L’EX-JOURNALISTE de Charlie Hebdo, dont le nom a été avancé pour porter les couleurs du parti présidentiel aux législatives, s’inquiète des dernières avancées de l’islamisme, « un fascisme qui ne dit pas son nom », selon elle.
LE FIGARO. – Le conseil municipal de Grenoble a autorisé le burqini dans les piscines publiques. Que pensez-vous de cette décision ?
Zineb EL RHAZOUI. – C’est un jour qui scelle une terrible régression pour les femmes françaises, et notamment les musulmanes dont on réduit les droits à toujours plus de voilement, plus de soumission à l’injonction de se couvrir. C’est aussi une avancée majeure de l’idéologie islamiste dans un espace qui devrait en être préservé par sa nature : la piscine municipale, lieu de mixité, de sport et de libération du corps. Je peux comprendre la volonté personnelle de certaines de se baigner couvertes ou en non-mixité, mais dans une démocratie telle que la France, de telles demandes peuvent trouver des débouchés dans le privé, certainement pas dans des lieux municipaux, c’est-à-dire financés par tous et ouverts à tous. Il existe bien en France des clubs privés où les espaces de sport sont réservés aux hommes ou aux femmes, mais l’intention des militants islamistes qui se cachent derrière cette initiative n’a jamais été de permettre aux femmes voilées de nager, mais plutôt d’imposer le marquage visuel des femmes musulmanes dans tous les espaces qui en sont encore préservés. Le burqini, mot-valise qui signifie littéralement « burqa de bain » n’est pas un habit adapté à la natation, mais plutôt à l’obsession de couvrir le corps des femmes chez les intégristes musulmans. Cette décision est aussi une régression des standards d’hygiène et de confort dans les équipements sportifs publics. Toutes les études démontrent que plus de textile dans une piscine induit plus de réaction chimique avec le chlore et donc plus de désagrément pour l’ensemble des baigneurs. Je ne parle même pas des mesures d’hygiène les plus élémentaires : comment s’assurer que ces baigneuses entièrement couvertes ne portent pas une serviette périodique gorgée de sang menstruel ou simplement leurs dessous de la veille sous leur burqini ? Et qu’en est-il de l’obligation de se doucher avant de plonger dans le bassin collectif ? Je ne suis hélas pas surprise par une telle décision, car lorsque le militantisme séparatiste d’une association telle qu’Alliance citoyenne rencontre le clientélisme électoral dont fait preuve le maire EELV Éric Piolle, c’est le vivre-ensemble qui recule au profit du communautarisme religieux. Et là où l’islamisme avance, les droits des femmes régressent inexorablement. Malheureusement, le succès accordé par ce maire à l’idéologie islamiste sur le dos des femmes risque d’encourager d’autres initiatives de ce type, et dans tous les domaines.
Éric Piolle, qui a indiqué que les femmes pourront aussi se baigner seins nus, a parlé d’un combat « féministe » : il assure que rien n’interdit le port de vêtements religieux dans l’espace public. Êtes-vous favorable à un changement de la législation ?
Contrairement aux mètres de tissu de la burqa de bain nommée burqini, et surtout à ce qui peut se cacher en dessous, les seins nus ont l’avantage de ne présenter aucun problème d’hygiène. Je suis favorable à la possibilité pour les femmes de se baigner seins nus dans les piscines municipales. M. Piolle a raison : rien n’interdit le port de vêtements religieux dans l’espace public, et je serais contre une pareille interdiction qui serait une atteinte aux libertés individuelles, à l’exception des dispositions de la loi de 2010 qui interdit de se couvrir le visage dans l’espace public. Mais ce n’est pas parce qu’on a le droit de porter la soutane dans la rue que l’on devrait se permettre de plonger avec dans une piscine municipale ! Il y a des lieux publics qui sont régis par des réglementations propres à en préserver le fonctionnement. Je suis, en revanche, favorable à un changement de loi concernant le voilement des petites filles dans l’espace public qui devrait être interdit, au nom de la protection de l’enfance. En France, nous avons voté une loi qui interdit les concours de mini miss de beauté, fondée sur l’argument de la non-sexualisation du corps des enfants. Qu’est-ce que voiler une petite fille, sinon admettre que son corps puisse être le réceptacle du désir masculin adulte ?
La maire de Rennes, où le burqini est aussi autorisé, estime que « c’est l’État qui est laïc, pas le citoyen » …
Cette interprétation est factuellement fausse, puisque la loi de 2004 qui interdit le port des signes religieux ostentatoires aux élèves dans les écoles est une extension de la loi de 1905 aux usagers du service public, c’est-à-dire les écoliers. Par ailleurs, la question du port du burqini dans les piscines municipales ne relève pas de la laïcité, mais de la préservation de la qualité et de l’hygiène dans les équipements sportifs et de loisirs publics. D’un point de vue philosophique, elle relève de la question – centrale dans notre civilisation – de l’égalité femmes-hommes. Le raisonnement qui consiste à faire de la laïcité un instrument de soumission à toutes les revendications religieuses est biaisé et dangereux. Ce n’est pas parce que la polygamie est une pratique matrimoniale courante, voire acceptée dans certaines cultures, qu’elle devrait être autorisée en France au nom de la liberté individuelle. La polygamie est interdite en France, parce que notre société – et donc notre droit – hisse l’égalité entre les sexes au sommet des valeurs de notre civilisation. À suivre le raisonnement des islamo-collabos, nous devrons bientôt l’autoriser sous prétexte qu’elle est pratiquée entre adultes consentants.
Vous vous êtes prononcée pour Emmanuel Macron. Qu’avez-vous pensé de la campagne présidentielle où interdiction du voile, « grand remplacement » et guerre contre l’islamophobie ont été évoqués ?
Ce qui est déplorable, c’est qu’une question aussi universelle que celle de la lutte contre l’islamisme et de l’égalité femmes-hommes soit réduite à des considérations de chapelles politiques. Interdire le voile dans la rue aurait été une violation de notre Constitution, tandis que tout l’enjeu du combat contre l’islamisme consiste à faire reculer cette idéologie mortifère et liberticide sans porter atteinte à la démocratie. Quant aux deux thèses identitaires nommées « grand remplacement » ou « islamophobie », elles ont en commun d’être complotistes et factuellement infondées. La première sous-entend qu’il y aurait un plan délibéré de remplacement des populations européennes par d’autres, sans jamais préciser qui serait aux manettes de ce dessein. La seconde affirme qu’il y aurait un racisme d’État contre « la race musulmane » dans un pays où aucune loi ne cible les musulmans, ni aucune autre communauté religieuse. Par ailleurs, les chiffres officiels prouvent que les actes antisémites et anti-chrétiens sont en nette augmentation par rapport aux actes anti-musulmans, heureusement rares dans notre pays. Lors de son précédent mandat, Emmanuel Macron a posé des actes nécessaires contre l’islamisme qui gangrène la société française depuis des décennies et a fait interdire des officines séparatistes dangereuses. Toutefois, beaucoup reste à faire, et j’espère que ce second quinquennat continuera à lutter efficacement, et surtout démocratiquement, contre ce fascisme qui ne dit pas son nom.