SOUPÇONNÉ d’avoir quitté le Levant en détournant les richesses de son pays après avoir été écarté du pouvoir dans les années 1980, Rifaat el-Assad, oncle de l’actuel président Bachar al-Assad, menait grand train lors de son exil en Europe jusqu’à ce qu’il attire l’attention de la justice, après une dénonciation au parquet émanant de deux associations de lutte anticorruption : Sherpa et Transparency International. Âgé de 79ans, ce sulfureux dignitaire a été mis en examen le 9 juin 2016 pour « blanchiment de fraude fiscale aggravée » et « détournement de fonds publics ».
Les derniers résultats de l’enquête portés à la connaissance du Figaro révèlent que quelque 503 biens immobiliers, d’une valeur de 600 millions d’euros, et appartenant à Rifaat el-Assad ou à son proche entourage, ont été confisqués dans la station balnéaire de Marbella. Il s’agissait de villas, d’un hôtel particulier, d’appartements ainsi que de restaurants pour faire fructifier le patrimoine.
« Monseigneur »
Ces perquisitions de la garde civile, menées pour l’essentiel dans le luxueux port de plaisance de Puerto Banus (Andalousie), découlaient d’une équipe commune d’enquête (ECE) formée avec le SNDJ. Rifaat a argué que sa fortune provenait de dons de la famille royale saoudienne, dont les défunts rois Fahd et Abdallah, mais sans convaincre. En France, deux arrêts de la cour d’appel de Paris, rendus en mars dernier, ont confirmé les saisies opérées sur plusieurs sociétés détenant des biens immobiliers dans les quartiers huppés de la capitale. Parmi eux, figurent deux hôtels particuliers situés dans le XVIe arrondissement, dont l’un de plus de 3 000 m² sur la prestigieuse avenue Foch. Dans ce Monopoly grandeur nature, se trouve aussi une créance de 9,5 millions d’euros qu’une des sociétés détenait à Paris après l’expropriation d’un terrain de 788 m² situé rue Jasmin. Lequel devrait, d’ici à 2020, accueillir 29 logements sociaux familiaux, 14 places de parking et une crèche.
L’inventaire des saisies comprend aussi un château de 45 hectares et un haras dans le Val-d’Oise ou encore 7 300 m² de bureaux à Lyon. Au total, le fisc estime à 90 millions d’euros la valeur de ces biens acquis au travers de sociétés – dont certaines sont installées au Luxembourg – entre 1984, année de l’arrivée de Rifaat en France avec sa suite, et 1988 lorsqu’il fut fait grand-croix de la Légion d’honneur par François Mitterrand. Période où il était invité aux chasses présidentielles par François de Grossouvre, le conseiller de l’ombre lui donnant même du « Monseigneur » dans un courrier d’invitation écrit le 19 décembre 1988. Pour sa défense, Rifaat el-Assad s’est présenté comme un homme politique ne s’occupant pas de son patrimoine, disant ignorer les documents qu’il signe, a raconté à l’AFP une source informée. Dans l’une de ses décisions, la chambre de l’instruction s’appuie sur des écoutes téléphoniques pour relever qu’une gestionnaire « rendait compte » à Rifaat el-Assad « très régulièrement » de la situation de son patrimoine immobilier.
LE FIGARO