Vatican : seule l’Eglise catholique possède la vérité du christianisme

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En septembre 2000, le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la doctrine romaine, avait provoqué l’une des plus belles tempêtes de la fin du pontificat de Jean Paul II. Dans un document intitulé Dominus Jesus, il avait affirmé que l’Eglise catholique était la seule à pouvoir se prévaloir de la qualité d’Eglise. Les Eglises protestantes et le Conseil oecuménique des Eglises (Genève) s’étaient élevés contre cet exclusivisme catholique. L’affaire avait largement contribué à la réputation d’intransigeance du futur pape et son élection avait été accueillie avec beaucoup de réserves dans les milieux oecuméniques.

Son successeur, le cardinal américain William Levada, publie, mardi 10 juillet, un document qui reprend intégralement cette thèse, comme si la Curie n’avait tiré aucune leçon de la polémique. Pour lui, « l’Eglise du Christ subsiste » (en latin, subsistit in), historiquement et pleinement, dans la seule Eglise catholique : « Elle n’a cessé d’exister au cours de l’Histoire, et toujours elle existera, et c’est en elle seule que demeurent à jamais tous les éléments institués par le Christ lui-même. »

C’est aussi la reprise, presque mot pour mot, de la constitution sur l’Eglise (Lumen Gentium) du concile Vatican II, adoptée en 1964. En faisant ce rappel, l’auteur de ce document romain entend lutter contre les « interprétations erronées » venues de la pratique depuis quarante ans d’un « oecuménisme » mal compris et de « visions inacceptables, encore répandues dans le monde catholique », selon lesquelles l’unité des Eglises ayant éclaté, plus aucune ne peut se considérer comme détentrice de la seule vérité

Autrement dit, une seule Eglise possède la vérité intégrale du christianisme. Les autres – orientales (orthodoxes) ou protestantes – ne sont pas dépourvues d' »éléments de vérité et de sanctification », mais n’ayant pas été fidèles à la foi catholique des origines, elles n’ont pas la « plénitude » des voies du salut, qui ne peuvent être trouvées qu’à Rome.

Les orthodoxes méritent un sort à part. Ils sont les plus proches des catholiques : ils n’ont pas rompu avec le principe de la « succession apostolique » (les évêques descendent des apôtres) et ils ont une conception « valide » du sacrement de l’Eucharistie. Mais ils divergent avec l’un des « principes constitutifs » de la foi catholique : la primauté du pape, évêque de Rome. Pour les orthodoxes, tous les évêques sont successeurs des apôtres et leurs pouvoirs sont identiques. C’est une « déficience », juge le texte romain. Aussi les Eglises orthodoxes ne peuvent être considérées au mieux que comme des « Eglises particulières ou locales ».

ENTORSE AU DIALOGUE

Quant aux Eglises protestantes, nées de la Réforme du XVIe siècle (anglicanisme, luthéranisme, calvinisme, méthodisme), elles ne sont même pas des Eglises authentiques au sens propre. Elles ne sont que des « communautés ecclésiales ». Impossible de les qualifier autrement, écrit le cardinal Levada, malgré la « blessure » que ce mot peut provoquer. Car il manque aux protestants les « éléments essentiels » de la foi catholique. Ils croient au « sacerdoce universel » des fidèles : il n’y a pas de différence entre eux, sinon de fonction. Etre « pasteur » est une fonction, non un ministère sacré. Ils ont rompu avec la « succession apostolique » : leur épiscopat, leur sacerdoce ne sont pas « valides ». Leur conception de l’Eucharistie (la « Sainte-Cène ») n’est « ni authentique, ni intégrale ».

Ces points de doctrine ne sont pas nouveaux. Mais les acteurs du dialogue – y compris catholiques – peineront à comprendre les raisons et l’utilité d’un tel rappel de divergences aujourd’hui. Le cardinal Levada n’entend pas contrarier, assure-t-il, le dialogue oecuménique, mais il veut le mener à ses conditions : la fidélité « à l’identité de la foi catholique ».

Les réactions risquent d’être vives. Les protestants, en particulier, n’acceptent pas que leur qualité d’Eglise soit ainsi contestée. Cette manière d’affirmer que l’Eglise catholique est seule à posséder la vérité ne pourra que satisfaire son aile la plus identitaire et dogmatique. Derrière un argumentaire technique et une apparente fidélité à la lettre du concile Vatican II, c’est l’esprit du dialogue ouvert depuis quarante ans entre les confessions chrétiennes qui subit une nouvelle entorse.

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Messe en latin et prière pour la « conversion » des juifs

Annoncée dans son motu proprio du samedi 7 juillet sur la liturgie, la permission plus largement donnée à l’usage du « missel » en latin de Jean XXIII en date de 1962 – version actualisée, juste avant Vatican II, de la messe de saint Pie V (XVIe siècle) – a jeté le trouble dans certains milieux juifs. Le pape Jean XXIII, qui fut l’un des initiateurs du dialogue avec les juifs, avait supprimé la prière du vendredi-saint pour les « juifs perfides ». Le retour de cette mention est bien sûr exclu. Mais le rituel de la messe de Saint-Pie V, chère aux traditionalistes, révisée par Jean XXIII, contient toujours une prière pour la « conversion des juifs » ainsi énoncée : « Prions pour les juifs. Que le Seigneur notre Dieu lève le voile de leurs coeurs et leur permette de reconnaître Jésus-Christ. » La messe « moderne », celle de Paul VI (1970), correspond mieux à l’exigence du respect des juifs : « Prions pour le peuple juif, le premier à avoir entendu la Parole de Dieu pour qu’il puisse continuer à croître dans l’amour de son nom et la croyance en son alliance. »

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