Des membres du comité de santé du Hezbollah lors d’une tournée pour la presse, mardi dans la banlieue sud. Photo Joao Sousa
Depuis plusieurs jours, le parti chiite mène sa nouvelle guerre, contre le Covid-19 cette fois-ci, dans de vastes pans du territoire libanais, en parallèle aux mesures prises par les autorités.
Quarantaine et « barrages sanitaires »
Dans la Békaa, le Hezbollah a imposé une quarantaine à de nombreuses personnes rentrées d’Iran dernièrement. « Les gens ne sont pas retenus de force dans leurs villages, comme certains l’affirment, mais le Hezbollah a demandé à ceux qui sont récemment rentrés d’Iran de s’isoler pendant 14 jours », explique notre correspondante Sarah Abdallah. Il s’agit surtout de pèlerins, de familles de martyrs auxquelles le parti chiite offre des voyages religieux à Qom ou d’étudiants. Dans le caza de Jbeil, des membres du Hezbollah ont érigé des barrages sanitaires où ils prennent la température des passants et mené des campagnes de désinfection dans les localités chiites ou mixtes, suscitant la désapprobation de certaines familles chrétiennes, selon l’ancien député de la région Farès Souhaid.
« Depuis la crise, des gens issus des villages chiites de Jbeil, et qui habitent en majorité dans la banlieue sud, sont rentrés dans la région. Ces derniers jours, une voiture arborant les drapeaux du Hezbollah fait le tour des villages pour donner des conseils sanitaires et demander aux gens de rester confinés. Ce ne sont pas des parades sanitaires, leur efficacité est d’ailleurs modeste. Il s’agit d’un étalage de force, semblable à l’étalage de force politique et militaire opéré d’habitude », estime M. Souhaid.
Les mesures mises en place par le parti chiite ont suscité des tensions dans les villages mixtes où certains appellent à ce que la désinfection se fasse sous l’égide de la municipalité. La question a été réglée depuis, mais M. Souhaid dénonce la « récupération partisane de l’épidémie, non seulement de la part du Hezbollah, mais également de la part des autres forces politiques comme les Forces libanaises, les Kataëb ou le Courant patriotique libre ».
Interrogé par L’OLJ sur la campagne sanitaire du Hezbollah, un analyste politique estime que « l’ensemble des forces politiques tentent aujourd’hui de profiter de la situation, mais le Hezbollah est celui qui sait le plus communiquer sur ses actions ». « Le Hezbollah sait très bien comment mettre les crises à profit pour montrer qu’il est le plus fort et qu’il est concerné par la sécurité de tous les gens, même s’ils ne font pas partie de son public », indique l’analyste, sous le couvert de l’anonymat. « Cette mise en scène (mardi dans la banlieue sud) sert à dire : “Je suis un État et je peux vous protéger médicalement, après vous avoir protégé militairement contre Israël” », estime-t-il.