La 38e séance pour l’élection d’un président de la République s’est terminée comme celles qui l’ont précédée, sans quorum et en l’absence des deux candidats déclarés, Michel Aoun et Sleiman Frangié, pôles du 8 Mars appuyés par des composantes du 14 Mars. MM. Aoun et Frangié sont restés solidaires du Hezbollah, grand absent, comme toujours, en attendant le mot de passe en provenance de Téhéran qui débloquera l’échéance.
Pour Sleiman Frangié, les chances des candidats du 8 Mars ont sérieusement régressé, au point d’atteindre le néant, surtout à la lumière de la campagne qui vise le Hezbollah, en le classant au rang des organisations terroristes, et l’Iran, accusée d’ingérence dans les affaires intérieures arabes. Ces accusations ont porté atteinte aux candidats du 8 Mars à la présidentielle, laminant leurs chances, si bien que c’est désormais en faveur d’un candidat consensuel acceptable de tous que la balance penche, en dehors des grandes coalitions. Selon un ancien ministre, trois noms de présidentiables auraient ainsi la cote actuellement : Riad Salamé, Jean Kahwagi et Jean Obeid.
La campagne menée contre le Hezbollah et l’Iran – que ce soit à travers les sanctions américaines ou les multiples décisions arabes – a fait perdre au parti chiite la couverture extérieure arabo-islamique dont il disposait, du fait de sa légitimité en tant que résistance contre Israël. Les sommets et conférences organisés aux niveaux régional et international condamnent les uns après les autres l’ingérence iranienne dans les pays arabes et classent le Hezbollah parmi les organisations terroristes. Or ces développements auront sans doute leurs répercussions sur l’échéance présidentielle, les candidats affiliés au 8 Mars et proches du Hezbollah n’ayant plus aucune chance d’accéder au palais de Baabda.
Pour un cadre politique du 8 Mars proche du Hezbollah, cette analyse n’est pas de circonstance. « Le Hezbollah ne subira pas les contrecoups de cette campagne. Il ne recherche pas, partant, d’ombrelle politique sur le plan intérieur pour se protéger comme en 2005, lorsqu’à la suite du retrait forcé de Damas, il avait demandé à participer au cabinet Siniora pour la première fois. Le Hezbollah ne dément pas qu’il fait l’objet d’une campagne en bonne et due forme visant à l’étouffer tant sur le plan financier que politique, sécuritaire ou médiatique. Mais il pense que nul, sur le plan intérieur, ne saurait constituer de menace pour lui et exploiter cette nouvelle donne.
Selon des sources proches du dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur, le parti chiite recherche actuellement la stabilité. Il a besoin de calme et veut surtout empêcher le brasier syrien de s’étendre au Liban. Il s’agirait là, estime un homme politique proche du parti, d’une tentative de préserver ses atouts en main et de rester maître du jeu, surtout à l’ombre de la campagne contre lui qui lui a ôté toute couverture arabo-islamique, à l’exception de celle qui lui est assurée par Téhéran. Le Hezbollah craindrait ainsi que l’un des pays arabes aille jusqu’à obtenir une résolution du Conseil de sécurité considérant le parti comme terroriste, à la veille du lancement de la coalition internationale contre le terrorisme. Mais la Russie et la Chine veillent au grain et opposeraient immédiatement leur veto au Conseil de sécurité pour empêcher l’adoption d’une telle résolution, souligne une source proche du parti.
À cet argument, un diplomate occidental répond qu’en dépit du poids sino-russe, le processus d’étranglement du Hezbollah, loin de perdre du terrain, va au contraire prendre de l’ampleur. Le parti chiite peut-il y faire face seul, surtout après avoir perdu le soutien de composantes politiques locales et avec l’apparition d’une contestation populaire chiite en raison notamment de son équipée en Syrie et des lourdes pertes essuyées depuis son ingérence dans cette guerre et dans les autres conflits de la région ? Selon un ancien ministre, contrairement à ce que prétend le Hezbollah, ce dernier a besoin d’une couverture sur le plan intérieur. Il a besoin d’un président qui sortirait le Liban de son état de léthargie.
Or le parti chiite continue, jusqu’à présent, de soutenir la candidature Aoun. Il veut d’un président qui assurerait une légalité au projet de la résistance, qui reviendrait à l’équation armée-peuple-résistance et qui occulterait tout débat sur ses armes. Le chef du bloc du Changement et de la Réforme, lui, entend maintenir sa candidature, sans vaciller. « Je ne céderai pas », a-t-il dit à l’ambassadeur de France, Emmanuel Bonne, refusant l’invitation à rencontrer le président François Hollande à la Résidence des Pins et se contentant de dépêcher son gendre, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, à sa place.
Qu’à cela ne tienne, de nouvelles pressions seraient actuellement exercées pour débloquer la présidentielle, de la part de différents pays qui ont à cœur ce dossier, à commencer par la France, qui pourrait agir par le biais de l’Union européenne pour pousser Téhéran à débloquer l’échéance avec le début des négociations sur la Syrie. Il est ainsi question d’une élection prochaine, le Hezbollah mettant fin à son boycott des séances, la communauté internationale, et la Russie notamment, voulant réaliser l’échéance sous le mandat Obama, avant l’entrée des États-Unis dans la course présidentielle. Faute de quoi le nouveau président devra attendre… l’automne 2017.