Même si la réconciliation de Meerab a paré au désaccord interchrétien sur la présidentielle, que le Hezbollah invoquait pour boycotter les séances électorales, le parti chiite maintient son blocage.
La subordination du Hezbollah aux décideurs de Téhéran en est la cause principale. Selon un diplomate informé, ce sont des facteurs régionaux qui dictent exclusivement la politique du parti chiite au Liban. D’ailleurs, son secrétaire général, Hassan Nasrallah, définit lui-même son parti comme un « acteur régional principal ». La volonté iranienne de blocage serait facilitée en outre par l’abstention russo-américaine de contribuer activement à l’élection d’un président libanais. L’attention des acteurs internationaux n’est pas portée sur le Liban. Si la France a tenté plus d’une initiative, auprès de Téhéran, pour mettre un terme à la vacance présidentielle, il lui manquait un appui régional.
La réconciliation de Meerab, de même que le compromis Frangié ne seraient parvenus qu’à produire un effet minime, celui de relancer les efforts menés déjà par le Vatican et l’Élysée, mais qui continuent de se heurter aux mêmes obstacles.
Le Vatican aurait également salué cette entente, perçue comme un pas en avant vers le déblocage. Après la visite du patriarche maronite, les milieux pontificaux auraient l’intention de multiplier leurs contacts avec les décideurs internationaux pour l’élection d’un président, révèlent des sources diplomatiques. Le patriarche maronite aurait en effet mis en garde le pape contre le danger de la vacance présidentielle tant sur l’État que sur l’entité libanaise. Il aurait aussi alerté son interlocuteur sur les conséquences de la déliquescence institutionnelle, aggravées par la présence importante de réfugiés syriens, ajoutent ces sources.
Toute démarche dans ce sens ne pourra occulter toutefois les insinuations actuelles des milieux du 8 Mars, qui plaident pour un package-deal global, qui débloquerait subsidiairement la présidentielle. Ces milieux refusent en effet un retour de Saad Hariri au Grand Sérail, synonyme d’un retour en force de l’Arabie saoudite. C’est pourquoi le Hezbollah exigerait un compromis incluant tous les rouages du pouvoir : la présidence de la République, le commandement de l’armée, le gouvernement (le nom du Premier ministre et la répartition des portefeuilles ministériels), ainsi que la loi électorale, précise un ancien ministre du 8 Mars.
Le Hezbollah ne peut se contenter de la seule présidence de la République, fût-elle attribuée à un candidat du 8 Mars. Le blocage prolongé qu’il orchestre en est la preuve.
Les milieux du 14 Mars refusent cette logique du package-deal. Pour eux, la présidence de la République reste la clé de voûte de la relance institutionnelle, et il ne serait pas acceptable de lier le sort de la magistrature suprême, symbole même de l’État, à celui du commandant de l’armée ou de la présidence du Conseil des ministres.
Si, en revanche, c’est l’équation Frangié-Hariri qui gêne le 8 Mars, des milieux du 14 Mars se disent prêts à soutenir une nouvelle équation : celle de Aoun-Siniora.
Le chef du bloc du Changement et de la Réforme tenterait un forcing dans ce sens, en exigeant le retrait de Sleiman Frangié de la course présidentielle, préalablement à la tenue d’une séance électorale. Il chercherait ainsi à garantir son élection par le biais d’un consensus préalable sur la présidentielle. En continuant de soutenir Michel Aoun, le Hezbollah lierait sa participation à la séance du 8 février à celle de son candidat, et, indirectement, au retrait de Sleiman Frangié. À défaut d’un package-deal, c’est le consensus sur la candidature de Aoun qui amènerait, peut-être, le parti chiite à se rendre à la séance électorale.
Pour le Vatican, l’assainissement de la rue chrétienne devrait accélérer l’élection d’un président, au lieu de limiter la course à un candidat unique, rapportent des visiteurs de la cité papale. Les députés chrétiens de tous bords reçus par des responsables du Vatican sont quant à eux pressés par leurs interlocuteurs d’élire un président, qu’il soit Michel Aoun ou Sleiman Frangié.
Si l’on concède que les Libanais ont renoncé à leur système démocratique en faveur d’un système basé sur le consensus, le mécanisme de ce dernier n’obéit pas à des normes objectives. Y a-t-il par exemple un consensus autour de la participation du Hezbollah en Syrie ? s’interroge ainsi une source du 14 Mars, qui dénonce un « consensus sélectif, dont les forces du 8 Mars font un usage discrétionnaire ».
Si le 14 Mars refuse donc aussi bien la logique du package deal que celle du consensus sur la présidence, c’est en partie parce que les pointages favorisent jusqu’à l’heure la candidature de Sleiman Frangié. Et c’est également parce que la conjoncture régionale ne paraît pas se prêter à un consensus au Liban.
À moins que les parties libanaises ne saisissent l’occasion d’élire Michel Aoun ou Sleiman Frangié avant le printemps prochain, la vacance présidentielle risquerait de se prolonger probablement jusqu’au printemps 2017, lorsque les échéances électorales en France et aux États-Unis seront passées, estime un politique arabe vivant à Paris.