Propos recueillis à Beyrouth par Sibylle Rizk
Retranché dans sa maison de Beyrouth placée sous haute sécurité, le dirigeant druze Walid Joumblatt, l’un des chefs de la majorité parlementaire libanaise, se dit impuissant face à la campagne d’attentats qui terrorise le pays depuis octobre 2004, alors que la présidence de la République est vacante depuis le 24 novembre 2007. Il accuse la Syrie et l’Iran ainsi que le Hezbollah, leur allié libanais. Et dénonce l’impassibilité occidentale.
LE FIGARO. Vous ne semblez pas avoir de doute sur les auteurs des attentats au Liban, pourtant, la justice n’a trouvé aucun coupable depuis trois ans. Comment l’expliquer ?
Walid JOUMBLATT. D’attentat en attentat, les Syriens et leurs alliés assassinent la fleur du mouvement indépendantiste libanais. Chaque jour, l’évidence grandit. Le Liban est un pays entier voué à l’assassinat. Le message est clair, ils ne veulent ni responsables politiques indépendants, ni armée autonome, ni forces de sécurité… Tout le monde doit se plier aux conditions syro-iraniennes.
J’accuse directement le Hezbollah. J’en ai assez de porter des gants. Quand on possède des fusées de 300 km de portée, on a tout. Le Liban est devenu un marché aux puces d’explosifs. Les assassins ont partout des voitures piégées à leur disposition. On ne peut pas avoir cette capacité de destruction et d’assassinat sans des alliés bien placés et implantés sur le territoire. Le Hezbollah facilite l’œuvre des services de renseignements syriens. Il défend de façon acharnée le régime syrien et l’expansionnisme iranien.
Vous paraissez avoir atteint un point de non-retour avec l’opposition. N’y a-t-il aucun compromis possible ? Pourquoi ne lui accordez-vous pas le tiers de blocage au gouvernement qu’elle réclame ou des législatives anticipées?
C’est une grande hypocrisie de parler de majorité et de minorité quand cette dernière contrôle les deux tiers du territoire, a des armes, paralyse la vie économique, décide de la guerre et de la paix… Ce n’est plus une minorité, mais un corps étranger, un État dans l’État. En face, la majorité est retranchée au Sérail (le siège du premier ministre, NDLR), dans ses maisons… ne contrôle rien.
Il n’y a pas de compromis possible. J’ai essayé de me convaincre du contraire, mais c’est absurde. Nous sommes face à un parti totalitaire et des régimes totalitaires qui ne peuvent pas accepter l’idée d’un Liban libre. Lors des séances du dialogue national, avant la guerre (de l’été 2006, NDLR), nous avons évoqué la nécessité de tracer des frontières entre le Liban et la Syrie. Mais, pour le régime syrien, le Liban n’existe pas, nous sommes une province, c’est comme si on prétendait établir une frontière entre Damas et Alep. Quant à l’Iran, un Liban indépendant est le dernier de ses soucis dans son impérialisme nouveau.
Qu’attendez-vous de vos alliés occidentaux et arabes ?
Il n’y a jamais eu de sanction véritable contre le régime syrien. Les Occidentaux ont agi avec fermeté à un seul moment, en 2005, lorsqu’ils ont obligé l’armée syrienne à se retirer du Liban. Damas a flanché lorsqu’un million et demi de Libanais sont descendus dans la rue, mais, quelques semaines après, les attentats ont recommencé. Les Occidentaux ont lâché le Liban. Leur dialogue avec Ahmadinejad et Assad me fait penser à celui de Hitler avec Chamberlain avant la Seconde Guerre mondiale. On ne dialogue pas avec les dictateurs, on les renverse. Cela dit, ce n’est pas un secret, il y a collusion entre Israël et la Syrie depuis 40 ans. Israël ne voulait pas d’un retrait syrien du Liban. Quant aux Arabes, ils hésitent. Car la Syrie est une machine à exporter le terrorisme. Elle l’a fait en Irak, en Palestine, au Liban…
Croyez-vous à un scénario de guerre civile ?
Ils n’en ont pas besoin. La technique d’élimination physique suffit. La Syrie, l’Iran et leurs alliés veulent le vide, de façon à imposer leur diktat lentement mais sûrement. Nous ne pouvons rien faire, mais nous ne capitulerons pas.
http://www.lefigaro.fr/international/2008/01/29/01003-20080129ARTFIG00008-on-ne-dialogue-pas-avec-les-dictateurs-on-les-renverse-.php
Walid Joumblatt: «On ne dialogue pas avec les dictateurs, on les renverse» Le diagnostic de W. Joumblatt est lucide. « Majorité » et « minorité » sont des termes de propagande et ne correspondent à rien. Mais, plutôt que de diagnostiquer et re-diagnostiquer à répétition et dire et redire ce qu’est, en vérité, cette « minorité », à savoir une colonie syro-iranienne plantée au coeur d’un Etat souverain, les Libanais auraient intérêt à revisiter la stratégie qui est la leur depuis l’expulsion des bandes armées du gang Assad du Liban en 2005. Avoir cédé au choix du Patriarche Sfeir de ne pas chasser Lahoud de la… Lire la suite »