Par Henri Seckel
A l’origine des ennuis de l’ancienne ministre de la santé et des sports (2007-2010) du gouvernement Sarkozy, une déclaration à l’emporte-pièce, mardi 8 mars, sur le plateau du talk-show animé par Laurence Ferrari, où elle intervient quotidiennement. Interrogée sur le contrôle positif de l’ancienne numéro 1 mondiale Maria Sharapova, révélé la veille, Roselyne Bachelot s’est agacée du manque de transparence autour du dopage dans le tennis : « On ne révèle pas les contrôles positifs (…). Simplement, on apprend curieusement qu’un joueur a une blessure qui le maintient des mois en dehors des courts. On sait à peu près que la fameuse blessure de Rafael Nadal qui a entraîné sept mois d’arrêt de compétition [en 2012-2013] est très certainement due à un contrôle positif. »
La charge a mis quelques jours à traverser les Pyrénées, mais depuis, médias, sportifs et institutions sont à l’unisson pour défendre Rafael Nadal, actuellement en Californie pour le tournoi d’Indian Wells.
« Une personne imbécile comme celle-là »
Toni Nadal, oncle et entraîneur du 5e joueur mondial, n’y est pas allé avec le dos de la raquette pour smasher les propos de Roselyne Bachelot : « De nos jours, au lieu de démontrer la culpabilité de quelqu’un, il faut démontrer son innocence. Alors, une personne imbécile comme celle-là peut dire n’importe quelle horreur et voir ce que ça donne », a-t-il dit à la radio catalane Rac1, jeudi. Il a notamment annoncé qu’il envisageait de porter plainte.
Le comité olympique espagnol a déploré, vendredi, « les déclarations malheureuses et sans fondement » de Roselyne Bachelot avant de souligner que le joueur neuf fois vainqueur de Roland-Garros s’était « soumis à d’innombrables contrôles antidopage, toujours avec succès ».
« Cela commence un peu à me fatiguer »
Enfin, « Rafa » a pu compter sur le soutien de personnalités d’autres sports, comme Vicente Del Bosque, sélectionneur de l’équipe national de football : « Nous avons d’excellents sportifs, parmi lesquels “Rafa” est l’un des numéros 1, et tous ceux qui veulent dévaloriser le sport se trompent. J’espère que cela va s’arranger, et que son nom ne sera pas entaché. »
La presse n’est pas en reste, et rappelle que les propos de Roselyne Bachelot ne sont pas une première. Le journal en ligne El Español évoque ainsi des « attaques continues de la Francevisant le sport espagnol, toujours sans preuve ». Allusion aux polémiques suscitées dans la péninsule par un article du Monde.fr en septembre 2015 qui rappelait la collaboration de basketteurPau Gasol avec un médecin mis en cause dans « l’affaire Festina », à un sketch des Guignols de l’info de 2012 ou encore à la chronique de Yannick Noah dans le cahier Sport du Monde du 19 novembre 2011 au sujet de la « potion magique » des sportifs espagnols.
Depuis Indian Wells, Rafael Nadal a dit sa lassitude : « J’ai entendu ces accusations de dopage me concernant et cela commence un peu à me fatiguer. Je n’ai jamais eu la tentation de fairequelque chose d’interdit. Je me suis toujours tenu loin du dopage, je suis un joueur complètement propre. »
Contactée vendredi 11 mars par Le Monde, Roselyne Bachelot a répondu par un long SMS : « Je suis flattée de l’intérêt porté à mes propos par M. Nadal. Je me suis simplement fait l’écho de commentaires tenus très largement dans le monde du tennis et de la presse. (…) Au-delà du cas particulier, il est maintenant avéré que des suspensions ou des arrêts de carrière –prétendument pour raisons de santé – ont servi à masquer des contrôles antidopage positifs en accord entre les joueurs, leur entourage et les autorités du tennis. Il est à espérer que les déclarations de Mme Sharapova ouvrent une nouvelle ère marquée par la transparence dans un sport magnifique, mais dans lequel les enjeux financiers ont été à l’origine de bien des tentations. »
- Henri Seckel
Journaliste au Monde