Une moisson de contrats, une spectaculaire avancée diplomatique vers la Syrie et un faste débordant qui a réjoui Donald Trump à chaque étape de sa tournée dans le Golfe, qui s’est achevée jeudi par une halte à Abu Dhabi, la capitale des Émirats arabes unis. Mais au-delà des petits fours au menu du dîner offert en son honneur par l’émir du Qatar ou des F-35 qui ont escorté le Boeing Air Force One du président des États-Unis à son atterrissage à Riyad, le premier déplacement à l’étranger de Donald Trump a confirmé unchangement stratégique américain au Moyen-Orient par rapport à la présidence Biden.
« Le commerce remplace l’intervention militaire, les puissances régionales contrôlent leur propre destin, et l’Amérique soutient sans occuper », résume sur son compte X l’homme d’affaires américain Karl Mehta, pour qui « cette approche coûte des milliards de dollars en moins tout en produisant de meilleurs résultats ».
Devant des dirigeants – aussi peu idéologues que lui – l’ancien promoteur immobilier a rappelé qu’il n’était pas là pour donner des leçons de démocratie – il a éludé toute référence à l’assassinat du dissident Jamal Khashoggi dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul – et que les aventures des néoconservateurs américains – en Irak notamment – ont été de cinglants échecs réprouvés par les pays du Golfe eux-mêmes.
En communion avec les monarques arabes, Trump veut de la stabilité pour faire des affaires, mais il leur a rappelé que son amitié se paie en espèces sonnantes et trébuchantes. La liste des nombreux « deals » est en effet impressionnante. 600 milliards d’investissements saoudiens promis aux États-Unis, dont 90 par le géant pétrolier Aramco, 200 milliards de la part de Qatar Airways auprès de l’avionneur Boeing et des commandes aux Émirats en matière d’intelligence artificielle, notamment. « Il n’y a jamais eu de tournée pouvant rapporter au total 3 500 à 4 000 milliards de dollars en seulement quatre ou cinq jours », a claironné Donald Trump.
Quête de stabilité
Des experts mettent cependant en garde, d’abord sur les effets d’annonce. Entre l’Arabie et les États-Unis, la liste des « deals » comprend de nombreuses lettres d’intentions, c’est-à-dire des promesses qui ne se concrétisent pas toujours. Certains se demandent également comment le royaume, confronté à une réduction de ses ressources avec un baril de pétrole à moins de 65 dollars, pourra financer de tels investissements, au moment où le prince héritier Mohammed Ben Salman a dû revoir à la baisse certains de ses projets pharaoniques, comme Neom, sa ville futuriste sur la mer Rouge. Reste que cette tournée a établi les fondations d’un nouveau partenariat saoudo-américain, après le froid de l’Administration Biden. MBS a déjà fait une part du chemin en jouant un rôle dans les négociations menées récemment entre les États-Unis et les rebelles yéménites houthistes qui ont abouti à une trêve de leurs attaques en mer Rouge contre des navires américains. D’autre part, en poussant Donald Trump à rencontrer Ahmed al-Charaa, MBS apparaît comme le garant du pari syrien du président américain qui a pris le risque d’adouber l’ancien djihadiste en levant les sanctions contre Damas, à la surprise générale, y compris de sa propre Administration.
Sa quête de stabilité, Donald Trump l’a étendue à l’Iran, rappelant son désir de conclure un accord avec Téhéran. « On ne va pas faire de poussière nucléaire avec l’Iran », a-t-il dit, tout en réaffirmant qu’il n’hésiterait pas à user de la force si la République islamique ne saisissait pas la main tendue. Son optimisme rend furieux le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, le grand perdant de cette tournée, qui a vu l’allié stratégique de l’État hébreu bouder l’étape israélienne, au moment où les divergences israélo-américaines se multiplient concernant le Hamas, les houthistes, et la bande de Gaza que Donald Trump veut transformer en « zone de liberté » alors que Benyamin Netanyahou entend y intensifier sa guerre.