la phase à venir, aspirant au partage de l’influence et du pouvoir. Cela signifie également que le Hezbollah perdrait le soutien de la rue aouniste et de la couverture chrétienne dont il bénéficiait depuis l’accord d’entente signé avec le CPL. Il perdrait du même coup son autre allié, Sleiman Frangié, sans mentionner le fait que le parti chiite n’aurait pas gagné au change non plus en termes d’acquis sur le plan local, encore moins régional. Car l’étau se resserre de plus en plus autour du Hezbollah, au lendemain surtout des pressions exercées par l’administration US sur les banques libanaises après les accusations de blanchiment d’argent adressées au parti chiite.

Par ailleurs, si le Hezbollah devait préférer la candidature de M. Frangié à celle de M. Aoun, cela entraînerait également la fin de l’accord d’entente et le déplacement de M. Aoun vers l’autre bord.
Conscient que les développements régionaux ne sont plus en sa faveur avec l’entrée en scène de la Russie, qui contrôle désormais les rênes du compromis en gestation sur la Syrie, le Hezbollah œuvre à l’obtention d’acquis sur le plan local, de manière à s’assurer la couverture nécessaire et de créer les circonstances propices pour préserver sa situation actuelle.

Selon un ancien ministre, le parti chiite est revenu au concept du panier global, espérant par là scinder la nouvelle alliance entre le CPL et les FL, et ébranler le front du 14 Mars, notamment autour de la question de la loi électorale sur laquelle les différentes composantes ne s’accordent pas.
Pressentant cette tactique, Samir Geagea a souligné d’emblée, lors de l’annonce de son soutien à la candidature de M. Aoun, son refus catégorique du panier global, de l’amendement de Taëf et tout autre propos sur le changement du système en place.

Bref, un imbroglio qui laisse les interrogations entières quant au choix final que ferait le Hezbollah. Le parti chiite optera-t-il en définitive pour un troisième candidat ou bien parviendra-t-il tout simplement à convaincre M. Frangié de se retirer en faveur de son concurrent ?

L’Orient Le Jour

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